horace_art-poetique-trad-taillefert_1845.xml

<?xml version="1.0" encoding="utf-8"?>
<?xml-model href="http://obvil.github.io/Teinte/teinte.rng" type="application/xml" schematypens="http://relaxng.org/ns/structure/1.0"?><?xml-stylesheet type="text/css" href="../../Teinte/opentei.css"?><?xml-stylesheet type="text/xsl" href="../../Teinte/tei2html.xsl"?>
<TEI xml:lang="fre" xmlns="http://www.tei-c.org/ns/1.0">
    <teiHeader>
        <fileDesc>
            <titleStmt>
                <title>Les auteurs latins expliqués... Horace. Art poétique</title>
                <author key="Horace (0065-0008 av. J.-C.)" ref="https://data.bnf.fr/fr/11886570/horace/">Horace</author>
                <author role="translator" key="Taillefert, Émile (18..-18..)" ref="https://data.bnf.fr/fr/13481124/emile_taillefert/">Émile Taillefert</author>
            </titleStmt>
            <editionStmt>
                <edition>OBVIL</edition>
                <respStmt>
                    <name>Infoscribe</name>
                    <resp>saisie, XML-TEI</resp>
                </respStmt>
                <respStmt>
                    <name>Anne-Laure Huet</name>
                    <resp>édition XML-TEI</resp>
                </respStmt>
            </editionStmt>
            <publicationStmt>
                <publisher>Sorbonne Université, LABEX OBVIL</publisher>
                <date when="2019"/> <idno>http://obvil.sorbonne-universite.fr/corpus/ecole/horace_art-poetique-trad-taillefert_1845</idno>
                <availability status="restricted">
                    <licence target="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/">
                        <p>Copyright © 2019 Sorbonne Université, agissant pour le Laboratoire
                            d’Excellence « Observatoire de la vie littéraire » (ci-après dénommé
                            OBVIL).</p>
                        <p>Cette ressource électronique protégée par le code de la propriété
                            intellectuelle sur les bases de données (L341-1) est mise à disposition
                            de la communauté scientifique internationale par l’OBVIL, selon les
                            termes de la licence Creative Commons : « Attribution - Pas
                            d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 France (CCBY-NC-ND
                            3.0 FR) ».</p>
                        <p>Attribution : afin de référencer la source, toute utilisation ou
                            publication dérivée de cette ressource électroniques comportera le nom
                            de l’OBVIL et surtout l’adresse Internet de la ressource.</p>
                        <p>Pas d’Utilisation Commerciale : dans l’intérêt de la communauté
                            scientifique, toute utilisation commerciale est interdite.</p>
                        <p>Pas de Modification : l’OBVIL s’engage à améliorer et à corriger cette
                            ressource électronique, notamment en intégrant toutes les contributions
                            extérieures, la diffusion de versions modifiées de cette ressource n’est
                            pas souhaitable.</p>
                    </licence>
                </availability>
            </publicationStmt>
            <sourceDesc>
                <bibl>Horace, <hi rend="i">Les Auteurs latins expliqués d’après une méthode nouvelle
                        par deux traductions françaises, l’une littérale et juxtalinéaire... l’autre
                        correcte et fidèle, précédée du texte latin, avec des sommaires et des
                        notes... Horace. Art poétique [traduit par E. Taillefert]</hi>,
                        <pubPlace>Paris</pubPlace>, <publisher>L. Hachette</publisher>,
                        <date>1845</date>, n-16, 72 p. PDF : <ref
                        target="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5821613g"
                    >Gallica</ref>.</bibl>
            </sourceDesc>
        </fileDesc>
        <profileDesc>
            <creation>
                <date when="1845"/>
            </creation>
            <langUsage>
                <language ident="fre"/>
                <language ident="lat"/>
            </langUsage>
        </profileDesc>
    </teiHeader>
    <text>
        <body>
            <div1 type="preface">
                <pb n="n.p."/>
                <head><hi rend="uc">Avis</hi>.</head>
                <p>On a réuni par des traits, dans la traduction juxtalinéaire, les mots français
                    qui traduisent un seul mot latin.</p>
                <p>On a imprimé en <hi rend="i">italique</hi> les mots qu’il était nécessaire
                    d’ajouter pour rendre intelligible la phrase française, et qui n’avaient pas
                    leur équivalent dans le latin.</p>
                <p>Enfin, les mots placés entre parenthèses, dans le français, doivent être
                    considérés comme une seconde explication, plus intelligible que la version
                    littérale.</p>
            </div1>
            <div1>
                <pb n="n.p."/>
                <head><hi rend="uc">Argument analytique</hi>.</head>
                <p>Vers 1. Tout sujet doit être simple. — 24. Souvent les poëtes tombent dans les
                    défauts opposés à ceux qu’ils veulent éviter. — 38. L’auteur doit choisir un
                    sujet proportionné à ses forces. — 45. Hardiesses que les poëtes peuvent se
                    permettre dans l’emploi des mots : destinée des mots. — 73. Quels sont les vers
                    appropriés à chaque genre. — 89. Du ton qui convient à la Tragédie et à la
                    Comédie. — 99. Il faut tenir compte du sujet, du temps, des personnes. — 119. Ce
                    que doit faire l’auteur, s’il reproduit sur la scène un personnage connu, ou
                    s’il en invente un nouveau. — 136. Quelques préceptes sur la poésie
                    épique. — 153. Des sujets qu’il faut mettre sur la scène. Horace recommande
                    d’approprier les mœurs à chacun des âges de la vie. — 179. De l’action et du
                    récit. — 193. Du Chœur. — 202. De la licence qui s’est introduite dans la
                    musique. — 220. Du drame Satyrique. — 251. De l’iambe, et de l’iambique de six
                    pieds. — 263. Négligence des écrivains Romains. — 275. Origine de la Tragédie et
                    de la Comédie. — 295. De l’art et du génie. — 309. Connaissances nécessaires au
                    poëte. — 323. Funestes effets de ce travail déréglé qui n’a en vue que
                    l’argent. — 333. Objet que la poésie se propose. De la vraisemblance. — 347. La
                    sévérité n’exclut pas une indulgence raisonnable. — 366. La médiocrité est
                    interdite aux poëtes. — 391. Origine et éloge de la poésie. — 408. Pour former
                    le poëte, il faut le concours de l’art et de la nature. — 419. L’écrivain doit
                    se défier des flatteurs, et ne consulter qu’un juge sincère. — 453.
                    Épilogue.</p>
            </div1>
            <div1>
                <!-- Traduction simple du texte -->
                <div2 xml:lang="lat">
                    <pb n="n.p." xml:id="p2-lat"/>
                    <head type="sur"><hi rend="uc">Q. Horatii Flacci</hi></head>
                    <head type="main"><hi rend="uc">Ars poetica</hi><ref target="p2-lat_1_note" xml:id="p2-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref>.</head>
                    <head type="sub"><hi rend="uc">Ad Pisones</hi><ref target="p2-lat_2_note" xml:id="p2-lat_2"><hi rend="sup">2</hi></ref>.</head>
                    <l>Humano capiti cervicem pictor equinam</l>
                    <l>Jungere si velit, et varias inducere plumas</l>
                    <l>Undique collatis membris, ut turpiter atrum</l>
                    <l>Desinat in piscem mulier formosa superne<ref target="p2-lat_3_note" xml:id="p2-lat_3"><hi rend="sup">3</hi></ref> :</l>
                    <l>Spectatum admissi, risum teneatis, amici ? 5</l>
                    <l>Credite, Pisones, isti tabulæ fore librum</l>
                    <l>Persimilem, cujus, velut ægri somnia, vanæ</l>
                    <l>Fingentur-species, ut nec pes, nec caput uni</l>
                    <l>Reddatur formæ. — Pictoribus atque poetis</l>
                    <l>Quidlibet audendi semper fuit æqua potestas. — 10</l>
                    <l>Scimus, et hanc veniam petimusque damusque vicissim ;</l>
                    <l>Sed non ut placidis coeant immitia, non ut</l>
                    <l>Serpentes avibus geminentur, tigribus agni.</l>
                    <l rend="right">Inceptis gravibus plerumque et magna professis</l>
                    <pb n="4" xml:id="p4-lat"/><l>Purpureus, late qui splendeat, unus et alter
                        15</l>
                    <l>Assuitur pannus, quum lucus et ara Dianæ,</l>
                    <l>Et properantis aquæ per amœnos ambitus agros,</l>
                    <l>Aut flumen Rhenum, aut pluvius describitur arcus :</l>
                    <l>Sed nunc non erat his locus. Et fortasse cupressum</l>
                    <l>Scis simulare ; quid hoc, si fractis enatat exspes 20</l>
                    <l>Navibus, ære dato qui pingitur<ref target="p4-lat_1_note" xml:id="p4-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref> ? Amphora cœpit</l>
                    <l>Institui : currente rota, cur urceus exit ?</l>
                    <l>Denique sit quodvis simplex duntaxat et unum.</l>
                    <l rend="right">Maxima pars vatum, Pater et Juvenes patre digni,</l>
                    <l>Decipimur specie recti : brevis esse laboro, 25</l>
                    <l>Obscurus fio ; seclantem lenia nervi</l>
                    <l>Deficiunt animique : professus grandia turget ;</l>
                    <l>Serpit humi tutus nimium timidusque procellæ.</l>
                    <l>Qui variare cupit rem prodigialiter unam,</l>
                    <pb n="6" xml:id="p6-lat"/><l>Delphinum sylvis appingit, fluctibus aprum. 30</l>
                    <l>In vitium ducit culpæ fuga, si caret arte.</l>
                    <l>Æmilium circa ludum, faber unus et ungues</l>
                    <l>Exprimet, et molles imitabitur ære capillos,</l>
                    <l>Infelix operis summa, quia ponere totum</l>
                    <l>Nesciet. Hunc ego me, si quid componere curem, 35</l>
                    <l>Non magis esse velim, quam naso vivere pravo,</l>
                    <l>Spectandum nigris oculis nigroque capillo.</l>
                    <l rend="right">Sumite materiam vestris, qui scribitis, æquam</l>
                    <l>Viribus, et versate diu quid ferre recusent,</l>
                    <l>Quid valeant humeri. Cui lecta potenter<ref target="p6-lat_1_note" xml:id="p6-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref> erit res, 40</l>
                    <l>Nec facundia deseret hunc, nec lucidus ordo.</l>
                    <l>Ordinis hæc virtus erit et venus, aut ego fallor,</l>
                    <l>Ut jam nunc dicat jam nunc debentia dici,</l>
                    <l>Pleraque differat, et præsens in tempus omittat<ref target="p6-lat_2_note" xml:id="p6-lat_2"><hi rend="sup">2</hi></ref>.</l>
                    <l rend="right">In verbis etiam tenuis cautusque serendis, 45</l>
                    <l>Hoc amet, hoc spernat promissi<ref target="p6-lat_3_note" xml:id="p6-lat_3"><hi rend="sup">3</hi></ref> carminis auctor.</l>
                    <l>Dixeris egregie, notum si callida verbum</l>
                    <pb n="8" xml:id="p8-lat"/><l>Reddiderit junctura novum. Si forte necesse
                        est</l>
                    <l>Indiciis monstrare recentibus abdita rerum :</l>
                    <l>Fingere cinctutis non exaudita Cethegis 50</l>
                    <l>Continget, dabiturque licentia sumpta pudenter ;</l>
                    <l>Et nova fictaque nuper habebunt verba fidem, si</l>
                    <l>Græco fonte cadant, parce detorta. Quid autem</l>
                    <l>Cæcilio Plautoque dabit Romanus, ademptum</l>
                    <l>Virgilio Varioque ? Ego cur, acquirere pauca 55</l>
                    <l>Si possum, invidecr, quum lingua Catonis<ref target="p8-lat_1_note" xml:id="p8-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref> et Enni</l>
                    <l>Sermonem patrium ditaverit, et nova rerum</l>
                    <l>Nomina protulerit ? Licuit semperque licebit</l>
                    <l>Signatum præsente nota producere nomen.</l>
                    <l>Ut sylvæ foliis pronos mutantur in annos, 60</l>
                    <l>Prima cadunt : ita verborum vetus interit ætas,</l>
                    <l>Et juvenum ritu florent modo nata, vigentque.</l>
                    <pb n="10" xml:id="p10-lat"/><l>Debemur morti, nos nostraque<ref target="p10-lat_1_note" xml:id="p10-lat_1"><hi rend="sup"
                            >1</hi></ref>. Sive receptus</l>
                    <l>Terra Neptunus classes Aquilonibus arcet,</l>
                    <l>Regis opus ; sterilisve diu palus<ref target="p10-lat_2_note" xml:id="p10-lat_2"><hi rend="sup">2</hi></ref>, aptaque remis, 65</l>
                    <l>Vicinas urbes alit, et grave sentit aratrum ;</l>
                    <l>Seu cursum mutavit iniquum frugibus amnis,</l>
                    <l>Doctus iter melius : mortalia facta peribunt,</l>
                    <l>Nedum sermonum stet honos et gratia vivax.</l>
                    <l>Multa renascentur quæ jam cecidere, cadentque 70</l>
                    <l>Quæ nunc sunt in honore vocabula, si volet usus,</l>
                    <l>Quem penes arbitrium est, et jus, et norma loquendi.</l>
                    <l rend="right">Res gestæ regumque ducumque et tristia bella,</l>
                    <l>Quo scribi possent numero, monstravit Homerus.</l>
                    <l rend="right">Versibus impariter junctis querimonia primum, 75</l>
                    <l>Post etiam inclusa est voti sententia compos.</l>
                    <l>Quis tamen exiguos elegos emiserit auctor,</l>
                    <l>Grammatici certant, et adhuc sub judice lis est.</l>
                    <pb n="12" xml:id="p12-lat"/><l>Archilochum proprio rabies armavit iambo :</l>
                    <l>Hunc socci cepere pedem grandesque cothurni, 80</l>
                    <l>Alternis aptum sermonibus, et populares</l>
                    <l>Vincentem strepitus, et natum rebus agendis.</l>
                    <l rend="right">Musa dedit fidibus Divos, puerosque Deorum,</l>
                    <l>Et pugilem victorem, et equum certamine primum,</l>
                    <l>Et juvenum curas, et libera vina referre. 85</l>
                    <l rend="right">Descriptas servare vices operumque colores,</l>
                    <l>Cur ego si nequeo ignoroque, poeta salutor ?</l>
                    <l>Cur nescire, pudens prave, quam discere malo ?</l>
                    <l rend="right">Versibus exponi tragicis res comica non vult ;</l>
                    <l>Indignatur item privatis ac prope socco 90</l>
                    <l>Dignis carminibus narrari cœna Thyestæ.</l>
                    <l>Singula quæque locum teneant sortita decenter.</l>
                    <l>Interdum tamen et vocem comœdia tollit,</l>
                    <l>Iratusque Chremes<ref target="p12-lat_1_note" xml:id="p12-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref> tumido delitigat ore ;</l>
                    <l>Et tragicus plerumque dolet sermone pedestri : 95</l>
                    <l>Telephus, aut<ref target="p12-lat_2_note" xml:id="p12-lat_2"><hi rend="sup">2</hi></ref> Peleus, quum pauper et exsul uterque,</l>
                    <pb n="14" xml:id="p14-lat"/><l>Projicit ampullas et sesquipedalia verba,</l>
                    <l>Si curat cor spectantis tetigisse querela.</l>
                    <l rend="right">Non satis est pulchra esse poemata ; dulcia sunto,</l>
                    <l>Et, quocumque volent, animum auditoris agunto. 100</l>
                    <l>Ut ridentibus arrident, ita flentibus adflent</l>
                    <l>Humani vultus. Si vis me flere, dolendum est<ref target="p14-lat_1_note" xml:id="p14-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref></l>
                    <l>Primum ipsi tibi : tunc tua mornfortunia lædent,</l>
                    <l>Telephe, vel Peleu ; male si mandata loqueris,</l>
                    <l>Aut dormitabo, aut ridebo. Tristia mœstum 105</l>
                    <l>Vultum verba decent ; iratum, plena minarum ;</l>
                    <l>Ludentem, lasciva ; severum, seria dictu.</l>
                    <l>Format enim natura prius nos intus ad omnem</l>
                    <l>Fortunarum habitum : juvat, aut impellit ad iram,</l>
                    <l>Aut ad humum mœrore gravi deducit, et angit ; 110</l>
                    <l>Post, effert animi motus interprete lingua.</l>
                    <l>Si dicentis erunt fortunis absona dicta,</l>
                    <pb n="16" xml:id="p16-lat"/><l>Romani tollent equites peditesque cachinnum.</l>
                    <l>Intererit multum Davusne loquatur, an heros ;</l>
                    <l>Maturusne senex, an adhuc florente juventa 115</l>
                    <l>Fervidus ; an matrona potens, an sedula nutrix ;</l>
                    <l>Mercatorne vagus, cultorne virentis agelli ;</l>
                    <l>Colchus, an Assyrius ; Thebis nutritus, an Argis.</l>
                    <l rend="right">Aut famam sequere, aut sibi convenientia finge,</l>
                    <l>Scriptor. Honoratum<ref target="p16-lat_1_note" xml:id="p16-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref> si forte reponis Achillem : 120</l>
                    <l>Impiger, iracundus, inexorabilis, acer,</l>
                    <l>Jura neget sibi nata, nihil non arroget armis ;</l>
                    <l>Sit Medea ferox invictaque, flebilis Ino,</l>
                    <l>Perfidus Ixion, Io vaga, tristis Orestes.</l>
                    <l rend="right">Si quid inexpertum scenæ committis, et audes 125</l>
                    <l>Personam formare novam : servetur ad imum</l>
                    <l>Qualis ab incepto processerit, et sibi constet.</l>
                    <l>Difficile est proprie<ref target="p16-lat_2_note" xml:id="p16-lat_2"><hi rend="sup">2</hi></ref> communia dicere ; tuque</l>
                    <pb n="18" xml:id="p18-lat"/><l>Rectius Iliacum carmen deducis in actus,</l>
                    <l>Quam si proferres ignota indictaque primus. 130</l>
                    <l>Publica materies privati juris erit, si</l>
                    <l>Non circa vilem patulumque moraberis orbem,</l>
                    <l>Nec verbum verbo curabis reddere, fidus</l>
                    <l>Interpres ; nec desilies imitator in arctum,</l>
                    <l>Unde pedem proferre pudor vetet, aut operis lex. 135</l>
                    <l>Nec sic incipies, ut scriptor cyclicus olim :</l>
                    <l>« Fortunam Priami cantabo et nobile bellum…. »</l>
                    <l>Quid dignum tanto feret hic promissor hiatu ? —</l>
                    <l>Parturiunt montes, nascetur ridiculus mus.</l>
                    <l>Quanto rectius hic, qui nil molitur inepte : 140</l>
                    <l>« Dic mihi, Musa, virum, captæ post tempora Trojæ,</l>
                    <l>Qui mores hominum multorum vidit<ref target="p18-lat_1_note" xml:id="p18-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref> et urbes. »</l>
                    <l>Non fumum ex fulgore, sed ex fumo dare lucem</l>
                    <l>Cogitat, ut speciosa dehinc miracula promat :</l>
                    <l>Antiphaten Scyllamque, et cum Cyclope Charybdim. 145</l>
                    <pb n="20" xml:id="p20-lat"/><l>Nec reditum Diomedis ab interitu Meleagri,</l>
                    <l>Nec gemino bellum Trojanum orditur ab ovo.</l>
                    <l>Semper ad eventum festinat, et in medias res,</l>
                    <l>Non secus ac notas, auditorem rapit ; et, quæ</l>
                    <l>Desperat tractata nitescere posse, relinquit. 150</l>
                    <l>Atque ita mentitur, sic veris falsa remiscet,</l>
                    <l>Primo ne medium, medio ne discrepet imum.</l>
                    <l rend="right">Tu, quid ego, et populus mecum desideret, audi.</l>
                    <l>Si plausoris eges aulæa<ref target="p20-lat_1_note" xml:id="p20-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref> manentis, et usque</l>
                    <l>Sessuri donec cantor « <hi rend="i">Vos plaudite</hi> » dicat ; 155</l>
                    <l>Ætatis cujusque notandi sunt tibi mores,</l>
                    <l>Mobilibusque decor naturis dandus et annis.</l>
                    <l rend="right">Reddere qui voces jam scit puer<ref target="p20-lat_2_note" xml:id="p20-lat_2"><hi rend="sup">2</hi></ref>, et pede
                        certo</l>
                    <l>Signat humum, gestit paribus colludere, et iram</l>
                    <l>Colligit ac ponit temere, et mutatur in horas. 160</l>
                    <l rend="right">Imberbus juvenis, tandem custode remoto,</l>
                    <pb n="22" xml:id="p22-lat"/><l>Gaudet equis canibusque et aprici gramine
                        Campi ;</l>
                    <l>Cereus in vitium flecti, monitoribus asper,</l>
                    <l>Utilium tardus provisor, prodigus æris,</l>
                    <l>Sublimis, cupidusque, et amata relinquere pernix. 165</l>
                    <l rend="right">Conversis studiis, ætas animusque virilis</l>
                    <l>Quærit opes et amicitias, inservit honori,</l>
                    <l>Commisisse cavet quod mox mutare laboret.</l>
                    <l rend="right">Multa senem circumveniunt incommoda : vel quod</l>
                    <l>Quærit, et inventis miser abstinet ac timet uti ; 170</l>
                    <l>Vel quod res omnes timide gelideque ministrat,</l>
                    <l>Dilator, spe lentus<ref target="p22-lat_1_note" xml:id="p22-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref>, iners, pavidusque futuri,</l>
                    <l>Difficilis, querulus, laudator temporis acti…</l>
                    <l>Se puero, censor castigatorque minorum.</l>
                    <l rend="right">Multa ferunt anni venientes commoda secum, 175</l>
                    <l>Multa recedentes adimunt. Ne forte seniles</l>
                    <l>Mandentur juveni partes, pueroque viriles,</l>
                    <pb n="24" xml:id="p24-lat"/><l>Semper in adjunctis ævoque morabimur aptis.</l>
                    <l rend="right">Aut agitur res in scenis, aut acta refertur.</l>
                    <l>Segnius irritant animos demissa per aurem, 180</l>
                    <l>Quam quæ sunt oculis subjecta fidelibus, et quæ</l>
                    <l>Ipse sibi tradit spectator : non tamen intus<ref target="p24-lat_1_note" xml:id="p24-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref></l>
                    <l>Digna geri promes in scenam ; multaque tolles</l>
                    <l>Ex oculis, quæ mox narret facundia præsens<ref target="p24-lat_2_note" xml:id="p24-lat_2"><hi rend="sup">2</hi></ref>.</l>
                    <l>Ne pueros coram populo Medea trucidet ; 185</l>
                    <l>Aut humana palam coquat exta nefarius Atreus ;</l>
                    <l>Aut in avem Procne vertatur, Cadmus in anguem :</l>
                    <l>Quodcumque ostendis mihi sic, incredulus odi<ref target="p24-lat_3_note" xml:id="p24-lat_3"><hi rend="sup">3</hi></ref>.</l>
                    <l>Neve minor, neu sit quinto productior actu</l>
                    <l>Fabula, quæ posci vult, et spectata reponi. 190</l>
                    <l>Nec Deus intersit, nisi dignus vindice nodus</l>
                    <l>Inciderit ; nec quarta loqui persona laboret.</l>
                    <l rend="right">Actoris partes Chorus officiumque virile</l>
                    <l>Defendat ; neu quid medios intercinat actus,</l>
                    <pb n="26" xml:id="p26-lat"/><l>Quod non proposito conducat et hæreat apte.
                        195</l>
                    <l>Ille bonis faveatque et consilietur amice,</l>
                    <l>Et regat iratos, et amet peccare timentes ;</l>
                    <l>Ille dapes laudet mensæ brevis ; ille salubrem</l>
                    <l>Justitiam, legesque, et apertis otia portis ;</l>
                    <l>Ille tegat commissa, Deosque precetur, et oret 200</l>
                    <l>Ut redeat miseris, abeat fortuna superbis.</l>
                    <l rend="right">Tibia, non ut nunc orichalco vincta, tubæque</l>
                    <l>Æmula, sed tenuis simplexque foramine pauco,</l>
                    <l>Adspirare et adesse choris crat utilis, atque</l>
                    <l>Nondum spissa nimis complere sedilia flatu, 205</l>
                    <l>Quo sane populus numerabilis, utpote parvus,</l>
                    <l>Et frugi, castusque verecundusque coibat.</l>
                    <l>Postquam cœpit agros extendere victor ; et Urbem</l>
                    <l>Latior amplecti murus ; vinoque diurno</l>
                    <l>Placari Genius festis impune diebus : 210</l>
                    <pb n="28" xml:id="p28-lat"/><l>Accessit numerisque modisque licentia major.</l>
                    <l>Indoctus quid enim saperet liberque laborum</l>
                    <l>Rusticus, urbano confusus, turpis honesto ?</l>
                    <l>Sic priscæ motumque et luxuriem addidit arti</l>
                    <l>Tibicen, traxitque vagus per pulpita vestem. 215</l>
                    <l>Sic etiam fidibus voces crevere severis,</l>
                    <l>Et tulit eloquium insolitum facundia præceps ;</l>
                    <l>Utiliumque sagax rerum et divina futuri</l>
                    <l>Sortilegis non discrepuit sententia<ref target="p28-lat_1_note" xml:id="p28-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref> Delphis.</l>
                    <l rend="right">Carmine qui tragico vilem certavit ob hircum, 220</l>
                    <l>Mox etiam agrestes Satyros nudavit, et asper,</l>
                    <l>Incolumi gravitate, jocum tentavit : eo quod</l>
                    <l>Illecebris erat et grata novitate morandus</l>
                    <l>Spectator functusque sacris, et potus, et exlex.</l>
                    <l>Verum ita risores, ita commendare dicaces 225</l>
                    <l>Conveniet Satyros, ita vertere seria ludo,</l>
                    <pb n="30" xml:id="p30-lat"/><l>Ne, quicumque deus, quicumque adhibebitur
                        heros,</l>
                    <l>Regali conspectus in auro nuper et ostro,</l>
                    <l>Migret in obscuras humili sermone tabernas,</l>
                    <l>Aut, dum vital humum, nubes et inania captet. 230</l>
                    <l>Effutire leves indigna tragœdia versus,</l>
                    <l>Ut festis matrona moveri jussa diebus,</l>
                    <l>Intererit Satyris paulum pudibunda protervis.</l>
                    <l rend="right">Non ego inornata et dominantia nomina solum</l>
                    <l>Verbaque, Pisones, Satyrorum scriptor, amabo ; 235</l>
                    <l>Nec sic enitar tragico differre colori,</l>
                    <l>Ut nihil intersit Davusne loquatur, et audax</l>
                    <l>Pythias, emuncto lucrata Simone talentum,</l>
                    <l>An custos famulusque Dei Silenus alumni.</l>
                    <l>Ex noto fictum carmen sequar, ut sibi quivis 240</l>
                    <l>Speret idem, sudet multum, frustraque laboret,</l>
                    <l>Ausus idem : tantum series juncturaque pollet !</l>
                    <pb n="32" xml:id="p32-lat"/><l>Tantum de medio sumptis accedit honoris !</l>
                    <l rend="right">Sylvis deducti caveant, me judice, Fauni,</l>
                    <l>Ne, velut innati triviis ac pene forenses, 245</l>
                    <l>Aut nimium teneris juvenentur versibus unquam,</l>
                    <l>Aut immunda crepent ignominiosaque dicta.</l>
                    <l>Offenduntur enim, quibus est equus, et pater, et res ;</l>
                    <l>Nec, si quid fricti ciceris probat et nucis emptor,</l>
                    <l>Æquis accipiunt animis, donantve corona. 250</l>
                    <l rend="right">Syllaba longa, brevi subjecta, vocatur iambus,</l>
                    <l>Pes citus : unde etiam <hi rend="i">trimetris</hi> accrescere jussit</l>
                    <l>Nomen iambeis, quum senos redderet ictus,</l>
                    <l>Primus ad oxtremum similis sibi. Non ita pridem,</l>
                    <l>Tardior ut paulo graviorque veniret ad aures, 255</l>
                    <l>Spondeos stabiles in jura paterna recepit,</l>
                    <l>Commodus et patiens ; non ut de sede secunda</l>
                    <l>Cederet, aut quarta socialiter. Hic et in Acci</l>
                    <pb n="34" xml:id="p34-lat"/><l>Nobilibus trimetris<ref target="p34-lat_1_note" xml:id="p34-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref> apparet
                        rarus, et Enni.</l>
                    <l>In scenam missus magno cum pondere versus, 260</l>
                    <l>Aut operæ celeris nimium curaque carentis,</l>
                    <l>Aut ignoratæ premit artis crimine turpi.</l>
                    <l rend="right">Non quivis videt immodulata poemata judex ;</l>
                    <l>Et data Romanis venia est indigna poetis.</l>
                    <l>Idcircone vager, scribamque licenter ? an omnes 265</l>
                    <l>Visuros peccata putem mea, tutus et intra</l>
                    <l>Spem veniæ cautus ? Vitavi denique culpam,</l>
                    <l>Non laudem merui. Vos, exemplaria Græca</l>
                    <l>Nocturna versate manu, versate diurna.</l>
                    <l>At<ref target="p34-lat_2_note" xml:id="p34-lat_2"><hi rend="sup">2</hi></ref> nostri proavi Plautinos et numeros et 270</l>
                    <l>Laudavere sales : nimium patienter utrumque,</l>
                    <l>Ne dicam stulte<ref target="p34-lat_3_note" xml:id="p34-lat_3"><hi rend="sup">3</hi></ref>, mirati : si modo ego et vos</l>
                    <l>Scimus inurbanum lepido seponere dicto,</l>
                    <l>Legitimumque sonum digitis callemus et aure.</l>
                    <l rend="right">Ignotum tragicæ genus invenisse Camœnæ 275</l>
                    <pb n="36" xml:id="p36-lat"/><l>Dicitur, et plaustris vexisse poemata
                        Thespis</l>
                    <l>Qui canerent agerentque, peruncti fæcibus ora.</l>
                    <l>Post hunc, personæ pallæque repertor honestæ,</l>
                    <l>Æschylus, et modicis instravit pulpita tignis,</l>
                    <l>Et docuit magnumque loqui nitique cothurno. 280</l>
                    <l>Successit Vetus<ref target="p36-lat_1_note" xml:id="p36-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref> his Comœdia, non sine multa</l>
                    <l>Laude ; sed in vitium libertas excidit, et vim</l>
                    <l>Dignam lege regi : lex est accepta, Chorusque</l>
                    <l>Turpiter obticuit, sublato jure nocendi.</l>
                    <l>Nil intentatum nostri liquere poetæ : 285</l>
                    <l>Nec minimum meruere decus, vestigia Græca</l>
                    <l>Ausi deserere et celebrare domestica facta,</l>
                    <l>Vel qui Prætextas<ref target="p36-lat_2_note" xml:id="p36-lat_2"><hi rend="sup">2</hi></ref> , vel qui docuere Togatas.</l>
                    <l>Nec virtute foret clarisve potentius armis,</l>
                    <l>Quam lingua, Latium, si non offenderet unum- 290</l>
                    <l>quemque poetarum limæ labor et mora. Vos o,</l>
                    <l>Pompilius<ref target="p36-lat_3_note" xml:id="p36-lat_3"><hi rend="sup">3</hi></ref> sanguis, carmen reprehendite, quod non</l>
                    <pb n="38" xml:id="p38-lat"/><l>Multa dies et multa litura coercuit, atque</l>
                    <l>Præsectum decies non castigavit ad unguem.</l>
                    <l rend="right">Ingenium misera quia fortunatius arte 295</l>
                    <l>Credit, et excludit sanos Helicone poetas</l>
                    <l>Democritus, bona pars non ungues ponere curat,</l>
                    <l>Non barbam ; secreta petit loca ; balnea vitat.</l>
                    <l>Nanciscetur enim pretium nomenque poetæ,</l>
                    <l>Si tribus<ref target="p38-lat_1_note" xml:id="p38-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref> Anticyris caput insanabile nunquam 300</l>
                    <l>Tonsori Licino<ref target="p38-lat_2_note" xml:id="p38-lat_2"><hi rend="sup">2</hi></ref> commiserit. O ego lævus,</l>
                    <l>Qui purgor bilem sub verni temporis horam !</l>
                    <l>Non alius faceret meliora poemata. Verum</l>
                    <l>Nil tanti est. Ergo fungar vice cotis, acutum</l>
                    <l>Reddere quæ ferrum valet, exsors ipsa secandi : 305</l>
                    <l>Munus et officium, nil scribens ipse, docebo :</l>
                    <l>Unde parentur opes ; quid alat formetque poetam ;</l>
                    <l>Quid deceat, quid non ; quo virtus, quo ferat error.</l>
                    <l rend="right">Scribendi recte, sapere est et principium et fons.</l>
                    <pb n="40" xml:id="p40-lat"/><l>Rem tibi Socraticæ poterunt ostendere chartæ ;
                        310</l>
                    <l>Verbaque provisam rem non invita sequentur.</l>
                    <l>Qui didicit, patriæ quid debeat, et quid amicis ;</l>
                    <l>Quo sit amore parens, quo frater amandus et hospes ;</l>
                    <l>Quod sit conscripti, quod judicis officium, quæ</l>
                    <l>Partes in bellum missi ducis : ille profecto 315</l>
                    <l>Reddere personæ scit convenientia cuique.</l>
                    <l>Respicere exemplar vitæ morumque jubebo</l>
                    <l>Doctum imitatorem, et vivas hinc ducere voces.</l>
                    <l>Interdum speciosa locis morataque recte</l>
                    <l>Fabula, nullius veneris, sine pondere et arte, 320</l>
                    <l>Valdius oblectat populum, meliusque moratur,</l>
                    <l>Quam versus inopes rerum nugæque canoræ.</l>
                    <l rend="right">Graiis ingenium, Graiis dedit ore rotundo</l>
                    <l>Musa loqui, præter laudem, nullius avaris.</l>
                    <l>Romani pueri longis rationibus assem 325</l>
                    <pb n="42" xml:id="p42-lat"/><l>Discunt in partes centum diducere. Dicat</l>
                    <l>Filius Albini : « Si de quincunce remota est</l>
                    <l>Uncia, quid superat ? Poteras dixisse ? — Triens<ref target="p42-lat_1_note" xml:id="p42-lat_1"><hi rend="sup"
                        >1</hi></ref>. — Eu !</l>
                    <l>Rem poteris servare tuam. Redit uncia : quid fit ? —.</l>
                    <l>Semis. » — At, hæc animos ærugo et cura peculi 330</l>
                    <l>Quum semel imbuerit, speramus carmina fingi</l>
                    <l>Posse, linenda cedro et lævi servanda cupresso ?</l>
                    <l rend="right">Aut prodesse volunt, aut delectare poetæ ;</l>
                    <l>Aut simul et jucunda et idonea diccre vitæ.</l>
                    <l>Quidquid præcipies, esto brevis, ut cito dicta 335</l>
                    <l>Percipiant animi dociles, teneantque fideles :</l>
                    <l>Omne supervacuum pleno de pectore manat.</l>
                    <l>Ficta voluptatis causa sint proxima veris ;</l>
                    <l>Nec, quodcumque volet, poscàt sibi fabula credi :</l>
                    <l>Neu pransæ Lamiæ<ref target="p42-lat_2_note" xml:id="p42-lat_2"><hi rend="sup">2</hi></ref> vivum puerum extrahat alvo. 340</l>
                    <pb n="44" xml:id="p44-lat"/><l>Centuriæ seniorum agitant expertia frugis ;</l>
                    <l>Celsi prætereunt austera poemata Rhamnes<ref target="p44-lat_1_note" xml:id="p44-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref></l>
                    <l>Omne tulit punctum, qui miscuit utile dulci,</l>
                    <l>Lectorem delectando pariterque monendo.</l>
                    <l>Hic meret æra liber Sosiis, hic et mare transit, 345</l>
                    <l>Et longum noto scriptori prorogat ævum.</l>
                    <l rend="right">Sunt delicta tamen quibus ignovisse velimus :</l>
                    <l>Nam neque chorda sonum reddit quem vult manus et mens,</l>
                    <l>Poscentique gravem persæpe remittit acutum ;</l>
                    <l>Nec semper feriet quodcumque minabitur arcus. 350</l>
                    <l>Verum, ubi plura nitent in carmine, non ego paucis</l>
                    <l>Offendar maculis, quas aut incuria fudit,</l>
                    <l>Aut humana parum cavit natura. Quid ergo est ?</l>
                    <l>Ut scriptor si peccat idem librarius usque,</l>
                    <l>Quamvis est monitus, venia caret ; ut citharœdus 355</l>
                    <pb n="46" xml:id="p46-lat"/><l>Ridetur, chorda qui semper oberrat eadem :</l>
                    <l>Sic mihi, qui multum cessat, fit Chœrilus<ref target="p46-lat_2_note" xml:id="p46-lat_2"><hi rend="sup">1</hi></ref> ille</l>
                    <l>Quem bis terve bonum cum risu miror ; et idem</l>
                    <l>Indignor quandoque bonus dormitat Homerus :</l>
                    <l>Verum opere in longo fas est obrepere somnum. 360</l>
                    <l rend="right">Ut pictura poesis : erit quæ, si propius stes,</l>
                    <l>Te capiat magis ; et quædam, si longius abstes :</l>
                    <l>Hæc amat obscurum ; volet hæc sub luce videri,</l>
                    <l>Judicis argutum quæ non formidat acumen ;</l>
                    <l>Hæc placuit semel, hæc decies repetita placebit. 365</l>
                    <l rend="right">O major Juvenum, quamvis et voce paterna</l>
                    <l>Fingeris ad rectum, et per te sapis, hoc tibi dictum</l>
                    <l>Tolle memor : certis medium et tolerabile rebus</l>
                    <l>Recte concedi. Consultus-juris et actor</l>
                    <l>Causarum mediocris abest virtute diserti 370</l>
                    <l>Messalæ, nec scit quantum Cascellius Aulus ;</l>
                    <l>Sed tamen in pretio est. Mediocribus esse poetis</l>
                    <pb n="48" xml:id="p48-lat"/><l>Non homines, non Di, non concessere columnæ.</l>
                    <l>Ut, gratas inter mensas, symphonia discors,</l>
                    <l>Et crassum unguentum, et Sardo cum melle papaver<ref target="p48-lat_1_note" xml:id="p48-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref> 375</l>
                    <l>Offendunt, poterat duci quia cœna sine istis :</l>
                    <l>Sic, animis natum inventumque poema juvandis,</l>
                    <l>Si paulum a summo decessit, vergit ad imum.</l>
                    <l>Ludere qui nescit, campestribus abstinet armis ;</l>
                    <l>Indoctusque pilæ, discive, trochive, quiescit, 380</l>
                    <l>Ne spissæ risum tollant impune coronæ ;</l>
                    <l>Qui nescit, versus tamen audet fingere ! — Quidni ?</l>
                    <l>Liber et ingenuus, præsertim census<ref target="p48-lat_2_note" xml:id="p48-lat_2"><hi rend="sup">2</hi></ref> equestrem</l>
                    <l>Summam nummorum, vitioque remotus ab omni. —</l>
                    <l>Tu nihil invita dices faciesve Minerva ; 385</l>
                    <l>Id tibi judicium est, ea mens. Si quid tamen olim</l>
                    <pb n="50" xml:id="p50-lat"/><l>Scripseris, in Metii<ref target="p50-lat_1_note" xml:id="p50-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref>
                        descendat judicis aures,</l>
                    <l>Et patris, et nostras, nonumque<ref target="p50-lat_2_note" xml:id="p50-lat_2"><hi rend="sup">2</hi></ref> prematur in annum.</l>
                    <l>Membranis intus positis, delere licebit</l>
                    <l>Quod non edideris : nescit vox missa reverti. 390</l>
                    <l rend="right">Sylvestres homines sacer interpresque Deorum</l>
                    <l>Cædibus et victu fœdo deterruit Orpheus ;</l>
                    <l>Dictus ob hoc lenire tigres rabidosque leones :</l>
                    <l>Dictus et Amphion, Thebanæ conditor arcis,</l>
                    <l>Saxa movere sono testudinis, et prece blanda 395</l>
                    <l>Ducere quo vellet. Fuit hæc sapientia quondam,</l>
                    <l>Publica privatis secernere, sacra profanis ;</l>
                    <l>Concubitu prohibere vago ; dare jura maritis ;</l>
                    <l>Oppida moliri ; leges incidere ligno.</l>
                    <l>Sic honor et nomen divinis vatibus atque 400</l>
                    <l>Carminibus venit. Post hos insignis Homerus</l>
                    <l>Tyrtæusque mares animos in martia bella</l>
                    <l>Versibus exacuit. Dictæ per carmina sortes,</l>
                    <pb n="52" xml:id="p52-lat"/><l>Et vitæ monstrata via est ; et gratia regum</l>
                    <l>Pieriis tentata modis ; ludusque repertus, 405</l>
                    <l>Et longorum operum finis : ne forte pudori</l>
                    <l>Sit tibi Musa lyræ solers, et cantor Apollo.</l>
                    <l rend="right">Natura fieret laudabile carmen, an arte,</l>
                    <l>Quæsitum est. Ego, nec studium sine divite vena,</l>
                    <l>Nec rude quid possit video ingenium : alterius sic 410</l>
                    <l>Altera poscit opem res, et conjurat amice.</l>
                    <l>Qui studet optatam cursu contingere metam,</l>
                    <l>Multa tulit fecitque puer ; sudavit et alsit ;</l>
                    <l>Abstinuit venere et vino. Qui Pythia cantat</l>
                    <l>Tibicen, didicit prius, extimuitque magistrum. 415</l>
                    <l>Nunc<ref target="p52-lat_1_note" xml:id="p52-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref> satis est dixisse : « Ego mira poemata pango :</l>
                    <l>Occupet extremum scabies ! mihi turpe relinqui est,</l>
                    <l>Et, quod non didici, sane nescire fateri. »</l>
                    <l rend="right">Ut præco, ad merces turbam qui cogit emendas,</l>
                    <pb n="54" xml:id="p54-lat"/><l>Assentatores jubet ad lucrum ire poeta 420</l>
                    <l>Dives agris, dives positis in fenore nummis.</l>
                    <l>Si vero est unctum qui recte ponere possit,</l>
                    <l>Et spondere levi pro paupere, et eripere arctis</l>
                    <l>Litibus implicitum : mirabor, si sciet internoscere mendacem verumque beatus
                        amicum. 425</l>
                    <l>Tu, seu donaris, seu quid donare velis cui,</l>
                    <l>Nolito ad versus tibi factos ducere plenum</l>
                    <l>Lætitiæ ; clamabit enim : « Pulchre ! bene ! recte ! »</l>
                    <l>Pallescet super his ; etiam stillabit amicis</l>
                    <l>Ex oculis rorem ; saliet, tundet pede terram. 430</l>
                    <l>Ut, qui conducti<ref target="p54-lat_1_note" xml:id="p54-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref> plorant in funere, dicunt</l>
                    <l>Et faciunt prope plura dolentibus ex animo : sic</l>
                    <l>Derisor vero plus laudatore movetur.</l>
                    <l>Reges dicuntur multis urgere culullis</l>
                    <l>Et torquere mero quem perspexisse laborant 435</l>
                    <pb n="56" xml:id="p56-lat"/><l>An sit amicitia dignus. Si carmina condes,</l>
                    <l>Nunquam te fallant animi sub vulpe latentes.</l>
                    <l>Quintilio<ref target="p56-lat_1_note" xml:id="p56-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref> si quid recitares : « Corrige, sodes,</l>
                    <l>Hoc, aiebat, et hoc. » Melius te posse negares,</l>
                    <l>Bis terque expertum frustra : delere jubebat, 440</l>
                    <l>Et male formatos<ref target="p56-lat_2_note" xml:id="p56-lat_2"><hi rend="sup">2</hi></ref> incudi reddere versus.</l>
                    <l>Si defendere delictum quam vertere malles,</l>
                    <l>Nullum ultra verbum aut operam insumebat inanem,</l>
                    <l>Quin sine rivali teque et tua solus amares.</l>
                    <l rend="right">Vir bonus et prudens<ref target="p56-lat_3_note" xml:id="p56-lat_3"><hi rend="sup">3</hi></ref> versus reprehendet
                        inertes ; 445</l>
                    <l>Culpabit duros ; incomptis allinet atrum</l>
                    <l>Transverso calamo signum ; ambitiosa recidet</l>
                    <l>Ornamenta ; parum claris lucem dare coget ;</l>
                    <l>Arguet ambigue dictum ; mutanda notabit :</l>
                    <l>Fiet Aristarchus. Non dicet : « Cur ego amicum 450</l>
                    <l>Offendam in nugis ? » — Hæ nugæ seria ducent</l>
                    <l>In mala derisum semel exceptumque sinistre.</l>
                    <l rend="right"><pb n="58" xml:id="p58-lat"/>Ut mala quem scabies, aut morbus
                        regius<ref target="p58-lat_1_note" xml:id="p58-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref> urget,</l>
                    <l>Aut fanaticus error, et iracunda Diana :</l>
                    <l>Vesanum tetigisse timent, fugiuntque poetam 455</l>
                    <l>Qui sapiunt ; agitant pueri incautique sequuntur.</l>
                    <l>Hic dum, sublimis<ref target="p58-lat_2_note" xml:id="p58-lat_2"><hi rend="sup">2</hi></ref>, versus ructatur et errat,</l>
                    <l>Si veluti merulis intentus decidit auceps</l>
                    <l>In puteum foveamve, licet : « Succurrite, » longum</l>
                    <l>Clamet, « io cives ! » non sit qui tollere curet. 460</l>
                    <l>Si curet quis opem ferre, et demittere funem :</l>
                    <l>« Qui scis an prudens huc se projecerit<ref target="p58-lat_3_note" xml:id="p58-lat_3"><hi rend="sup">3</hi></ref>, atque</l>
                    <l>Servari nolit ? » dicam, Siculique poetæ</l>
                    <l>Narrabo interitum. Deus immortalis haberi</l>
                    <l>Dum cupit Empedocles, ardentem frigidus Ætnam 465</l>
                    <l>Insiluit. Sit jus liceatque perire poetis :</l>
                    <l>Invitum qui servat, idem facit occidenti.</l>
                    <l>Nec semel hoc fecit ; nec, si retractus erit, jam</l>
                    <pb n="60" xml:id="p60-lat"/><l>Fiet homo, et ponet famosæ mortis amorem.</l>
                    <l>Nec satis apparet cur versus factitet : utrum 470</l>
                    <l>Minxerit in patrios cineres, an triste<ref target="p60-lat_1_note" xml:id="p60-lat_1"><hi rend="sup">1</hi></ref> bidental</l>
                    <l>Moverit incestus : certe furit, ac velut ursus,</l>
                    <l>Objectos caveæ valuit si frangere clathros,</l>
                    <l>Indoctum doctumque fugat recitator acerbus.</l>
                    <l>Quem vero arripuit, tenet, occiditque legendo, 475</l>
                    <l>Non missura cutem, nisi plena cruoris, hirudo.</l>
                </div2>
                <div2 xml:lang="fre">
                    <pb n="n.p."/>
                    <head type="sur"><hi rend="uc">Horace</hi></head>
                    <head type="main"><hi rend="uc">Art poétique</hi>.</head>
                    <head type="sub"><hi rend="uc">Aux Pisons</hi>.</head>
                    <p>Si un peintre s’avisait de placer une tête humaine sur un cou de cheval ; et
                        que, bigarrant de plumes diverses un assemblage confus de membres
                        disparates, il terminât un gracieux buste de femme par la croupe hideuse
                        d’un monstre marin : devant un pareil tableau, pourriez-vous, ô mes amis,
                        vous empêcher de rire ? Voilà pourtant, jeunes Pisons, voilà l’image exacte
                        et fidèle d’un livre où les idées confuses ressembleraient aux songes d’un
                        malade, et dont les différentes parties manqueraient d’harmonie et
                        d’ensemble. — Les poëtes, dira-t-on, n’ont-ils pas toujours eu, comme les
                        peintres, le privilège de tout oser ? — Sans doute : et cette liberté même,
                        nous la réclamons pour nous, et l’accordons volontiers, nous aussi : mais
                        enfin, admet-elle l’alliance de la férocité et de la douceur ; permet-elle
                        d’accoupler ni les oiseaux avec les serpents, ni les tigres avec les
                        agneaux ?</p>
                    <p>Souvent, à un début imposant et qui promet de grandes choses, <pb n="4"
                            xml:id="p4-fre"/>on rattache, pour nous éblouir à distance, un ou deux
                        lambeaux de pourpre ; on décrit un bois sacré et l’autel de Diane, ou bien
                        le ruisseau qui serpente en fuyant à travers de riantes prairies, ou le Rhin
                        majestueux, ou les brillantes couleurs de l’arc-en-ciel : descriptions
                        charmantes, oui, mais qui ne sont pas à leur place. Vous savez peindre un
                        cyprès : eh ! qu’importe un cyprès au malheureux qui vous paie, pour le
                        représenter lui-même échappant au naufrage sur les débris de son vaisseau ?
                        On commençait une amphore magnifique : la roue a tourné ; pourquoi ne
                        vient-il qu’une tasse ? — Enfin, que la simplicité, que l’unité règne avant
                        tout dans un ouvrage.</p>
                    <p>Ce qui nous trompe souvent, nous autres poëtes, c’est — vous le savez,
                        illustre Pison, et vous, ses dignes fils, — c’est l’apparence du bien. Je
                        vise à la concision, je deviens obscur ; on court après la grâce : adieu le
                        nerf et la chaleur ; tel vise au sublime, et se perd dans l’enflure ; par
                        excès de prudence, et pour échapper à la tempête, celui-là se traîne terre à
                        terre ; celui-ci croit trouver la variété dans le merveilleux, et son
                        pinceau bizarre nous représente <pb n="6" xml:id="p6-fre"/>un dauphin dans
                        les bois, un sanglier dans les flots. Ainsi, faute de talent et de goût, on
                        n’évite un défaut, que pour tomber dans un vice. Près du cirque Émilien,
                        vous verrez tel artiste qui excelle à finir un ongle, qui sait donner à
                        l’airain la souplesse des cheveux : talent incomplet, au demeurant, car il
                        échouera dans l’ensemble. Or, si je me mêlais d’écrire, je ne voudrais pas
                        plus ressembler à un tel homme, que je n’aimerais un nez difforme avec des
                        cheveux d’ébène et de beaux yeux noirs.</p>
                    <p>Vous qui écrivez, choisissez une matière proportionnée à vos forces ;
                        essayez-vous longtemps, consultez bien vos épaules. Le sujet est-il
                        proportionné aux moyens de l’auteur : aussitôt il trouve sous sa plume
                        l’expression juste, la clarté, et l’ordre, cet ordre lumineux, dont le
                        mérite et la grâce consistent, je ne crois pas me tromper, à dire d’abord ce
                        qui doit d’abord être dit, et à différer les détails pour les placer au
                        moment favorable.</p>
                    <p>Délicat et châtié dans son style, l’auteur d’un poëme que le public attend,
                        doit montrer un goût sévère à l’égard des mots qu’il emploie. Le secret pour
                        être admiré, c’est de savoir, par une alliance <pb n="8" xml:id="p8-fre"
                        />ingénieuse, rajeunir une expression surannée. Vous faut-il des termes
                        nouveaux, pour exprimer des idées nouvelles : eh bien ! vous créerez des
                        mots inconnus à l’oreille de nos vieux Céthégus. Oui, vous aurez ce
                        privilége, mais n’en abusez pas ; surtout, et alors, ces mots neufs, ces
                        mots de création nouvelle sont assurés de faire fortune, si, dérivés du
                        grec, ils se latinisent sans effort. Mais quoi ? les Romains
                        accorderaient-ils à Cécilius et à Plaute un droit qu’ils refuseraient à
                        Virgile, à Varius ? Et quelle raison de me reprocher, à moi, certaines
                        innovations utiles, peut-être, quand la plume de Caton et d’Ennius sut
                        enrichir la langue nationale d’une foule de mots qui n’existaient
                        pas ? — Non : s’il est un droit qu’on a toujours eu, qu’on aura toujours,
                        c’est celui de mettre en circulation un mot frappé au coin de l’usage.
                        Quand, au déclin des années, les forêts perdent leurs feuilles, ce sont les
                        premières venues qui tombent les premières ainsi passent les mots vieillis,
                        tandis que les nouveaux s’épanouissent, <pb n="10" xml:id="p10-fre"/>tout
                        brillants de force et de jeunesse. Nous sommes voués à la mort, nous et tout
                        ce qui vient de nous. Et ce bassin magnifique, chef-d’œuvre d’une main
                        royale, ce port où Neptune voit flotter nos vaisseaux à l’abri des
                        aquilons ; et ce marais longtemps stérile, longtemps battu par la rame,
                        aujourd’hui terre nourricière que sillonne la pesante charrue ; et ces
                        digues puissantes par qui un fleuve, jadis funeste aux moissons, apprit à
                        suivre un cours meilleur : hélas, tous les ouvrages des mortels périront :
                        et la langue seule garderait une fraîcheur, une grâce inaltérable ! Que de
                        mots sont déjà tombés, qui renaîtront un jour sans doute ! combien d’autres,
                        qui sont de mode aujourd’hui, tomberont à leur tour, si l’usage le veut
                        jamais, l’usage, cet arbitre absolu, ce maître, ce régulateur du
                        langage.</p>
                    <p>Homère a montré sur quel ton peuvent se chanter les hauts faits des rois et
                        des héros, et les horreurs de la guerre.</p>
                    <p>Les distique inégaux exprimèrent d’abord la douleur plaintive, et ensuite
                        aussi la joie du bonheur. Mais quel est celui dont la muse soupira la
                        première élégie ? — Les érudits ne sont pas d’accord, et le procès est
                        toujours pendant.</p>
                    <p><pb n="12" xml:id="p12-fre"/>La vengeance arma le fougueux Archiloque de son
                        iambe redoutable ; puis le brodequin, et le cothurne majestueux adoptèrent
                        l’iambique, si bien fait pour le dialogue : car il domine les bruits de
                        l’amphithéâtre ; il est né pour l’action.</p>
                    <p>L’ode inspirée chante sur la lyre les Dieux, et les héros fils des Dieux, et
                        l’athlète couronné, et le coursier vainqueur dans la carrière, et les
                        tourments de l’amour, et la libre gaîté des festins.</p>
                    <p>Mais, si je n’ai pas le talent d’assortir à chaque genre le rhythme et le ton
                        qui lui conviennent, pourquoi me saluerait-on poëte ? pourquoi mon
                        amour-propre insensé préfère-t-il l’ignorance à l’étude ?</p>
                    <p>Un sujet comique ne veut pas du style de la tragédie ; et de même je me
                        révolterai, si l’on vient, en vers familiers, dignes tout au plus du
                        brodequin, me conter l’horrible festin de Thyeste. Chaque genre doit garder
                        la place que lui a si bien marquée la nature. Quelquefois pourtant la
                        comédie même élève le ton : voyez comme la colère inspire à Chrémès des
                        accents pathétiques. Souvent aussi la tragédie exprime avec simplicité ses
                        douleurs : ainsi, Télèphe et Pélée, pauvres et bannis <pb n="14"
                            xml:id="p14-fre"/>tous les deux, rejettent bien loin l’emphase et la
                        pompe des grands mots, s’ils tiennent à éveiller la sympathie des
                        spectateurs.</p>
                    <p>Ce n’est pas assez pour la poésie de charmer l’oreille : il faut qu’elle
                        touche le cœur, qu’elle remue, qu’elle entraîne. Le rire et les larmes
                        provoquent chez l’homme ou la joie, ou la tristesse. Voulez-vous me faire
                        pleurer : montrez d’abord vous-même une douleur véritable ; alors Télephe,
                        alors aussi, Pélée, je serai sensible à vos malheurs ; mais si vous dites
                        mal votre rôle, vous me ferez bâiller, ou, rire. Il faut que les paroles
                        soient, comme la physionomie, tristes dans l’affliction, menaçantes dans la
                        colère, folâtres dans l’enjouement, graves dans la sévérité. La nature, en
                        effet, commence par nous donner le sentiment qui convient à chaque
                        situation : elle nous porte à la joie, ou nous excite à la colère, ou bien
                        elle nous courbe sous le poids du chagrin, et nous déchire le cœur ;
                        ensuite, elle se sert de la parole, pour traduire les mouvements de notre
                        âme. Si le ton du personnage n’est pas en harmonie avec sa position, nobles
                        et plébéiens <pb n="16" xml:id="p16-fre"/>éclateront de rire à l’envi.
                        Gardez-vous de faire parler un esclave comme un héros ; un vieillard
                        expérimenté comme un jeune homme dans la fougue de l’âge ; une dame de
                        qualité comme une humble nourrice : marquez la même différence entre le
                        marchand qui court le monde, et le colon sédentaire d’un petit champ
                        fertile ; entre le sauvage de la Colchide et l’Assyrien ; entre le citoyen
                        de Thèbes et celui d’Argos.</p>
                    <p>Suivez la tradition, poëte ; ou bien, que dans vos fictions il règne un
                        ensemble judicieux. Est-ce la vengeance d’Achille que vous remettez sur la
                        scène : montrez-le-nous ardent, colère, inexorable, impétueux : qu’il se
                        mette résolûment au-dessus des lois, et n’en appelle qu’a son épée.
                        Montrez-nous Médée altière, inflexible ; Ino gémissante ; Ixion perfide ; Io
                        toujours errante ; Oreste sombre et farouche.</p>
                    <p>Est-ce un sujet encore vierge que vous risquez au théâtre, un personnage
                        nouveau que vous inventez : qu’il se soutienne jusqu’à la fin, tel qu’il
                        s’est annoncé d’abord, sans jamais se démentir. Mais ces caractères généraux
                        et abstraits, combien n’est-il pas difficile de les <pb n="18"
                            xml:id="p18-fre"/>personnifier ! vous ferez donc plus sagement de mettre
                        en action quelque épisode de l’Iliade, que d’introduire, le premier, sur la
                        scène une fable étrange et des personnages inconnus. Un sujet déjà populaire
                        deviendra la propriété de l’auteur, à condition qu’il ne se traîne pas sans
                        gloire dans l’ornière banale, et ne calque pas servilement son modèle : mais
                        qu’il n’aille pas non plus, imitateur sans idées, se jeter dans un cercle
                        trop étroit, où le tiendrait captif l’amour propre, ou le plan du poëme.
                        Enfin, qu’il ne débute pas, comme autrefois le poëte cyclique, en nous
                        criant. « Je chanterai la fortune de Priam, et cette guerre fameuse…. »
                        Quelles merveilles attendre après un début si emphatique ? Hélas !…</p>
                    <quote><p>La montagne en travail enfante une souris….</p></quote>
                    <p>Ah ! que j’aime mieux ce poëte plein d’adresse qui, sans se battre les
                        flancs, nous dit : « Muse, chantez ce héros qui, après la chute de Troie,
                        parcourut tant de contrées, et observa les mœurs de tant de peuples
                        divers. » Chez lui, ce n’est pas la fumée qui succède à la lumière : mais de
                        la fumée il fait jaillir une flamme éclatante ; puis sa muse vamous
                        prodiguer les récits merveilleux : Antiphate et Seylla, et Charybde et
                        Polyphème. Ce n’est pas lui qui remonte à <pb n="20" xml:id="p20-fre"/>la
                        mort de Méléagre, pour raconter le retour de Diomède ; ni aux deux œufs de
                        Léda, pour chanter la guerre de Troie. Lui, il court au dénouement,
                        toujours ; il vous jette au milieu des faits, comme si vous saviez tout
                        déjà ; et les épisodes qu’il désespère d’embellir par ses vers, il les
                        sacrifie. Enfin, dans ses heureuses fictions, il mêle avec tant d’art la
                        fable et la vérité, que toutes les parties de son poëme ont une harmonieuse
                        proportion.</p>
                    <p>Sachez donc ce qu’il faut pour me plaire, et pour plaire au public. Charmer
                        le spectateur, le captiver jusqu’à la fin, le forcer de répondre par ses
                        applaudissements à l’acteur qui vient lui dire : <hi rend="i"
                            >applaudissez</hi>…. c’est là votre ambition ? — Eh bien ! distinguez
                        avec soin les mœurs des différents âges. Le caractère change avec les
                        années : faites habilement la part de ces années qui nous changent.</p>
                    <p>A peine il sait bégayer quelques mots, et se tenir sur ses jambes, l’enfant
                        brûle de jouer avec les enfants ; un rien le fâche, un rien l’apaise ; son
                        humeur varie à chaque instant.</p>
                    <p>L’adolescent imberbe, qui est libre, enfin, et hors de tutelle, adore <pb
                            n="22" xml:id="p22-fre"/>les chevaux, les chiens, le Champ-de-Mars :
                        cire docile aux impressions du vice, il est rebelle à la censure ; il vit au
                        jour le jour, il est dépensier, présomptueux, plein de désirs, capricieux et
                        volage.</p>
                    <p>L’âge viril a des goûts-différents : d’homme fait est ambitieux ; il songe à
                        la fortune, aux amitiés utiles, aux honneurs ; il calcule bien, pour n’avoir
                        point à revenir un jour sur ses pas.</p>
                    <p>Bien des travers assiégent le vieillard : il amasse toujours, et, pauvre dans
                        sa richesse, il ne jouit pas de son or, il craint d’y toucher. Timide et
                        glacé en toutes choses, remettant sans cesse, espérant peu, sans énergie,
                        tremblant pour l’avenir, quinteux, maussade, il n’a d’éloges que pour <hi
                            rend="i">le bon vieux temps</hi> !… le temps de son enfance ; et son
                        humeur chagrine s’en prend à tout ce qui est jeune.</p>
                    <p>Les années, jusqu’à un certain point, nous apportent avec elles bien des
                        avantages ; puis, en déclinant, elles nous les ravissent. Tenez-vous à ne
                        faire parler ni un jeune homme en vieillard, ni un <pb n="24"
                            xml:id="p24-fre"/>enfant en homme mûr : attachez-vous scrupuleusement à
                        peindre les traits et la physionomie de chaque âge.</p>
                    <p>Un fait s’accomplit sur la scène, ou bien un récit nous l’expose. Mais le
                        récit ne s’adresse qu’à l’oreille, et il agit moins vivement sur l’esprit,
                        que ces tableaux animés dont l’œil fidèle transmet directement à l’âme la
                        sympathique émotion. Cependant, ne mettez pas sur la scène ce qui ne doit
                        pas avoir le public pour témoin, et dérobez à ses regards certaines
                        catastrophes que lui redira bientôt un récit dramatique. Que Médée ne vienne
                        pas égorger ses enfants sous les yeux du peuple ; ni l’horrible Atrée faire
                        bouillir, en plein théâtre, des entrailles humaines. Je ne veux pas voir
                        Procné se métamorphosant en oiseau, ni Cadmus en serpent : un pareil
                        spectacle me révolterait, sans me faire illusion. Donnez à votre pièce cinq
                        actes, ni moins, ni plus, si vous voulez qu’on la redemande et qu’on la joue
                        souvent. Ne faites pas intervenir un Dieu, si l’intrigue n’est à la hauteur
                        d’un tel dénouement, et n’embarrassez pas le dialogue d’un quatrième
                        personnage.</p>
                    <p>Le Chœur remplira le rôle et l’office d’un acteur ; tout ce qu’il <pb n="26"
                            xml:id="p26-fre"/>chante dans les entr’actes, doit concourir à l’action,
                        et se rattacher essentiellement au sujet. Le Chœur est le défenseur naturel,
                        le conseiller, l’ami de la vertu ; c’est lui qui apaise les ressentiments et
                        glorifie l’innocence ; c’est lui qui chante la frugalité, la tempérance, les
                        bienfaits de la justice, les lois tutélaires, et la paix et les tranquilles
                        loisirs des cités : confident discret et sûr, c’est lui, enfin, qui prie,
                        qui conjure les : Dieux de relever l’honnête homme abattu, et d’humilier
                        l’orgueil triomphant.</p>
                    <p>La flûte n’avait pas jadis cette monture de laiton qui en fait, de nos jours,
                        la rivale de la trompette : simple et modeste, percée de quelques trous
                        seulement, elle servait à donner le ton, et à soutenir les chœurs. Alors
                        elle suffisait à remplir de ses sons un théâtre que n’encombrait pas encore
                        une foule immense, et où se réunissait un peuple facile à compter ; car il
                        était peu nombreux : peuple frugal, vertueux et austère. Mais quand, peu à
                        peu, la victoire eut agrandises domaines, et reculé la ceinture de ses
                        murailles ; quand, du matin au soir, le vin put couler impunément, les jours
                        de fête, <pb n="28" xml:id="p28-fre"/>en l’honneur du dieu des plaisirs :
                        alors on vit s’introduire dans les vers et dans la musique une liberté plus
                        grande. Quel espoir, en effet, d’intéresser autrement le paysan grossier,
                        qui, son labeur terminé, accourait au théâtre, et là, spectateur ignorant et
                        rustique, coudoyait le citadin poli et délicat ? C’est ainsi qu’à son art
                        primitif le joueur de flûte ajouta la danse, le luxe des costumes, et cette
                        robe traînante qu’il promena sur la scène ; c’est ainsi que la lyre sévère
                        s’enrichit de cordes nouvelles : alors la poésie lyrique, plus hardie, prit
                        un essor inconnu ; et, dans ses conseils pleins de sagesse, comme dans ses
                        révélations prophétiques, le Chœur emprunta le mystérieux langage de la
                        Pythonisse.</p>
                    <p>Celui dont la muse tragique disputa sur la scène un vil bouc, prix du
                        vainqueur, y montra aussi bientôt les Satyres dans leur sauvage nudité, et
                        il voulut que leur causticité moqueuse égayât, sans la compromettre, la
                        sévère tragédie : car il fallait bien l’amorco d’une nouveauté piquante,
                        pour amuser un public qui revenait des sacrifices, et dont le vin offusquait
                        la raison. Mais prenez-y garde : ces Satyres mordants et railleurs,
                        posez-les décemment ; qu’ils <pb n="30" xml:id="p30-fre"/>soient comiques,
                        et non pas burlesques. Il ne faut pas que vos Dieux et vos héros, quand on
                        vient de les voir, tout brillants d’or et se pavanant sous la pourpre des
                        rois, descendent à l’ignoble langage des tavernes enfumées ; ou que, par
                        crainte de la terre, ils aillent se perdre dans les nues. La tragédie ne
                        doit jamais tomber dans le bouffon : comme la grande dame obligée de danser
                        en public, un jour de fête, elle ne se montrera qu’avec une pudique rougeur
                        au milieu des Satyres effrontés.</p>
                    <p>Pour moi, jeunes Pisons, je n’affecterais, dans un drame Satyrique, ni un
                        style sans élégance, ni un dialogue trivial. Je ne viserais pas non plus au
                        ton de la tragédie ; mais je n’aurais garde de confondre les facéties d’un
                        Dave, ou de cette friponne de Pythias, escroquant les écus du bonhomme Simon
                        qu’elle enjôle, avec le langage de Silène, gardien fidèle, serviteur et
                        nourricier de Bacchus. Je prendrais le sujet de ma pièce dans le domaine
                        commun. Chacun aurait l’ambition d’en faire autant, d’abord ; et puis, après
                        avoir sué sang et eau, on quitterait la partie : tant l’ordre et l’harmonie
                        ont de valeur dans un <pb n="32" xml:id="p32-fre"/>poëme ! tant l’art peut
                        donner de relief aux fictions les plus vulgaires !</p>
                    <p>Mais qu’au sortir de leurs forêts, les Faunes ne s’avisent pas, je le leur
                        conseille, de singer ni le grossier langage des rues, ni l’urbanité du
                        Forum ; qu’ils évitent et la galanterie langoureuse de nos petits-maîtres,
                        et la graveleuse obscénité des carrefours : il y aurait à de quoi révolter
                        patriciens, chevaliers, citoyens aisés ; et les applaudissements de la
                        canaille qui vit de noix et de pois chiches, ne leur vaudraient, à coup sûr,
                        ni le suffrage des honnêtes gens, ni la couronne.</p>
                    <p>Une longue, précédée d’une brève, s’appelle iambe : pied si rapide, qu’il a
                        fait donner le nom de <hi rend="i">trimètre</hi> à l’iambique, composé
                        pourtant de six pieds. Autrefois, il n’entrait dans ce vers que des iambes :
                        c’est depuis de temps, que, pour arriver à l’oreille moins vif et moins
                        sautillant, il admit le grave spondée au partage de ses droits paternels ;
                        mais sa complaisance n’alla point jusqu’à céder au nouveau-venu la seconde
                        ni la quatrième place. Il est vrai que, <pb n="34" xml:id="p34-fre"/>dans
                        leurs trimètres si vantés, Accius et Ennius observent rarement cette règle :
                        quoi qu’il en soit, les vers jetés sur la scène avec un lourd bagage de
                        spondées, accusent chez le poëte ou une précipitation et une négligence
                        extrêmes, ou une coupable ignorance des lois de la poésie.</p>
                    <p>Tout le monde ne sent pas le défaut d’harmonie dans les vers : aussi, que de
                        poëtes ont trouvé à Rome une indulgence qu’ils ne méritaient pas ! Est-ce
                        une raison pour moi d’écrire à l’aventure, et sans nul souci des règles ? ou
                        bien, tout en me disant que chacun verra mes fautes, m’endormirai-je
                        tranquille sur l’espoir du pardon ? J’échappe à la censure, il est vrai :
                        mais aurai-je mérité des louanges ? — Non. Quant à vous, étudiez avec amour
                        les chefs-d’œuvre de la Grèce ; nuit et jour, étudiez-les. — Mais nos pères
                        n’admiraient-ils pas et le rhythme et les saillies de Plaute ? — Eh bien !
                        nos pères étaient trop bons, pour ne pas de dire autre chose : du moins, si
                        nous sommes en état, vous et moi, de distinguer le plaisant du burlesque, et
                        d’apprécier au doigt et à l’oreille la justesse d’un son.</p>
                    <p>La tragédie était inconnue, quand Thespis, le premier, dit-on, <pb n="36"
                            xml:id="p36-fre"/>promena sur un tombereau des acteurs qui chantaient et
                        jouaient ses pièces, le visage barbouillé de lie. Eschyle, après lui,
                        imagina la robe flottante et le masque ; puis, exhaussant la scène sur de
                        modestes tréteaux, il apprit à ses personnages à chausser le cothurne et à
                        parler avec majesté. Ensuite parut la vieille Comédie, et elle compta de
                        brillants succès ; mais la liberté dégénéra en licence : il fallut arrêter
                        le scandale, et une loi intervint, qui, condamnant le Chœur à l’impuissance
                        de nuire, le réduisit à un silence honteux. Il n’est pas un seul genre que
                        n’aient abordé nos poëtes ; et ce n’est pas sans gloire que, renonçant à
                        l’imitation des Grecs, ils osèrent traiter sur la scène, dans la tragédie
                        comme dans le genre comique, des sujets tout nationaux. Aussi, la valeur
                        guerrière et l’éclat des armes n’ajouteraient pas, plus que la littérature,
                        à la puissante illustration du Latium, si nos auteurs, trop pressés, ne
                        reculaient tous devant le travail de la lime. Mais vous, noble sang de
                        Pompilius, soyez impitoyables pour ces poëmes faits à la hâte <pb n="38"
                            xml:id="p38-fre"/>et sans corrections, essais imprudents qu’un goût
                        sévère n’a pas dix fois retouchés.</p>
                    <p>Démocrite a rêvé que le génie vaut mieux que l’art et ses misères…. Démocrite
                        bannit de l’Hélicon les poëtes de bon sens !… — De là, chez nos grands
                        génies, la mode de laisser croître soigneusement ses ongles et sa barbe :
                        pauvres gens, ils recherchent la solitude et fuient les bains. Car enfin le
                        vrai moyen de se poser en grand poëte, c’est de ne confier jamais au rasoir
                        de Licinus une tête que ne guérirait pas l’ellébore de trois Anticyres.
                        Maladroit que je suis, de me purger tous les printemps ! Personne, sans
                        cela, personne ne ferait de meilleurs vers. Eh bien, tant pis. Soyons donc
                        la pierre utile qui aiguise le fer, impuissante elle-même à couper : oui,
                        sans écrire moi-même, je montrerai comment on écrit ; je dirai les sources
                        où doit puiser le poëte, ce qui forme et nourrit son talent, ce que l’usage
                        permet, ce que le goût réprouve ; je dirai où mène le génie, où précipite
                        l’ignorance.</p>
                    <p>Le bon sens, la raison : voilà le principe et la source des bons vers <pb
                            n="40" xml:id="p40-fre"/>Socrate et les livres de ses disciples vous
                        fourniront les idées premières ; soyez bien pénétré de votre sujet, et les
                        mots arriveront sans effort. Quand on sait ce que l’on doit à sa patrie et à
                        ses amis, à la piété filiale, à l’amour fraternel, à l’hospitalité ; quand
                        on connaît les devoirs du sénateur et du juge, les obligations du général
                        envoyé contre l’ennemi : alors, n’en doutez pas, on sait donner à ses
                        personnages le caractère qui leur convient. Étudiez l’âme humaine sur les
                        types vivants de l’humanité : peintre de la nature, faites poser la nature
                        devant vous. Il y a telle pièce, où les caractères sont naturels, et les
                        mœurs bien senties ; mais le style en est sans grâce, le vers y est
                        prosaïque et dur ; malgré tout, elle aura plus de succès, elle intéressera
                        plus longtemps que des vers sans idées et des bagatelles sonores.</p>
                    <p>Les Grecs avaient reçu des Muses le don du génie et les charmes de
                        l’élocution ; aussi les Grecs ne soupiraient que pour la gloire. Mais nos
                        jeunes Romains, que font-ils ? des calculs à n’en plus <pb n="42"
                            xml:id="p42-fre"/>finir, pour diviser un as en cent parties. Dites-moi,
                        fils d’Albinus : « Voilà cinq onces : si j’en ôte une, que reste-t-il ?
                        voyons ! — Le tiers d’un as. — Bravo ! vous vous entendrez en affaires. Mais
                        j’ajoute une once : combien cela fait-il ? — Un demi-as. » — Franchement,
                        quand cette ardeur du gain aura, comme une rouille funeste, infecté les
                        esprits, espérerons-nous encore de ces nobles vers que l’on trempe dans
                        l’huile de cèdre, et que l’on conserve dans des tablettes de cyprès ?</p>
                    <p>Instruire ou plaire : tel est l’objet de la poésie, si même elle n’aspire à
                        plaire et à instruire tout à la fois. Dans vos préceptes, soyez concis : la
                        concision trouve l’intelligence docile et la mémoire fidèle. Tout ce qu’on
                        dit de trop, l’esprit rassasié le rejette. Que vos fictions, dont le but est
                        d’amuser, aient le charme de la vraisemblance ; n’épuisez pas ma crédulité
                        par l’abus du merveilleux : arrière donc la sorcière qui tire tout vivant de
                        ses entrailles un <pb n="44" xml:id="p44-fre"/>enfant qu’elle a dévoré. Nos
                        graves Sénateurs ne veulent pas d’un drame frivole : un drame sérieux fait
                        peur à nos fiers Chevaliers. Pour enlever tous les suffrages, il faut mêler
                        l’utile et l’agréable, il faut plaire et instruire en même temps. C’est
                        alors qu’un livre fait la fortune des Sosies, et qu’il franchit les mers, et
                        qu’il assure à l’auteur une glorieuse immortalité.</p>
                    <p>Cependant, il y a de ces fautes qu’on pardonne volontiers. Souvent, en effet,
                        le luth harmonieux trahit le doigt et la pensée de l’artiste ; souvent, au
                        lieu d’un son grave, la corde infidèle rend un son aigu : et la flèche
                        n’atteint pas toujours le but qu’elle menaçait. Pourquoi donc, dans un poëme
                        où les beautés dominent, critiquerais-je amèrement quelques taches, effets
                        inévitables de la négligence, ou qui auront échappé à la faiblesse humaine ?
                        Mais enfin ! si un copiste, averti sans cesse, et sans cesse retombant dans
                        la même faute, est indigne de pardon ; s’il est naturel de siffler l’artiste
                        maladroit qui <pb n="46" xml:id="p46-fre"/>touche éternellement à faux la
                        même corde : ainsi, dans l’écrivain presque toujours en défaut, je ne vois
                        plus qu’un Chérile, un méchant poëte, chez qui deux ou trois vers passables
                        me font sourire en m’étonnant : tandis que j’en veux au sublime Homère, s’il
                        sommeille quelquefois ; et pourtant, n’est-ce pas bien pardonnable dans un
                        long poëme ?</p>
                    <p>Il en est de la poésie comme de la peinture : tel tableau, vu de près, vous
                        charmera davantage ; tel autre vous plaira mieux, vu de loin. Celui-ci aime
                        le demi-jour, celui-là veut une vive lumière, car il défie le regard perçant
                        de la critique ; l’un n’a réussi qu’une seule fois, l’autre, dix fois
                        exposé, charmera toujours.</p>
                    <p>O vous, l’aîné des Pisons, vous dont les leçons d’un père développent le goût
                        précoce et les talents naturels, écoutez et retenez bien cette parole : en
                        certaines choses, la médiocrité se comprend et s’excuse. Il y a loin du
                        jurisconsulte ordinaire et de l’avocat peu marquant, à l’éloquence d’un
                        Messala, au savoir d’un Cascellius : et cependant ils <pb n="48"
                            xml:id="p48-fre"/>ont leur prix. Mais la médiocrité en poésie ! voilà ce
                        que ne tolèrent ni les Dieux, ni les hommes, ni les colonnes du temple
                        d’Apollon. Dites-moi si, à une table bien servie, on aime une symphonie
                        discordante, ou des parfums grossiers, ou des pavots au miel de Sardaigne :
                        non, car le souper n’avait que faire de ces hors-d’œuvre. — Il en est de
                        même de la poésie : née pour plaire, destinée à charmer les cœurs, si elle
                        ne s’élève au premier rang, elle tombe au dernier. Jouteur inhabile, vous
                        n’allez pas vous escrimer dans le Champ-de-Mars : novice à la paume, au
                        palet, au cerceau, vous laissez ces jeux à d’autres, pour ne pas faire rire
                        toute la galerie à vos dépens ; et, sans rien connaître à la poésie, vous
                        osez faire des vers ! — Pourquoi pas ? n’est-on pas libre et de bonne
                        famille ? n’a-t-on pas, surtout, la fortune des Chevaliers ? n’est-on pas un
                        galant homme, enfin ? — Vous, du moins, vous ne direz, vous ne ferez rien,
                        en dépit de Minerve : votre bon sens et votre esprit m’en répondent.
                        Pourtant, si vous <pb n="50" xml:id="p50-fre"/> écriviez quelque jour,
                        consultez l’oreille exercée de Métius, et celle de votre père, et la
                        mienne ; puis, gardez votre manuscrit pendant neuf ans. Tant qu’il n’a pas
                        vu le jour, on peut, à son aise, revenir sur des pages inédites : une fois
                        parti, le mot ne revient plus.</p>
                    <p>Les hommes vivaient dispersés dans les bois, quand un poëte sa cré,
                        interprète des Dieux, Orphée, leur inspira l’horreur du sang et d’une
                        affreuse nourriture. De là ces traditions populaires, qu’à la voix d’Orphée,
                        les tigres et les lions dépouillaient leur fureur ; qu’aux accents
                        d’Amphion, ce divin fondateur de Thèbes, les rochers se mouvaient en
                        cadence, et que les doux accords de sa lyre attiraient les pierres
                        obéissantes. On sait les premiers bienfaits de la sagesse antique :
                        distinguer le bien public de l’intérêt privé, les choses sacrées des
                        profanes, réprimer la licence effrénée des mœurs, tracer les devoirs de
                        l’hymen, bâtir des villes, graver des lois sur le chêne : telle fut la cause
                        de cette immortalité glorieuse, réservée aux poëtes et à leurs divins
                        travaux. Ensuite brilla le génie d’Homère, et Tyrtée, dont les vers
                        enthousiastes animèrent les mâles courages aux combats meurtriers. Depuis,
                        les oracles ne répondirent <pb n="52" xml:id="p52-fre"/>plus qu’en vers ; la
                        morale parla le même langage ; pour gagner la faveur des rois, on emprunta
                        la douce voix des neuf sœurs ; enfin, c’est la poésie qui nous donna le
                        théâtre, délassement si doux après les pénibles travaux. Ne rougissez donc
                        pas de toucher la lyre des Muses, et de chanter avec Apollon.</p>
                    <p>Est-ce la nature, ou bien l’art, qui fait les grands poëtes ? — Sur cette
                        question, souvent débattue, voici quel est mon sentiment : sans
                        l’inspiration féconde, l’étude est impuissante, et le génie ne peut rien
                        sans l’étude ; mais ils ont besoin l’un de l’autre, et tous deux,
                        étroitement unis, ils conspirent au même but. L’athlète qui brûle de
                        triompher à la course, a soumis son enfance aux épreuves les plus rudes : il
                        a souffert et de la chaleur et du froid ; il n’a connu ni l’amour ni
                        l’ivresse. Avant de se faire entendre aux fêtes d’Apollon Pythien, le joueur
                        de flûte a longtemps appris, longtemps tremblé sous un maître. Mais en
                        poésie ! il suffit de dire : « Des vers ! oh ! j’en fais d’admirables !
                        Malheur au dernier ! moi, je rougirais de l’être, fi donc ! et d’avouer
                        naïvement que j’ignore ce que je n’ai pas appris. »</p>
                    <p>Voyez, comme à l’appel du crieur public, accourt la foule <pb n="54"
                            xml:id="p54-fre"/>empressée des acheteurs : ainsi, attirés par l’espoir
                        du gain, les flatteurs se donnent rendez-vous autour du poëte rentier, riche
                        en biens-fonds, riche en capitaux bien placés. Mettez qu’avec cela il ait
                        une table bien servie ; qu’il soit homme à répondre pour un pauvre diable
                        sans argent, à le tirer des mains rapaces de la chicane : et Dieu me
                        pardonne, s’il a le bonheur de distinguer jamais le faux ami de l’ami
                        véritable. Mais vous, sortant de faire un présent, ou des offres de
                        services ; gardez-vous, pour lire vos vers, de profiter d’une ivresse
                        intéressée ; car j’entends d’ici votre auditeur s’écrier : « Ah les beaux
                        vers ! mais c’est parfait ! c’est divin !… » Il s’extasie à chaque mot ; que
                        dis-je ? ses yeux trouveront des larmes complaisantes ; vous le verrez
                        bondir de joie et trépigner de bonheur ! Comme ces malheureux, dont les
                        larmes mercenaires enchérissent, à nos funérailles, sur la vraie douleur
                        d’une famille éplorée : le flatteur qui se rit de vous, en dit et en fait
                        plus qu’un approbateur sincère. Les rois, dit-on, accablent de rasades le
                        courtisan dont ils veulent sonder le cœur ; et la torture du vin leur révèle
                        l’ami vraiment digne de <pb n="56" xml:id="p56-fre"/>confiance. Vous, si
                        jamais vous faites des vers, ne soyez pas dupe de ces faux amis, cachés sous
                        la peau du renard. Quand on lisait quelque chose à Quintilius : « Tenez,
                        disait-il, corrigez-moi ceci, et cela encore. — Mais, impossible à moi de
                        faire mieux ; je l’ai tenté deux ou trois fois en vain. — Effacez alors, et
                        remettez sur l’enclume ces vers mal forgés. » — S’avisait-on de défendre une
                        faute, au lieu de corriger : il ne disait plus mot, et, sans se donner une
                        peine inutile, il vous laissait, seul et sans rival, vous adorer vous-même,
                        à genoux devant votre génie.</p>
                    <p>Ainsi fait un sage ami : critique judicieux, il n’a ni pitié ni excuse pour
                        les vers lâches ou durs ; les vers négligés, il les efface d’un revers de
                        plume ; il supprime l’emphase ambitieuse ; la phrase est un peu obscure : il
                        vous force à l’éclaircir ; il fait le procès aux mots équivoques ; il marque
                        tous les changements à faire : il devient un Aristarque enfin. Ce n’est pas
                        lui qui dira : à quoi bon chicaner un ami pour des bagatelles ? — Mais ces
                        bagatelles, malheureux, elles auront des suites funestes, en livrant à la
                        risée publique votre ami perdu sans retour.</p>
                    <p><pb n="58" xml:id="p58-fre"/>Voyez cet infortuné que tourmente la lèpre, ou
                        la jaunisse ; ce maniaque, dont un transport fanatique et la colère de Diane
                        ont troublé le cerveau : tel est le malheureux possédé de la rage des vers.
                        Tout homme sage l’évite et le fuit, épouvanté ; les enfants crient après
                        lui, et le poursuivent étourdiment dans les rues. Or, tandis qu’il s’en va,
                        le front haut, hurlant ses vers grotesques, si, courant le nez en l’air,
                        comme l’oiseleur qui guette des merles, il tombe au fond d’un puits ou dans
                        une fosse ; il aura beau crier à tue-tête : « A moi ! citoyens, au
                        secours ! » gardez-vous bien de l’en tirer, au moins. Si, d’aventure, un
                        passant venait à lui tendre une corde charitable : « Hé ! que savez-vous,
                        dirais-je, s’il ne l’a point fait exprès, et s’il désire vraiment qu’on le
                        sauve ?… » Puis, je ranconterai la mort du poëte Sicilien. Voulant à tout
                        prix passer pour un dieu immortel, Empédocle s’élance de sang-froid dans le
                        cratère embrasé de l’Etna. Laissons donc aux poëtes le privilége, la liberté
                        du suicide : en sauver un malgré lui ! mais c’est le tuer, sur ma parole.
                        D’ailleurs, ce n’est pas <pb n="60" xml:id="p60-fre"/>son coup d’essai,
                        allez ! qu’on le tire de là, et vous verrez si, rendu à lui-même, il
                        abdiquera cette manie tragique d’immortalité. Au reste, on ne sait pas trop
                        d’où lui vient cette rage poétique. A-t-il souillé la cendre de son père ?
                        a-t-il, d’un pied sacrilége, profané sa place funeste consacrée par la
                        foudre ? Le fait est qu’un démon le possède. Mais tenez, le voilà ; l’ours
                        déchaîné a rompu les barreaux de sa loge. Ignorants et savants, tous fuient
                        ce déclamateur furibond. Malheur à qui tombe sous sa main ! plus d’espoir :
                        il faut périr sous son vers homicide ; la sangsue ne lâchera prise, que
                        gorgée du sang de sa victime.</p>
                </div2>
            </div1>
            <div1>
                <!-- Traduction juxtalinéaire -->
                <pb n="n.p."/>
                <head type="main">[Traduction juxtalinéaire]</head>
                <div2 xml:lang="lat">
                    <head type="sur"><hi rend="uc">Q. Horatii Flacci</hi></head>
                    <head type="main"><hi rend="uc">Ars poetica</hi>.</head>
                    <head type="sub"><hi rend="uc">Ad Pisones</hi>.</head>
                    <p n="1">Si pictor velit</p>
                    <p n="2">jungere cervicem equinam</p>
                    <p n="3">capiti humano,</p>
                    <p n="4">et inducere plumas varias</p>
                    <p n="5">membris</p>
                    <p n="6">collatis undique</p>
                    <p n="7">ut mulier</p>
                    <p n="8">formosa superne</p>
                    <p n="9">desinat in piscem</p>
                    <p n="10">turpiter atrum :</p>
                    <p n="11">amici, admissi spectatum,</p>
                    <p n="12">teneatis risum ?</p>
                    <p n="13">Credite, Pisones,</p>
                    <p n="14">fore persimilem</p>
                    <p n="15">isti tabulæ</p>
                    <p n="16">librum</p>
                    <p n="17">cujus species.</p>
                    <p n="18">fingentur</p>
                    <p n="19">velut somnia ægri,</p>
                    <p n="20">ut nec pes nec caput</p>
                    <p n="21">reddatur formæ uni.</p>
                    <p n="22">— Potestas æqua</p>
                    <p n="23">audendi quidlibet</p>
                    <p n="24">fuit semper</p>
                    <p n="25">pictoribus atque poetis.</p>
                    <p n="26">Scimus,</p>
                    <p n="27">petimusque hanc veniam,</p>
                    <p n="28">damusque vicissim :</p>
                    <p n="29">sed non ut immitia</p>
                    <p n="30">coeant placidis ;</p>
                    <p n="31">nomut serpentes</p>
                    <p n="32">geminentur avibus,</p>
                    <p n="33">agni tigribus.</p>
                    <p n="34">Plerumque,</p>
                    <p n="35">unus et alter pannus.</p>
                    <pb n="5" xml:id="p5-lat"/><p n="36">purpureus,</p>
                    <p n="37">qui splendeat late,</p>
                    <p n="38">assuitur</p>
                    <p n="39">inceptis gravibus</p>
                    <p n="40">et professis magna</p>
                    <p n="41">quum lucus</p>
                    <p n="42">et ara Dianæ,</p>
                    <p n="43">et ambitus</p>
                    <p n="44">aquæ properantis</p>
                    <p n="45">per agros amœnos,</p>
                    <p n="46">aut flumen Rhenum,</p>
                    <p n="47">aut arcus pluvius</p>
                    <p n="48">describitur :</p>
                    <p n="49">sed locus non erat nunc</p>
                    <p n="50">his.</p>
                    <p n="51">Et fortasse scis</p>
                    <p n="52">simulare cupressum :</p>
                    <p n="53">Quid hoc,</p>
                    <p n="54">si qui pingitur,</p>
                    <p n="55">ære dato,</p>
                    <p n="56">enatat exspes,</p>
                    <p n="57">navibus fractis ?</p>
                    <p n="58">Amphora cœpit</p>
                    <p n="59">institui :</p>
                    <p n="60">cur, rota currente,</p>
                    <p n="61">urceus exit ?</p>
                    <p n="62">Denique, quodvis</p>
                    <p n="63">sit duntaxat</p>
                    <p n="64">simplex et unum.</p>
                    <p n="65">Pater, et Juvenes Père,</p>
                    <p n="66">digni patre,</p>
                    <p n="67">maxima pars vatum</p>
                    <p n="68">decipimur</p>
                    <p n="69">specie recti :</p>
                    <p n="70">laboro esse brevis,</p>
                    <p n="71">fio obscurus ;</p>
                    <p n="72">nervi animique</p>
                    <p n="73">deficiunt</p>
                    <p n="74">sectantem lenia ;</p>
                    <p n="75">professus grandia</p>
                    <p n="76">turget ;</p>
                    <p n="77">nimum tutus</p>
                    <p n="78">timidusque procellæ,</p>
                    <p n="79">serpit humi.</p>
                    <p n="80">Qui cupit</p>
                    <p n="81">variare prodigialiter</p>
                    <p n="82">rem unam,</p>
                    <pb n="7" xml:id="p7-lat"/><p n="83">appingit delphinum sylvis,</p>
                    <p n="84">aprum fluctibus.</p>
                    <p n="85">Fuga culpæ</p>
                    <p n="86">ducit in vitium,</p>
                    <p n="87">si caret arte.</p>
                    <p n="88">Circa ludum Æmilium,</p>
                    <p n="89">faber unus</p>
                    <p n="90">et exprimet ungues,</p>
                    <p n="91">et imitabitur ære</p>
                    <p n="92">capillos molles :</p>
                    <p n="93">infelix summa operis,</p>
                    <p n="94">quia nesciet ponere totum.</p>
                    <p n="95">Ego, si curem</p>
                    <p n="96">componere quid,</p>
                    <p n="97">non velim magis</p>
                    <p n="98">me esse hunc,</p>
                    <p n="99">quam vivere naso pravo,</p>
                    <p n="100">spectandum</p>
                    <p n="101">oculis nigris</p>
                    <p n="102">capilloque nigro.</p>
                    <p n="103">Qui scribitis,</p>
                    <p n="104">sumite materiam</p>
                    <p n="105">æquam vestris viribus,</p>
                    <p n="106">et versate diu</p>
                    <p n="107">quid humeri recusent ferre,</p>
                    <p n="108">quid valeant.</p>
                    <p n="109">Nec facundia,</p>
                    <p n="110">nec ordo lucidus</p>
                    <p n="111">deseret hunc</p>
                    <p n="112">cui res erit lecta</p>
                    <p n="113">potenter.</p>
                    <p n="114">Virtus et venus ordinis</p>
                    <p n="115">erit hæc, aut ego fallor,</p>
                    <p n="116">ut dicat jam nunc</p>
                    <p n="117">debentia</p>
                    <p n="118">dici jam nunc,</p>
                    <p n="119">differat pleraque,</p>
                    <p n="120">et omittat</p>
                    <p n="121">in tempus præsens.</p>
                    <p n="122">Etiam, auctor</p>
                    <p n="123">carminis promissi,</p>
                    <p n="124">tenuis cautusque</p>
                    <p n="125">in verbis serendis,</p>
                    <p n="126">amet hoc,</p>
                    <p n="127">spernat hoc.</p>
                    <p n="128">Dixeris</p>
                    <p n="129">egregie,</p>
                    <pb n="9" xml:id="p9-lat"/><p n="130">si junctura callida</p>
                    <p n="131">reddiderit novum</p>
                    <p n="132">verbum notum.</p>
                    <p n="133">Si forte</p>
                    <p n="134">est necesse monstrare</p>
                    <p n="135">indiciis recentibus</p>
                    <p n="136">abdita</p>
                    <p n="137">rerum,</p>
                    <p n="138">continget</p>
                    <p n="139">fingere non exaudita</p>
                    <p n="140">Cethegis cinctutis ;</p>
                    <p n="141">licentiaque</p>
                    <p n="142">sumpta pudenter</p>
                    <p n="143">dabitur ;</p>
                    <p n="144">et verba nova</p>
                    <p n="145">fictaque nuper</p>
                    <p n="146">habebunt fidem,</p>
                    <p n="147">si cadant</p>
                    <p n="148">fonte græco,</p>
                    <p n="149">detorta parce.</p>
                    <p n="150">Quid autem Romanus</p>
                    <p n="151">dabit Cæcilio Plautoque,</p>
                    <p n="152">ademptum</p>
                    <p n="153">Virgilio Varioque ?</p>
                    <p n="154">Cur ego,</p>
                    <p n="155">si possum acquirere</p>
                    <p n="156">pauca,</p>
                    <p n="157">invideor :</p>
                    <p n="158">quum lingua</p>
                    <p n="159">Catonis et Enni</p>
                    <p n="160">ditaverit sermonem</p>
                    <p n="161">patrium,</p>
                    <p n="162">et protulerit</p>
                    <p n="163">nomina nova rerum ?</p>
                    <p n="164">Licuit,</p>
                    <p n="165">licebitque semper</p>
                    <p n="166">producere de produire</p>
                    <p n="167">nomen signatum</p>
                    <p n="168">nota præsente.</p>
                    <p n="169">Ut sylvæ</p>
                    <p n="170">mutantur foliis</p>
                    <p n="171">in pronos annos,</p>
                    <p n="172">prima les</p>
                    <p n="173">cadunt :</p>
                    <p n="174">ita interit</p>
                    <p n="175">ætas vetus verborum ;</p>
                    <p n="176">et nata modo</p>
                    <pb n="11" xml:id="p11-lat"/><p n="177">florent vigentque</p>
                    <p n="178">ritu juvenum.</p>
                    <p n="179">Nos nostraque</p>
                    <p n="180">debemur morti.</p>
                    <p n="181">Sive Neptunus</p>
                    <p n="182">receptus terrâ</p>
                    <p n="183">arcet classes</p>
                    <p n="184">Aquilonibus :</p>
                    <p n="185">opus regis ;</p>
                    <p n="186">palusve, diu sterilis</p>
                    <p n="187">aptaque remis,</p>
                    <p n="188">alit urbes vicinas,</p>
                    <p n="189">et sentit aratrum grave ;</p>
                    <p n="190">seu amnis,</p>
                    <p n="191">doctus iter melius,</p>
                    <p n="192">mutavit cursum</p>
                    <p n="193">iniquum frugibus :</p>
                    <p n="194">facta mortalia peribunt,</p>
                    <p n="195">nedum honos</p>
                    <p n="196">et gratia sermonum</p>
                    <p n="197">stet vivax.</p>
                    <p n="198">Multa vocabula,</p>
                    <p n="199">quæ cecidere jam,</p>
                    <p n="200">renascentur ;</p>
                    <p n="201">quæ que sunt</p>
                    <p n="202">in honore nune,</p>
                    <p n="203">cadent,</p>
                    <p n="204">si usus, penes quem</p>
                    <p n="205">arbitrium, et jus,</p>
                    <p n="206">et norma loquendi,</p>
                    <p n="207">volet.</p>
                    <p n="208">Homerus monstravit</p>
                    <p n="209">quo numero</p>
                    <p n="210">res gestæ</p>
                    <p n="211">regumque ducumque,</p>
                    <p n="212">et bella tristia,</p>
                    <p n="213">possent scribi.</p>
                    <p n="214">Querimonia primum,</p>
                    <p n="215">post etiam</p>
                    <p n="216">sententia compos voti</p>
                    <p n="217">est inclusa versibus</p>
                    <p n="218">junctis impariter.</p>
                    <p n="219">Grammatici tamen</p>
                    <p n="220">certant</p>
                    <p n="221">quis auctor</p>
                    <p n="222">emiserit exiguos elegos,</p>
                    <p n="223">et lis est adhuc sub judice.</p>
                    <pb n="13" xml:id="p13-lat"/><p n="224">Rabies La rage</p>
                    <p n="225">armavit Archilochum</p>
                    <p n="226">iambo proprio :</p>
                    <p n="227">socci</p>
                    <p n="228">cothurnique grandes</p>
                    <p n="229">capere hunc pedem,</p>
                    <p n="230">aptum sermonibus alternis,</p>
                    <p n="231">et vincentem</p>
                    <p n="232">strepitus populares,</p>
                    <p n="233">et natum rebus agendis.</p>
                    <p n="234">Musa dedit fidibus</p>
                    <p n="235">referre Divos,</p>
                    <p n="236">puerosque Deorum,</p>
                    <p n="237">et pugilem victorem,</p>
                    <p n="238">et equum primum</p>
                    <p n="239">certamine,</p>
                    <p n="240">et curas juvenum,</p>
                    <p n="241">et vina libera.</p>
                    <p n="242">Cur ego</p>
                    <p n="243">salutor poeta,</p>
                    <p n="244">si nequeo ignoroque</p>
                    <p n="245">servare vices descriptas</p>
                    <p n="246">coloresque</p>
                    <p n="247">operum ?</p>
                    <p n="248">Cur,</p>
                    <p n="249">pudens prave,</p>
                    <p n="250">malo nescire</p>
                    <p n="251">quam discere ?</p>
                    <p n="252">Res comica</p>
                    <p n="253">non vult exponi</p>
                    <p n="254">versibus tragicis ;</p>
                    <p n="255">item, cœna Thyestæ</p>
                    <p n="256">indignatur narrari</p>
                    <p n="257">carminibus privatis</p>
                    <p n="258">ac prope dignis socco.</p>
                    <p n="259">Quæque singula</p>
                    <p n="260">teneant locum,</p>
                    <p n="261">sortita decenter.</p>
                    <p n="262">Interdum tamen</p>
                    <p n="263">et comœdia tollit vocem,</p>
                    <p n="264">Chremesque iratus</p>
                    <p n="265">delitigat</p>
                    <p n="266">ore tumido ;</p>
                    <p n="267">et plerumque</p>
                    <p n="268">tragicus</p>
                    <p n="269">dolet sermone pedestri :</p>
                    <p n="270">Telephus aut Peleus,</p>
                    <pb n="15" xml:id="p15-lat"/><p n="271">quum uterque</p>
                    <p n="272">pauper et exsul,</p>
                    <p n="273">projicit ampullas</p>
                    <p n="274">et verba sesquipedalia,</p>
                    <p n="275">si curat tetigisse</p>
                    <p n="276">querela</p>
                    <p n="277">cor spectantis.</p>
                    <p n="278">Non est satis</p>
                    <p n="279">poemata esse pulchra ;</p>
                    <p n="280">sunto dulcia,</p>
                    <p n="281">et agunto</p>
                    <p n="282">animum auditoris</p>
                    <p n="283">quocumque volent.</p>
                    <p n="284">Ut vultus humani</p>
                    <p n="285">arrident ridentibus,</p>
                    <p n="286">ita adflent flentibus.</p>
                    <p n="287">Si vis me flere ;</p>
                    <p n="288">est dolendum une douleur-</p>
                    <p n="289">tibi ipsi, primum :</p>
                    <p n="290">tunc, Telephe, vel Peleu,</p>
                    <p n="291">tua infortunia lædent me ;</p>
                    <p n="292">si loqueris male</p>
                    <p n="293">mandata,</p>
                    <p n="294">aut dormitabo,</p>
                    <p n="295">aut ridebo.</p>
                    <p n="296">Verba tristia</p>
                    <p n="297">decent vultum mœstum ;</p>
                    <p n="298">plena minarum,</p>
                    <p n="299">iratum ;</p>
                    <p n="300">lasciva, ridentem ;</p>
                    <p n="301">seria dictu,</p>
                    <p n="302">severum.</p>
                    <p n="303">Natura enim</p>
                    <p n="304">format nos intus prius</p>
                    <p n="305">ad omnem habitum</p>
                    <p n="306">fortunarum :</p>
                    <p n="307">juvat,</p>
                    <p n="308">aut impellit ad iram,</p>
                    <p n="309">aut deducit ad humum</p>
                    <p n="310">mœrore gravi,</p>
                    <p n="311">et angit ;</p>
                    <p n="312">post, effert</p>
                    <p n="313">motus animi</p>
                    <p n="314">lingua interprete.</p>
                    <p n="315">Si dicta</p>
                    <p n="316">erunt absona</p>
                    <p n="317">fortunis</p>
                    <pb n="17" xml:id="p17-lat"/><p n="318">dicentis,</p>
                    <p n="319">equites Romani</p>
                    <p n="320">peditesque</p>
                    <p n="321">tollent cachinnum.</p>
                    <p n="322">Intererit multum</p>
                    <p n="323">Davusne loquatur,</p>
                    <p n="324">an heros ;</p>
                    <p n="325">senexne maturus,</p>
                    <p n="326">an fervidus</p>
                    <p n="327">juventa adhuc florente ;</p>
                    <p n="328">an matrona potens,</p>
                    <p n="329">an nutrix sedula ;</p>
                    <p n="330">mercatorne vagus,</p>
                    <p n="331">cultorne</p>
                    <p n="332">agelli virentis ;</p>
                    <p n="333">Colchus,</p>
                    <p n="334">an Assyrius ;</p>
                    <p n="335">nutritus Thebis,</p>
                    <p n="336">an Argis.</p>
                    <p n="337">Scriptor,</p>
                    <p n="338">aut sequere famam,</p>
                    <p n="339">aut finge</p>
                    <p n="340">convenientia sibi.</p>
                    <p n="341">Si forte reponis</p>
                    <p n="342">Achillem honoratum ;</p>
                    <p n="343">impiger, iracundus,</p>
                    <p n="344">inexorabilis, acer,</p>
                    <p n="345">neget jura</p>
                    <p n="346">nata sibi,</p>
                    <p n="347">arroget non-nihil armis ;</p>
                    <p n="348">Medea sit ferox</p>
                    <p n="349">invictaque,</p>
                    <p n="350">Ino flebilis,</p>
                    <p n="351">Ixion perfidus,</p>
                    <p n="352">Io vaga,</p>
                    <p n="353">Orestes tristis.</p>
                    <p n="354">Si committis scenæ</p>
                    <p n="355">quid inexpertum,</p>
                    <p n="356">et audes formare</p>
                    <p n="357">personam novam :</p>
                    <p n="358">servetur</p>
                    <p n="359">ad imum</p>
                    <p n="360">qualis processerit</p>
                    <p n="361">ab incepto,</p>
                    <p n="362">et constet sibi.</p>
                    <p n="363">Est difficile dicere</p>
                    <p n="364">proprie</p>
                    <pb n="19" xml:id="p19-lat"/><p n="365">communia ;</p>
                    <p n="366">tuque, deducis in actus</p>
                    <p n="367">carmen Iliacum</p>
                    <p n="368">rectius,</p>
                    <p n="369">quam si, primus,</p>
                    <p n="370">proferres</p>
                    <p n="371">ignota</p>
                    <p n="372">indictaque.</p>
                    <p n="373">Materies publica</p>
                    <p n="374">erit juris privati,</p>
                    <p n="375">si non moraberis</p>
                    <p n="376">circa orbem vilem</p>
                    <p n="377">patulumque ;</p>
                    <p n="378">nec curabis,</p>
                    <p n="379">interpres fidus,</p>
                    <p n="380">reddere verbum verbo ;</p>
                    <p n="381">nec desilies,</p>
                    <p n="382">imitator,</p>
                    <p n="383">in arctum</p>
                    <p n="384">unde pudor,</p>
                    <p n="385">aut lex operis</p>
                    <p n="386">vetet proferre pedem.</p>
                    <p n="387">Nec incipies sic,</p>
                    <p n="388">ut olim scriptor cyclicus :</p>
                    <p n="389">« Cantabo</p>
                    <p n="390">fortunam Priami</p>
                    <p n="391">et bellum nobile… »</p>
                    <p n="392">quid hic promissor feret</p>
                    <p n="393">dignum</p>
                    <p n="394">biatu tanto ? —</p>
                    <p n="395">Montes</p>
                    <p n="396">parturiunt :</p>
                    <p n="397">mus ridiculus nascetur.</p>
                    <p n="398">Quanto rectius</p>
                    <p n="399">hic qui molitur nil</p>
                    <p n="400">inepte :</p>
                    <p n="401">« Musa, dic mihi virum,</p>
                    <p n="402">qui, post tempora</p>
                    <p n="403">Trojæ captæ,</p>
                    <p n="404">vidit mores et urbes</p>
                    <p n="405">hominum multorum. »</p>
                    <p n="406">Non cogitat</p>
                    <p n="407">dare fumum ex fulgore,</p>
                    <p n="408">sed lucem ex fumo,</p>
                    <p n="409">ut promat dehine</p>
                    <p n="410">miracula speciosa :</p>
                    <p n="411">Antiphaten Seyllamque,</p>
                    <pb n="21" xml:id="p21-lat"/><p n="412">et Charybdim cum Cyclope.</p>
                    <p n="413">Nec orditur</p>
                    <p n="414">reditum Diomedis</p>
                    <p n="415">ab interitu Meleagri,</p>
                    <p n="416">nec bellum Trojanum</p>
                    <p n="417">ab ovo gemino.</p>
                    <p n="418">Festinat semper</p>
                    <p n="419">ad eventum,</p>
                    <p n="420">et a apit auditorem</p>
                    <p n="421">in res medias,</p>
                    <p n="422">non secus ac notas ;</p>
                    <p n="423">et relinquit</p>
                    <p n="424">quæ desperat</p>
                    <p n="425">posse nitescere,</p>
                    <p n="426">tractata.</p>
                    <p n="427">Atque mentitur ita,</p>
                    <p n="428">miscet falsa veris</p>
                    <p n="429">sic,</p>
                    <p n="430">ne medium discrepet</p>
                    <p n="431">primo,</p>
                    <p n="432">ne imum medio.</p>
                    <p n="433">Tu, audi</p>
                    <p n="434">quid ego</p>
                    <p n="435">et populus desideret mecum.</p>
                    <p n="436">Si eges plausoris</p>
                    <p n="437">manentis aulæa,</p>
                    <p n="438">et sessuri usque</p>
                    <p n="439">donec cantor dicat :</p>
                    <p n="440"><hi rend="i">Vos plaudite !</hi></p>
                    <p n="441">mores cujusque ætatis</p>
                    <p n="442">sunt notandi tibi,</p>
                    <p n="443">decorque dandus</p>
                    <p n="444">naturis et annis</p>
                    <p n="445">mobilibus.</p>
                    <p n="446">Puer, qui scit jam</p>
                    <p n="447">reddere voces,</p>
                    <p n="448">et signat humum</p>
                    <p n="449">pede certo,</p>
                    <p n="450">gestit</p>
                    <p n="451">colludere paribus,</p>
                    <p n="452">et colligit iram</p>
                    <p n="453">ac ponit temere,</p>
                    <p n="454">et mutatur</p>
                    <p n="455">in horas.</p>
                    <p n="456">Juvenis imberbus,</p>
                    <p n="457">custode remoto</p>
                    <p n="458">tandem,</p>
                    <pb n="23" xml:id="p23-lat"/><p n="459">gaudet equis</p>
                    <p n="460">canibusque, et gramine</p>
                    <p n="461">Campi aprici ;</p>
                    <p n="462">cereus</p>
                    <p n="463">flecti in vitium,</p>
                    <p n="464">asper monitoribus,</p>
                    <p n="465">provisor tardus</p>
                    <p n="466">utilium,</p>
                    <p n="467">prodigus æris,</p>
                    <p n="468">sublimis cupidusque,</p>
                    <p n="469">et pernix relinquere</p>
                    <p n="470">amata.</p>
                    <p n="471">Studiis conversis,</p>
                    <p n="472">ætas virilis animusque</p>
                    <p n="473">quærit opes</p>
                    <p n="474">et amicitias,</p>
                    <p n="475">inservit honori,</p>
                    <p n="476">cavet commisisse</p>
                    <p n="477">quod mox</p>
                    <p n="478">laboret mutare.</p>
                    <p n="479">Incommoda multa</p>
                    <p n="480">circumveniunt senem :</p>
                    <p n="481">vel quod quærit,</p>
                    <p n="482">et miser</p>
                    <p n="483">abstinet inventis,</p>
                    <p n="484">ac timet uti ;</p>
                    <p n="485">vel quod ministrat</p>
                    <p n="486">omnes res</p>
                    <p n="487">timide gelideque,</p>
                    <p n="488">dilator,</p>
                    <p n="489">lentus spe,</p>
                    <p n="490">iners,</p>
                    <p n="491">pavidusque futuri,</p>
                    <p n="492">difficilis, querulus,</p>
                    <p n="493">laudator temporis acti</p>
                    <p n="494">se puero,</p>
                    <p n="495">censor castigatorque</p>
                    <p n="496">minorum.</p>
                    <p n="497">Anni venientes</p>
                    <p n="498">ferunt secum</p>
                    <p n="499">commoda multa ;</p>
                    <p n="500">recedentes,</p>
                    <p n="501">adimunt multa.</p>
                    <p n="502">Ne partes seniles</p>
                    <p n="503">mandentur</p>
                    <p n="504">forte juveni,</p>
                    <p n="505">virilesque puero,</p>
                    <pb n="25" xml:id="p25-lat"/><p n="506">morabimur semper</p>
                    <p n="507">in adjunctis</p>
                    <p n="508">aptisque ævo.</p>
                    <p n="509">Aut res agitur in scenis,</p>
                    <p n="510">aut, acta,</p>
                    <p n="511">refertur.</p>
                    <p n="512">Demissa per aurem</p>
                    <p n="513">irritant animos segnius,</p>
                    <p n="514">quam quæ sunt subjecta</p>
                    <p n="515">oculis fidelibus,</p>
                    <p n="516">et quæ spectator</p>
                    <p n="517">ipse tradit sibi :</p>
                    <p n="518">tamen</p>
                    <p n="519">non promes in scenam</p>
                    <p n="520">digna geri intus ;</p>
                    <p n="521">tollesque ex oculis</p>
                    <p n="522">multa, quæ facundia</p>
                    <p n="523">præsens</p>
                    <p n="524">narret mox.</p>
                    <p n="525">Ne Medea trucidet pueros</p>
                    <p n="526">coram populo ;</p>
                    <p n="527">aut nefarius Atreus</p>
                    <p n="528">coquat palam</p>
                    <p n="529">exta humana ;</p>
                    <p n="530">aut Procne</p>
                    <p n="531">vertatur in avem,</p>
                    <p n="532">Cadmus in anguem :</p>
                    <p n="533">odi, incredulus,</p>
                    <p n="534">quodcumque ostendis mihi</p>
                    <p n="535">sic.</p>
                    <p n="536">Fabula,</p>
                    <p n="537">quæ vult posci,</p>
                    <p n="538">et, spectata,</p>
                    <p n="539">reponi,</p>
                    <p n="540">ne sit minorve</p>
                    <p n="541">neu productior</p>
                    <p n="542">actu quinto.</p>
                    <p n="543">Nec Deus intersit,</p>
                    <p n="544">nisi nodus</p>
                    <p n="545">dignus vindice</p>
                    <p n="546">inciderit ;</p>
                    <p n="547">nec quarta persona</p>
                    <p n="548">laboret loqui.</p>
                    <p n="549">Chorus defendat</p>
                    <p n="550">partes officiumque virile</p>
                    <p n="551">actoris ;</p>
                    <p n="552">neu intercinat</p>
                    <pb n="27" xml:id="p27-lat"/><p n="553">medios actus</p>
                    <p n="554">quid, quod non conducat</p>
                    <p n="555">et hæreat apte</p>
                    <p n="556">proposito.</p>
                    <p n="557">Ille</p>
                    <p n="558">faveatque bonis,</p>
                    <p n="559">et consilietur amice,</p>
                    <p n="560">et regat iratos,</p>
                    <p n="561">et amet</p>
                    <p n="562">timentes peccare ;</p>
                    <p n="563">ille laudet dapes</p>
                    <p n="564">mensæ brevis ;</p>
                    <p n="565">ille justitiam salubrem,</p>
                    <p n="566">legesque, et otia</p>
                    <p n="567">portis apertis ;</p>
                    <p n="568">ille tegat commissa,</p>
                    <p n="569">preceturque et oret Deos</p>
                    <p n="570">ut fortuna</p>
                    <p n="571">redeat miseris,</p>
                    <p n="572">abeat superbis.</p>
                    <p n="573">Tibia, non vincta</p>
                    <p n="574">orichalco,</p>
                    <p n="575">æmulaque tubæ,</p>
                    <p n="576">ut nunc,</p>
                    <p n="577">sed tenuis simplexque</p>
                    <p n="578">foramine pauco,</p>
                    <p n="579">erat utilis</p>
                    <p n="580">adspirare choris</p>
                    <p n="581">et adesse,</p>
                    <p n="582">atque complere flatu</p>
                    <p n="583">sedilia</p>
                    <p n="584">nondum nimis spissa,</p>
                    <p n="585">quo coibat populus</p>
                    <p n="586">numerabilis sane,</p>
                    <p n="587">utpote parvus,</p>
                    <p n="588">et frugi,</p>
                    <p n="589">castusque,</p>
                    <p n="590">verecundusque.</p>
                    <p n="591">Postquam, victor,</p>
                    <p n="592">cœpit extendere</p>
                    <p n="593">agros ;</p>
                    <p n="594">et murus latior</p>
                    <p n="595">amplecti Urbem ;</p>
                    <p n="596">Geniusque</p>
                    <p n="597">placari impune,</p>
                    <p n="598">diebus festis,</p>
                    <p n="599">vino diurno :</p>
                    <pb n="29" xml:id="p29-lat"/><p n="600">licentia major accessit</p>
                    <p n="601">numerisque</p>
                    <p n="602">modisque.</p>
                    <p n="603">Quid enim saperet</p>
                    <p n="604">rusticus indoctus</p>
                    <p n="605">liberque lahorum,</p>
                    <p n="606">confusus urbano,</p>
                    <p n="607">turpis honesto ?</p>
                    <p n="608">Sic tibicen</p>
                    <p n="609">addidit arti priscæ</p>
                    <p n="610">motumque,</p>
                    <p n="611">et luxuriem ;</p>
                    <p n="612">vagusque</p>
                    <p n="613">traxit vestem</p>
                    <p n="614">per pulpita</p>
                    <p n="615">Sic etiam</p>
                    <p n="616">voces crevere</p>
                    <p n="617">fidibus severis,</p>
                    <p n="618">et facundia præceps</p>
                    <p n="619">tulit eloquium insolitum ;</p>
                    <p n="620">sententiaque,</p>
                    <p n="621">sagax</p>
                    <p n="622">rerum utilium</p>
                    <p n="623">et divina futuri,</p>
                    <p n="624">non discrepuit</p>
                    <p n="625">Delphis sortilegis.</p>
                    <p n="626">Qui certavit</p>
                    <p n="627">carmine tragico</p>
                    <p n="628">ob hircum vilem,</p>
                    <p n="629">mox etiam nudavit</p>
                    <p n="630">Satyros agrestes,</p>
                    <p n="631">et, asper,</p>
                    <p n="632">tentavit jocum,</p>
                    <p n="633">gravitate incolumi :</p>
                    <p n="634">eo quod spectator</p>
                    <p n="635">functusque sacris,</p>
                    <p n="636">et potus,</p>
                    <p n="637">et exlex,</p>
                    <p n="638">erat morandus</p>
                    <p n="639">illecebris</p>
                    <p n="640">et novitate grata.</p>
                    <p n="641">Verum conveniet</p>
                    <p n="642">commendare</p>
                    <p n="643">Satyros risores,</p>
                    <p n="644">dicaces,</p>
                    <p n="645">ita, ita…. ;</p>
                    <p n="646">vertere</p>
                    <pb n="31" xml:id="p31-lat"/><p n="647">seria ludo</p>
                    <p n="648">ita, ne</p>
                    <p n="649">quicumque deus,</p>
                    <p n="650">quicumque heros</p>
                    <p n="651">adhibebitur,</p>
                    <p n="652">conspectus nuper</p>
                    <p n="653">in auro regali</p>
                    <p n="654">et ostro,</p>
                    <p n="655">migret sermone humili</p>
                    <p n="656">in tabernas obscuras ;</p>
                    <p n="657">aut captet</p>
                    <p n="658">nubes et inania,</p>
                    <p n="659">dum vitat humum.</p>
                    <p n="660">Tragœdia,</p>
                    <p n="661">indigna effutire</p>
                    <p n="662">versus leves,</p>
                    <p n="663">intererit</p>
                    <p n="664">Satyris protervis</p>
                    <p n="665">paulum pudibunda,</p>
                    <p n="666">ut matrona</p>
                    <p n="667">jussa moveri</p>
                    <p n="668">diebus festis.</p>
                    <p n="669">Ego, Pisones,</p>
                    <p n="670">scriptor Satyrorum,</p>
                    <p n="671">non amabo solum</p>
                    <p n="672">nomina verbaque</p>
                    <p n="673">inornata et dominantia ;</p>
                    <p n="674">nec enitar</p>
                    <p n="675">differre colori tragico,</p>
                    <p n="676">sic ut nihil intersit</p>
                    <p n="677">Davusne loquatur,</p>
                    <p n="678">et audax Pythias et l’effrontée Pythias</p>
                    <p n="679">lucrata talentum qui a attrapé un talent</p>
                    <p n="680">Simone emuncto,</p>
                    <p n="681">an Silenus,</p>
                    <p n="682">custos famulusque</p>
                    <p n="683">Dei alumni.</p>
                    <p n="684">Sequar</p>
                    <p n="685">carmen fictum</p>
                    <p n="686">ex noto,</p>
                    <p n="687">ut quivis</p>
                    <p n="688">speret idem sibi,</p>
                    <p n="689">sudet multum</p>
                    <p n="690">laboretque frustra,</p>
                    <p n="691">ausus idem :</p>
                    <p n="692">tantum series juncturaque</p>
                    <p n="693">pollet !</p>
                    <pb n="33" xml:id="p33-lat"/><p n="694">tantum honoris accedit</p>
                    <p n="695">sumptis de medio !</p>
                    <p n="696">Fauni, deducti sylvis,</p>
                    <p n="697">caveant,</p>
                    <p n="698">me judice,</p>
                    <p n="699">ne unquam,</p>
                    <p n="700">velut innati triviis</p>
                    <p n="701">ac pene forenses,</p>
                    <p n="702">aut juvenentur</p>
                    <p n="703">versibus nimium teneris,</p>
                    <p n="704">aut crepent</p>
                    <p n="705">dicta</p>
                    <p n="706">immunda ignominiosaque.</p>
                    <p n="707">Enim</p>
                    <p n="708">quibus equus est,</p>
                    <p n="709">et pater,</p>
                    <p n="710">et res,</p>
                    <p n="711">offenduntur ;</p>
                    <p n="712">nec, (<hi rend="i">pour : et non,</hi>) <hi rend="i">et,</hi> si,</p>
                    <p n="713">emptor ciceris fricti et nucis</p>
                    <p n="714">probat quid :</p>
                    <p n="715"/>
                    <p n="716"><hi rend="i">non</hi> accipiunt</p>
                    <p n="717">animis æquis,</p>
                    <p n="718">donantve coronâ.</p>
                    <p n="719">Syllaba longa,</p>
                    <p n="720">subjecta brevi,</p>
                    <p n="721">vocatur iambus,</p>
                    <p n="722">pes citus :</p>
                    <p n="723">unde etiam</p>
                    <p n="724">jussit nomen trimetris</p>
                    <p n="725">accrescere iambeis,</p>
                    <p n="726">quum quoique,</p>
                    <p n="727">redderet</p>
                    <p n="728">senos ictus,</p>
                    <p n="729">similis sibi</p>
                    <p n="730"/>
                    <p n="731">primus ad extremum.</p>
                    <p n="732">Non ita pridem,</p>
                    <p n="733">ut pour que</p>
                    <p n="734">veniret ad aures</p>
                    <p n="735">paulo tardior graviorque,</p>
                    <p n="736">recepit in jura paterna</p>
                    <p n="737">spondeos stabiles,</p>
                    <p n="738">commodus et patiens ;</p>
                    <p n="739">non ut cederet</p>
                    <p n="740">socialiter</p>
                    <pb n="35" xml:id="p35-lat"/><p n="741">de secunda sede, aut quarta.</p>
                    <p n="742">Hic</p>
                    <p n="743">apparet rarus</p>
                    <p n="744">in trimetris nobilibus</p>
                    <p n="745">et Acci, et Enni.</p>
                    <p n="746">Versus missus in scenam</p>
                    <p n="747">mum pondere magno,</p>
                    <p n="748">premit accable</p>
                    <p n="749">crimine turpi</p>
                    <p n="750">aut operæ nimium celeris</p>
                    <p n="751">carentisque cura,</p>
                    <p n="752">aut artis ignoratæ.</p>
                    <p n="753">Quivis judex</p>
                    <p n="754">non videt</p>
                    <p n="755">poemata immodulata ;</p>
                    <p n="756">et venia indigna</p>
                    <p n="757">est data poetis Romanis.</p>
                    <p n="758">Idcircone</p>
                    <p n="759">vager,</p>
                    <p n="760">scribamque</p>
                    <p n="761">licenter ?</p>
                    <p n="762">an putem omnes</p>
                    <p n="763">visuros mea peccata,</p>
                    <p n="764">tutus et cautus</p>
                    <p n="765">intra spem veniæ ?</p>
                    <p n="766">Denique</p>
                    <p n="767">vitavi culpam,</p>
                    <p n="768">non merui laudem.</p>
                    <p n="769">Vos, versate</p>
                    <p n="770">manu nocturna,</p>
                    <p n="771">exemplaria Græca,</p>
                    <p n="772">versate feuilletez</p>
                    <p n="773">diurna.</p>
                    <p n="774">At nostri proavi</p>
                    <p n="775">laudavere et numeros</p>
                    <p n="776">et sales Plautinos,</p>
                    <p n="777">mirati utrumque admirant</p>
                    <p n="778">nimium patienter,</p>
                    <p n="779">ne dicam stulte :</p>
                    <p n="780">si modo vos et ego</p>
                    <p n="781">scimus seponere</p>
                    <p n="782">inurbanum dicto lepido,</p>
                    <p n="783">callemusque et</p>
                    <p n="784">digitis et aure</p>
                    <p n="785">nonum legitimum.</p>
                    <p n="786">Thespis dicitur invenisse</p>
                    <p n="787">genus ignotum</p>
                    <pb n="37" xml:id="p37-lat"/><p n="788">Camœuæ tragicæ,</p>
                    <p n="789">et vexisse plaustris</p>
                    <p n="790">qui,</p>
                    <p n="791">peruncti fæcibus ora,</p>
                    <p n="792">canerent poemata</p>
                    <p n="793">agerentique.</p>
                    <p n="794">Post hunc, Æschylus,</p>
                    <p n="795">repertor personæ</p>
                    <p n="796">pallæque honestæ,</p>
                    <p n="797">et instravit pulpita</p>
                    <p n="798">tignis modicis,</p>
                    <p n="799">et docuit</p>
                    <p n="800">loquique magnum,</p>
                    <p n="801">nitique cothurno.</p>
                    <p n="802">His</p>
                    <p n="803">successit Comœdia Vetus,</p>
                    <p n="804">non sine multa laude ;</p>
                    <p n="805">sed libertas excidit</p>
                    <p n="806">in vitium,</p>
                    <p n="807">et vim</p>
                    <p n="808">dignam regi lege :</p>
                    <p n="809">lex accepta est,</p>
                    <p n="810">Chorus queobticuitturpiter,</p>
                    <p n="811">jure nocendi sublato.</p>
                    <p n="812">Nostri poetæ liquere nil</p>
                    <p n="813">intentatum :</p>
                    <p n="814">nec meruere-</p>
                    <p n="815">minimum decus,</p>
                    <p n="816">aussi deserere</p>
                    <p n="817">vestigia Græca</p>
                    <p n="818">et celebrare</p>
                    <p n="819">facta domestica,</p>
                    <p n="820">vel qui docuere</p>
                    <p n="821">prætextas,</p>
                    <p n="822">vel qui</p>
                    <p n="823">togatas.</p>
                    <p n="824">Nec Latium foret</p>
                    <p n="825">potentius virtute</p>
                    <p n="826">armisve claris</p>
                    <p n="827">quam lingua,</p>
                    <p n="828">si labor limæ</p>
                    <p n="829">et mora</p>
                    <p n="830">non offenderet</p>
                    <p n="831">unumquemque poetarum.</p>
                    <p n="832">O vos,</p>
                    <p n="833">sanguis Pompilius,</p>
                    <p n="834">reprehendite carmen,</p>
                    <pb n="39" xml:id="p39-lat"/><p n="835">quod multa dies</p>
                    <p n="836">et multa litura</p>
                    <p n="837">non coercuit,</p>
                    <p n="838">atque non castigavit</p>
                    <p n="839">ad unguem,</p>
                    <p n="840">præsectum decies.</p>
                    <p n="841">Quia Democritus</p>
                    <p n="842">credit ingenium</p>
                    <p n="843">fortunatius</p>
                    <p n="844">arte misera,</p>
                    <p n="845">et excludit Helicone</p>
                    <p n="846">poetas sanos,</p>
                    <p n="847">bona pars curat</p>
                    <p n="848">non ponere ungues,</p>
                    <p n="849">non barbam ;</p>
                    <p n="850">petit loca secreta ;</p>
                    <p n="851">vitat balnea.</p>
                    <p n="852">Nanciscetur enim</p>
                    <p n="853">pretium nomenque poetæ,</p>
                    <p n="854">si nunquam commiserit</p>
                    <p n="855">tonsori Licino</p>
                    <p n="856">caput insanabile</p>
                    <p n="857">tribus Anticyris.</p>
                    <p n="858">O ego lævus,</p>
                    <p n="859">qui purgor bilem</p>
                    <p n="860">sub horam temporis verni !</p>
                    <p n="861">Non alius faceret</p>
                    <p n="862">poemata meliora.</p>
                    <p n="863">Verum</p>
                    <p n="864">est nil tanti.</p>
                    <p n="865">Ergo fungar</p>
                    <p n="866">vice cotis,</p>
                    <p n="867">quæ valet</p>
                    <p n="868">reddere ferrum acutum,</p>
                    <p n="869">exsors ipsa</p>
                    <p n="870">secandi :</p>
                    <p n="871">ipse, nil scribens,</p>
                    <p n="872">docebo munus</p>
                    <p n="873">et officium :</p>
                    <p n="874">unde</p>
                    <p n="875">opes parentur ;</p>
                    <p n="876">quid alat</p>
                    <p n="877">formetque poetam ;</p>
                    <p n="878">quid deceat, quid non ;</p>
                    <p n="879">quo virtus ferat, quo error.</p>
                    <p n="880">Sapere,</p>
                    <p n="881">est et principium</p>
                    <pb n="41" xml:id="p41-lat"/><p n="882">et fons scribendi recte.</p>
                    <p n="883">Chartæ Socraticæ</p>
                    <p n="884">poterunt ostendere tibi</p>
                    <p n="885">rem ;</p>
                    <p n="886">verbaque sequentur</p>
                    <p n="887">non invita</p>
                    <p n="888">rem provisam.</p>
                    <p n="889">Qui didicit</p>
                    <p n="890">quid debeat patriæ,</p>
                    <p n="891">et quid amicis ;</p>
                    <p n="892">quo amore</p>
                    <p n="893">parens sit amandus,</p>
                    <p n="894">quo frater</p>
                    <p n="895">et hospes ;</p>
                    <p n="896">quod sit officium</p>
                    <p n="897">conscripti,</p>
                    <p n="898">quod judicis ;</p>
                    <p n="899">quœ partes</p>
                    <p n="900">ducis missi in bellum :</p>
                    <p n="901">ille, profecto,</p>
                    <p n="902">scit reddere</p>
                    <p n="903">cuique personæ</p>
                    <p n="904">convenientia.</p>
                    <p n="905">Jubebo</p>
                    <p n="906">imitatorem doctum</p>
                    <p n="907">respicere</p>
                    <p n="908">exemplar vitæ morumque,</p>
                    <p n="909">et ducere hine</p>
                    <p n="910">voces vivas.</p>
                    <p n="911">Interdum, fabula,</p>
                    <p n="912">speciosa locis</p>
                    <p n="913">recteque morata,</p>
                    <p n="914">nullius veneris,</p>
                    <p n="915">sine pondere</p>
                    <p n="916">et arte,</p>
                    <p n="917">oblectat valdius populum</p>
                    <p n="918">moraturque melius,</p>
                    <p n="919">quam versus que</p>
                    <p n="920">inopes rerum,</p>
                    <p n="921">nugæque canoræ.</p>
                    <p n="922">Musa dedit Graiis</p>
                    <p n="923">ingenium ;</p>
                    <p n="924">dedit loqui</p>
                    <p n="925">ore rotundo</p>
                    <p n="926">Graiis, avaris nullius</p>
                    <p n="927">præter laudem.</p>
                    <p n="928">Pueri Romani</p>
                    <pb n="43" xml:id="p43-lat"/><p n="929">discunt rationibus longis</p>
                    <p n="930">diducere assem</p>
                    <p n="931">in centum partes.</p>
                    <p n="932">Filius Albini dicat :</p>
                    <p n="933">« Si uncia remota</p>
                    <p n="934">de quincunce,</p>
                    <p n="935">quid superat ?</p>
                    <p n="936">poteras</p>
                    <p n="937">dixisse ? —</p>
                    <p n="938">Triens. —</p>
                    <p n="939">Eu ! poteris</p>
                    <p n="940">servare tuam rem.</p>
                    <p n="941">Uncia redit :</p>
                    <p n="942">quid fit ? —</p>
                    <p n="943">Semis. » —</p>
                    <p n="944">At, quum semel</p>
                    <p n="945">hæc ærugo</p>
                    <p n="946">et cura peculi</p>
                    <p n="947">imbuerit animos,</p>
                    <p n="948">speramus carmina,</p>
                    <p n="949">linenda</p>
                    <p n="950">cedro</p>
                    <p n="951">et servanda</p>
                    <p n="952">cupresso lævi,</p>
                    <p n="953">posse fingi ?</p>
                    <p n="954">Poetæ volunt</p>
                    <p n="955">aut prodesse, aut delectare ;</p>
                    <p n="956">aut dicere simul</p>
                    <p n="957">et jucunda</p>
                    <p n="958">et idonea vitæ.</p>
                    <p n="959">Quidquid præcipies,</p>
                    <p n="960">esto brevis,</p>
                    <p n="961">ut animi dociles</p>
                    <p n="962">percipiant cito dicta,</p>
                    <p n="963">teneantque fideles :</p>
                    <p n="964">omne supervacuum</p>
                    <p n="965">manat de pectore pleno.</p>
                    <p n="966">Ficta causa voluptatis,</p>
                    <p n="967">sint proxima</p>
                    <p n="968">veris ;</p>
                    <p n="969">nec fabula poscat</p>
                    <p n="970">sibi</p>
                    <p n="971">quodeumque volet</p>
                    <p n="972">credi ;</p>
                    <p n="973">neu extrahat</p>
                    <p n="974">puerum vivum</p>
                    <p n="975">alvo Lamiæ pransæ.</p>
                    <pb n="45" xml:id="p45-lat"/><p n="976">Centuriæ seniorum</p>
                    <p n="977">agitant</p>
                    <p n="978">expertia</p>
                    <p n="979">frugis :</p>
                    <p n="980">Rhamnes</p>
                    <p n="981">celsi</p>
                    <p n="982">prætereunt</p>
                    <p n="983">poemata austera.</p>
                    <p n="984">Tulit</p>
                    <p n="985">omne punctum,</p>
                    <p n="986">qui miscuit utile dulci,</p>
                    <p n="987">delectando lectorem</p>
                    <p n="988">monendoque pariter.</p>
                    <p n="989">Hic liber</p>
                    <p n="990">meret æra</p>
                    <p n="991">Sosiis,</p>
                    <p n="992">hic et transit mare,</p>
                    <p n="993">et prorogat</p>
                    <p n="994">ævum longum</p>
                    <p n="995">scriptori noto.</p>
                    <p n="996">Sunt tamen delicta</p>
                    <p n="997">quibus velimus</p>
                    <p n="998">ignovisse :</p>
                    <p n="999">nam neque chorda</p>
                    <p n="1000">reddit sonum</p>
                    <p n="1001">quem manus</p>
                    <p n="1002">vult,</p>
                    <p n="1003">remittitque persæpe</p>
                    <p n="1004">acutum</p>
                    <p n="1005">poscenti gravem ;</p>
                    <p n="1006">nec arcus</p>
                    <p n="1007">feriet semper</p>
                    <p n="1008">quodeumque minabitur.</p>
                    <p n="1009">Verum, ubi</p>
                    <p n="1010">plura</p>
                    <p n="1011">nitent in carmine,</p>
                    <p n="1012">ego non offendar</p>
                    <p n="1013">maculis paucis,</p>
                    <p n="1014">quas aut incuria fudit,</p>
                    <p n="1015">aut natura humana</p>
                    <p n="1016">parum cavit.</p>
                    <p n="1017">Quid est ergo ?</p>
                    <p n="1018">Ut scriptor librarius,</p>
                    <p n="1019">si peccat usque idem,</p>
                    <p n="1020">quamvis est monitus,</p>
                    <p n="1021">caret venia ;</p>
                    <p n="1022">ut citharœdus,</p>
                    <pb n="47" xml:id="p47-lat"/><p n="1023">qui oberrat semper</p>
                    <p n="1024">eadem chorda,</p>
                    <p n="1025">ridetur :</p>
                    <p n="1026">sic,</p>
                    <p n="1027">qui cessat multum,</p>
                    <p n="1028">fit mihi ille Chœrilus,</p>
                    <p n="1029">quem miror cum risu</p>
                    <p n="1030">bonum bis terve ;</p>
                    <p n="1031">et idem </p>
                    <p n="1032">indignor</p>
                    <p n="1033">quandoque</p>
                    <p n="1034">bonus Homerus dormitat :</p>
                    <p n="1035">verum est fas</p>
                    <p n="1036">somnum obrepere</p>
                    <p n="1037">in opere longo.</p>
                    <p n="1038">Poesis ut pictura :</p>
                    <p n="1039">erit</p>
                    <p n="1040">quæ capiat te magis,</p>
                    <p n="1041">si stes propius ;</p>
                    <p n="1042">et quædam,</p>
                    <p n="1043">si abstes longius ;</p>
                    <p n="1044">hæc amat obscurum,</p>
                    <p n="1045">hæc, quæ non formidat</p>
                    <p n="1046">acumen argutum</p>
                    <p n="1047">judicis,</p>
                    <p n="1048">volet videri</p>
                    <p n="1049">sub luce ;</p>
                    <p n="1050">hæc placuit semel,</p>
                    <p n="1051">hæc, repetita decies,</p>
                    <p n="1052">placebit.</p>
                    <p n="1053">O major Juvenum,</p>
                    <p n="1054">quamvis et</p>
                    <p n="1055">fingeris ad rectum</p>
                    <p n="1056">voce paterna,</p>
                    <p n="1057">et sapis</p>
                    <p n="1058">per te,</p>
                    <p n="1059">tolle memor</p>
                    <p n="1060">hoc dictum tibin :</p>
                    <p n="1061">medium et tolerabile</p>
                    <p n="1062">certis rebus,</p>
                    <p n="1063">concedirecte.</p>
                    <p n="1064">Juris-consultus mediocris,</p>
                    <p n="1065">et actor causarum,</p>
                    <p n="1066">abest virtute</p>
                    <p n="1067">diserti : Messalæ,</p>
                    <p n="1068">nec scit quantum</p>
                    <p n="1069">Cascellius Aulus ;</p>
                    <pb n="49" xml:id="p49-lat"/><p n="1070">sed tamen est in pretio.</p>
                    <p n="1071">Non homines, non Di</p>
                    <p n="1072">non columnæ,</p>
                    <p n="1073"/>
                    <p n="1074">concessere poetis</p>
                    <p n="1075">esse mediocribus.</p>
                    <p n="1076">Ut,</p>
                    <p n="1077">inter mensas gratas,</p>
                    <p n="1078">symphonia discors,</p>
                    <p n="1079">et unguentum crassum,</p>
                    <p n="1080">et papaver</p>
                    <p n="1081">cum melle Sardo</p>
                    <p n="1082">offendunt,</p>
                    <p n="1083">quia cœna poterat duci</p>
                    <p n="1084">sine istis :</p>
                    <p n="1085">sic, poema,</p>
                    <p n="1086">natum inventumque</p>
                    <p n="1087">animis juvandis,</p>
                    <p n="1088">si paulum discessit</p>
                    <p n="1089">a summo,</p>
                    <p n="1090">vergit ad imum.</p>
                    <p n="1091">Qui nescit ludere,</p>
                    <p n="1092">abstinet</p>
                    <p n="1093">armis Campestribus ;</p>
                    <p n="1094">indoctusque pilæ,</p>
                    <p n="1095">discive, trochive,</p>
                    <p n="1096">quiescit,</p>
                    <p n="1097">ne coronæ</p>
                    <p n="1098">spissæ</p>
                    <p n="1099">tollant risum</p>
                    <p n="1100">impune ;</p>
                    <p n="1101">qui nescit,</p>
                    <p n="1102">audet tamen</p>
                    <p n="1103">fingere versus ! —</p>
                    <p n="1104">« Quidni ?</p>
                    <p n="1105">liber</p>
                    <p n="1106">et ingenuus,</p>
                    <p n="1107">præsertim census</p>
                    <p n="1108">summam nummorum</p>
                    <p n="1109">equestrem,</p>
                    <p n="1110">remotusque</p>
                    <p n="1111">ab omni vitio. » —</p>
                    <p n="1112">Tu, dices faciesve nihil</p>
                    <p n="1113">invita Minerva ;</p>
                    <p n="1114">id judicium, ea mens</p>
                    <p n="1115">est tibi.</p>
                    <p n="1116">Si tamen scripseris</p>
                    <pb n="51" xml:id="p51-lat"/><p n="1117">quid olim,</p>
                    <p n="1118">descendat</p>
                    <p n="1119">in aures judicis Metii,</p>
                    <p n="1120">et patris,</p>
                    <p n="1121">et nostras,</p>
                    <p n="1122">prematurque</p>
                    <p n="1123">in nonum annum.</p>
                    <p n="1124">Membranis positis</p>
                    <p n="1125">intus,</p>
                    <p n="1126">licebit delere</p>
                    <p n="1127">quod non edideris :</p>
                    <p n="1128">vox missa</p>
                    <p n="1129">nescit reverti.</p>
                    <p n="1130">Orpheus, sacer Orphée,</p>
                    <p n="1131">interpresque Deorum,</p>
                    <p n="1132">deterruit cædibus</p>
                    <p n="1133">et victu fœdo</p>
                    <p n="1134">homines sylvestres :</p>
                    <p n="1135">dictus ob hoc</p>
                    <p n="1136">lenire tigres</p>
                    <p n="1137">leonesque rabidos ;</p>
                    <p n="1138">et Amphion,</p>
                    <p n="1139">conditor arcis Thebanæ,</p>
                    <p n="1140">dictus movere saxa</p>
                    <p n="1141">sono testudinis,</p>
                    <p n="1142">et ducere quo vellet</p>
                    <p n="1143">prece blanda.</p>
                    <p n="1144">Sapientia quondam</p>
                    <p n="1145">fuit hæc :</p>
                    <p n="1146">secernere publica</p>
                    <p n="1147">privatis,</p>
                    <p n="1148">sacra profanis ;</p>
                    <p n="1149">prohibere</p>
                    <p n="1150">concubitu vago ;</p>
                    <p n="1151">dare jura</p>
                    <p n="1152">maritis ;</p>
                    <p n="1153">moliri oppida ;</p>
                    <p n="1154">incidere leges ligno.</p>
                    <p n="1155">Sic honor et nomen</p>
                    <p n="1156">venit vatibus divinis</p>
                    <p n="1157">atque carminibus.</p>
                    <p n="1158">Post hos,</p>
                    <p n="1159">Homerus insignis,</p>
                    <p n="1160">Tyrtæusque exacuit</p>
                    <p n="1161">mares animos</p>
                    <p n="1162">in bella Martia.</p>
                    <p n="1163">Sortes dictæ per carmina,</p>
                    <pb n="53" xml:id="p53-lat"/><p n="1164">et via vitæ</p>
                    <p n="1165">est monstrata ;</p>
                    <p n="1166">et gratia regum tentata</p>
                    <p n="1167">modis Pieriis ;</p>
                    <p n="1168">ludusque</p>
                    <p n="1169">et finis et,</p>
                    <p n="1170">longorum operum</p>
                    <p n="1171">repertus :</p>
                    <p n="1172">ne Musa ainsi,</p>
                    <p n="1173">solers lyræ,</p>
                    <p n="1174">et cantor Apollo</p>
                    <p n="1175">sit forte pudori tibi.</p>
                    <p n="1176">Est quæsitum</p>
                    <p n="1177">carmen laudabile</p>
                    <p n="1178">fieret natura, an arte.</p>
                    <p n="1179">Ego, video</p>
                    <p n="1180">nec quid studium possit</p>
                    <p n="1181">sine vena divite,</p>
                    <p n="1182">nec ni</p>
                    <p n="1183">ingenium rude :</p>
                    <p n="1184">sic altera res</p>
                    <p n="1185">poscit opem alterius,</p>
                    <p n="1186">et conjurat</p>
                    <p n="1187">amice.</p>
                    <p n="1188">Qui studet contingere</p>
                    <p n="1189">metam optatam</p>
                    <p n="1190">cursu,</p>
                    <p n="1191">tulit fecitque multa,</p>
                    <p n="1192">puer ;</p>
                    <p n="1193">sudavit et alsit ;</p>
                    <p n="1194">abstinuit venere et vino.</p>
                    <p n="1195">Tibicen,</p>
                    <p n="1196">qui cantat Pythia,</p>
                    <p n="1197">didicit prius,</p>
                    <p n="1198">extimuitque magistrum.</p>
                    <p n="1199">Nune est satis</p>
                    <p n="1200">dixisse :</p>
                    <p n="1201">« Ego pangopoematamira :</p>
                    <p n="1202">scabies occupet</p>
                    <p n="1203">extremum !</p>
                    <p n="1204">est turpe mihi</p>
                    <p n="1205">relinqui,</p>
                    <p n="1206">et fateri sane</p>
                    <p n="1207">nescire</p>
                    <p n="1208">quod non didici. »</p>
                    <p n="1209">Ut præco,</p>
                    <p n="1210">qui cogit turbam</p>
                    <pb n="55" xml:id="p55-lat"/><p n="1211">ad merces emendas :</p>
                    <p n="1212">poeta dives agris,</p>
                    <p n="1213">dives nummis</p>
                    <p n="1214">positis in fœnore,</p>
                    <p n="1215">jubet assentatores</p>
                    <p n="1216">ire ad lucrum.</p>
                    <p n="1217">Si vero est qui possit</p>
                    <p n="1218">ponere recte</p>
                    <p n="1219">unctum,</p>
                    <p n="1220">et spondere</p>
                    <p n="1221">pro paupere levi,</p>
                    <p n="1222">et eripere</p>
                    <p n="1223">implicitum</p>
                    <p n="1224">litibus arctis :</p>
                    <p n="1225">mirabor,</p>
                    <p n="1226">si, beatus, sciet</p>
                    <p n="1227">internoscere</p>
                    <p n="1228">amicum mendacem,</p>
                    <p n="1229">verumque.</p>
                    <p n="1230">Tu, seu donaris,</p>
                    <p n="1231">seu velis donare</p>
                    <p n="1232">quid cui,</p>
                    <p n="1233">nolito ducere</p>
                    <p n="1234">plenum lætitiæ</p>
                    <p n="1235">ad versus factos tibi :</p>
                    <p n="1236">clamabit enim :</p>
                    <p n="1237">« pulchre ! bene ! recte ! »</p>
                    <p n="1238">pallescet super his ;</p>
                    <p n="1239">etiam stillabit rorem</p>
                    <p n="1240">ex oculis amicis ;</p>
                    <p n="1241">saliet, tundet terram pede.</p>
                    <p n="1242">Ut</p>
                    <p n="1243">qui plorantin funere,</p>
                    <p n="1244">conducti,</p>
                    <p n="1245">dicunt et faciunt plura,</p>
                    <p n="1246">prope,,</p>
                    <p n="1247">dolentibus</p>
                    <p n="1248">ex animo :</p>
                    <p n="1249">sic derisor</p>
                    <p n="1250">movetur plus</p>
                    <p n="1251">laudatore vero.</p>
                    <p n="1252">Reges</p>
                    <p n="1253">dicuntur urgere</p>
                    <p n="1254">multis culullis,</p>
                    <p n="1255">et torquere mero</p>
                    <p n="1256">quem laborant</p>
                    <p n="1257">perspexisse</p>
                    <pb n="57" xml:id="p57-lat"/><p n="1258">an sit dignus amicitia.</p>
                    <p n="1259">Si condes carmina,</p>
                    <p n="1260">animi que</p>
                    <p n="1261">latentes sub vulpe</p>
                    <p n="1262">nunquam fallant te.</p>
                    <p n="1263">Si recitares</p>
                    <p n="1264">quid Quintilio,</p>
                    <p n="1265">aiebat :</p>
                    <p n="1266">« Corrige hoc et hoc,</p>
                    <p n="1267">« sodes. »</p>
                    <p n="1268">Negares te posse melius,</p>
                    <p n="1269">expertum frustra</p>
                    <p n="1270">bis terque :</p>
                    <p n="1271">jubebat delere,</p>
                    <p n="1272">et reddere incudi</p>
                    <p n="1273">versus male formatos.</p>
                    <p n="1274">Si malles</p>
                    <p n="1275">defendere delictum</p>
                    <p n="1276">quam vertere,</p>
                    <p n="1277">insumebat</p>
                    <p n="1278">nullum verbum ultra,</p>
                    <p n="1279">aut operam inanem,</p>
                    <p n="1280">quin amares</p>
                    <p n="1281">teque et tua,></p>
                    <p n="1282">solus sine rivali.</p>
                    <p n="1283">Vir bonus et prudens</p>
                    <p n="1284">reprehendet versus inertes ;</p>
                    <p n="1285">culpabit duros ;</p>
                    <p n="1286">allinet signum atrum</p>
                    <p n="1287">calamo transverso</p>
                    <p n="1288">incomptis ;</p>
                    <p n="1289">recidet</p>
                    <p n="1290">ornamenta ambitiosa ;</p>
                    <p n="1291">coget dare lucem</p>
                    <p n="1292">parum claris ;</p>
                    <p n="1293">arguet dictum</p>
                    <p n="1294">ambigue ;</p>
                    <p n="1295">notabit</p>
                    <p n="1296">mutanda :</p>
                    <p n="1297">fiet Aristarchus.</p>
                    <p n="1298">Non dicet :</p>
                    <p n="1299">« Cur ego offendam</p>
                    <p n="1300">« amicum in nugis ? »</p>
                    <p n="1301">Hæ nugæ</p>
                    <p n="1302">ducent in mala seria</p>
                    <p n="1303">derisum semel</p>
                    <p n="1304">exceptumque sinistre.</p>
                    <pb n="59" xml:id="p59-lat"/><p n="1305">Qui sapiunt,</p>
                    <p n="1306">timent tetigisse</p>
                    <p n="1307">poetam vesanum,</p>
                    <p n="1308">fugiuntque,</p>
                    <p n="1309">ut</p>
                    <p n="1310">quem scabies mala,</p>
                    <p n="1311">aut morbus regius,</p>
                    <p n="1312">aut error fanaticus</p>
                    <p n="1313">et Diana iracunda</p>
                    <p n="1314">urget ;</p>
                    <p n="1315">pueri</p>
                    <p n="1316">agitant</p>
                    <p n="1317">sequunturque</p>
                    <p n="1318">incauti.</p>
                    <p n="1319">Dum hic,</p>
                    <p n="1320">sublimis,</p>
                    <p n="1321">ructatur versus et errat</p>
                    <p n="1322">si decidit in puteum</p>
                    <p n="1323">foveamve,</p>
                    <p n="1324">veluti auceps</p>
                    <p n="1325">intentus merulis,</p>
                    <p n="1326">licet clamet longum :</p>
                    <p n="1327">« Io, cives ! succurrite ! »</p>
                    <p n="1328">non sit</p>
                    <p n="1329">qui curet tollere.</p>
                    <p n="1330">Si quis curet</p>
                    <p n="1331">ferre opem</p>
                    <p n="1332">et demittere funem,</p>
                    <p n="1333">dicam :</p>
                    <p n="1334">« Qui scis</p>
                    <p n="1335">« an se projecerit huc</p>
                    <p n="1336">« prudens,</p>
                    <p n="1337">« atque nolit servari ?</p>
                    <p n="1338">narraboque</p>
                    <p n="1339">interitum poetæ Siculi.</p>
                    <p n="1340">Dum Empedocles cupit</p>
                    <p n="1341">haberi deus immortalis,</p>
                    <p n="1342">insiluit</p>
                    <p n="1343">frigidus</p>
                    <p n="1344">Ætnam ardentem.</p>
                    <p n="1345">Jus sit poetis</p>
                    <p n="1346">liceatque perire :</p>
                    <p n="1347">qui servat invitum,</p>
                    <p n="1348">facit idem</p>
                    <p n="1349">occidenti.</p>
                    <p n="1350">Nec fecit hoc semel ;</p>
                    <p n="1351">et, si</p>
                    <pb n="61" xml:id="p61-lat"/><p n="1352">erit retractus,</p>
                    <p n="1353">non fiet jam</p>
                    <p n="1354">homo,</p>
                    <p n="1355">et ponet</p>
                    <p n="1356">amorem mortis famosæ. l’amour <hi rend="i">qu’il</hi> a d’un trépas
                        fameux.</p>
                    <p n="1357">Nec apparet satis</p>
                    <p n="1358">cur factitet versus :</p>
                    <p n="1359">utrum minxerit</p>
                    <p n="1360">in cineres patrios,</p>
                    <p n="1361">an, incestus,</p>
                    <p n="1362">moverit</p>
                    <p n="1363">triste bidental</p>
                    <p n="1364">certe, furit,</p>
                    <p n="1365">ac velut ursus,</p>
                    <p n="1366">si valuit</p>
                    <p n="1367">frangere clathros objectos</p>
                    <p n="1368">caveæ,</p>
                    <p n="1369">recitator acerbus,</p>
                    <p n="1370">fugat</p>
                    <p n="1371">indoctum doctumque.</p>
                    <p n="1372">Quem vero arripuit,</p>
                    <p n="1373">tenet,</p>
                    <p n="1374">occiditque legendo :</p>
                    <p n="1375">hirudo</p>
                    <p n="1376">non missura cutem,</p>
                    <p n="1377">nisi plena cruoris.</p>
                </div2>
                <div2 xml:lang="fre">
                    <head type="sur"><hi rend="uc">Horace</hi></head>
                    <head type="main"><hi rend="uc">Art poétique</hi>.</head>
                    <head type="sub"><hi rend="uc">Aux Pisons</hi>.</head>
                    <p n="1">Si un peintre voulait</p>
                    <p n="2">joindre un cou de-cheval</p>
                    <p n="3">à une tête humaine,</p>
                    <p n="4">et mettre des plumes diverses</p>
                    <p n="5">sur des membres</p>
                    <p n="6">collatis undique, rassemblés de-toute-part,</p>
                    <p n="7">en sorte qu’une femme</p>
                    <p n="8">belle par-le-haut</p>
                    <p n="9">se terminât en un poisson</p>
                    <p n="10">hideusement noir (repoussant) :</p>
                    <p n="11"><hi rend="i">mes</hi> amis, admis à voir <hi rend="i">cela,</hi></p>
                    <p n="12">retiendriez-vous <hi rend="i">votrè</hi> rire ?</p>
                    <p n="13">Croyez, Pisons,</p>
                    <p n="14">qu’<hi rend="i">il</hi> sera tout-à-fait-semblable</p>
                    <p n="15">isti tabulæ, à ce tableau,</p>
                    <p n="16">le livre</p>
                    <p n="17">vanæ dont les idées vaines (confuses) :</p>
                    <p n="18">seront (seraient) représentées</p>
                    <p n="19">comme les rêves d’un malade,</p>
                    <p n="20">en sorte que ni pied ni tête</p>
                    <p n="21">ne se rapporte à une forme unique.</p>
                    <p n="22">— Un privilége égal</p>
                    <p n="23">d’oser toute-chose</p>
                    <p n="24">a été de-tout-temps</p>
                    <p n="25">pictoribus atque poetis. — aux peintres et aux poëtes. —</p>
                    <p n="26">et Nous savons <hi rend="i">cela ;</hi> aussi,</p>
                    <p n="27">et demandons-nous cette permission,</p>
                    <p n="28">et <hi rend="i">la</hi> donnons-nous, à-notre-tour :</p>
                    <p n="29">mais non pour que les <hi rend="i">animaux</hi> féroces</p>
                    <p n="30">soient unis aux <hi rend="i">animaux</hi> paisibles ;</p>
                    <p n="31">non pour que les serpents</p>
                    <p n="32">soient accouplés aux oiseaux,</p>
                    <p n="33"><hi rend="i">ni</hi> les agneaux aux tigres.</p>
                    <p n="34">La plupart-du-temps,</p>
                    <p n="35">un ou deux lambeaux</p>
                    <pb n="5" xml:id="p5-fre"/><p n="36">de-pourpre,</p>
                    <p n="37">qui puissent-briller au loin,</p>
                    <p n="38">sont cousus (sont rattachés)</p>
                    <p n="39">à dès commencements nobles</p>
                    <p n="40">et professis magna : et qui promettent de grandes-choses :</p>
                    <p n="41"><hi rend="i">par exemple,</hi> lorsqu’un bois-sacré</p>
                    <p n="42">et l’autel de Diane,</p>
                    <p n="43">et le cours-sinueux</p>
                    <p n="44">d’un ruisseau qui se hâte</p>
                    <p n="45">à travers des champs agréables,</p>
                    <p n="46">ou le fleuve du Rhin,</p>
                    <p n="47">ou l’arc pluvieux (l’arc-en-ciel)</p>
                    <p n="48">est décrit :</p>
                    <p n="49">mais le lieu n’était pas maintenant</p>
                    <p n="50">à ces <hi rend="i">descriptions.</hi></p>
                    <p n="51">Et peut-être tu sais</p>
                    <p n="52">représenter un cyprès :</p>
                    <p n="53">que <hi rend="i">fait</hi> cela (à quoi bon) ?</p>
                    <p n="54">si celui qui est peint (qui se fait peindre),</p>
                    <p n="55"><hi rend="i">son</hi> argent étant donné (pour son argent),</p>
                    <p n="56">s’échappe-à-la-nage <hi rend="i">et</hi> sans-espoir,</p>
                    <p n="57"><hi rend="i">ses</hi> vaisseaux étant brisés ?</p>
                    <p n="58">Une amphore a commencé</p>
                    <p n="59">à être façonnée :</p>
                    <p n="60">pourquoi, la roue tournant,</p>
                    <p n="61">une tasse sort-elle (résulte-t-elle) ?</p>
                    <p n="62">Enfin, que tout <hi rend="i">sujet</hi></p>
                    <p n="63">soit avant-tout</p>
                    <p n="64">simple et un.</p>
                    <p n="65">et <hi rend="i">vous,</hi> Jeunes-gens</p>
                    <p n="66">dignes de <hi rend="i">votre</hi> père,</p>
                    <p n="67">la plus grande partie des poëtes</p>
                    <p n="68">nous sommes trompés</p>
                    <p n="69">par l’apparence du bien :</p>
                    <p n="70">je tâche d’être concis,</p>
                    <p n="71">je deviens obscur ;</p>
                    <p n="72">les nerfs et les esprits (la chaleur)</p>
                    <p n="73">abandonnent</p>
                    <p n="74">celui qui recherche les <hi rend="i">choses trop</hi> douces ;</p>
                    <p n="75">celui qui promet des <hi rend="i">choses</hi> grandioses,</p>
                    <p n="76">est enflé ;</p>
                    <p n="77"><hi rend="i">celui</hi> qui <hi rend="i">est</hi> trop
                        sur-ses-garde</p>
                    <p n="78">et qui-craint <hi rend="i">trop</hi> la tempête,</p>
                    <p n="79">rampe terre-à-terre.</p>
                    <p n="80">Celui qui désire</p>
                    <p n="81">varier par-le-merveilleux</p>
                    <p n="82">un sujet simple,</p>
                    <pb n="7" xml:id="p7-fre"/><p n="83">peint un dauphin
                        dans les forêts,</p>
                    <p n="84"><hi rend="i">et</hi> un sanglier dans les flots.</p>
                    <p n="85">La fuite d’un défaut</p>
                    <p n="86">mène dans un vice (un défaut plus grand),</p>
                    <p n="87">si elle manque d’art.</p>
                    <p n="88">Près du cirque Emilien,</p>
                    <p n="89">un ouvrier unique-<hi rend="i">en-ce genre</hi></p>
                    <p n="90">et reproduira les ongles,</p>
                    <p n="91">et imitera avec l’airain</p>
                    <p n="92">les cheveux souples :</p>
                    <p n="93">malheureux dans l’ensemble de <hi rend="i">son</hi> œuvre,</p>
                    <p n="94">parce qu’il ne saura point former un tout.</p>
                    <p n="95">Moi, si je me mêlais</p>
                    <p n="96">de composer quelque chose,</p>
                    <p n="97">je ne voudrais pas plus</p>
                    <p n="98">moi être cet <hi rend="i">homme-là,</hi></p>
                    <p n="99">que vivre avec un nez difforme,</p>
                    <p n="100"><hi rend="i">étant</hi> remarquable <hi rend="i">d’ailleurs</hi></p>
                    <p n="101">par des yeux noirs.</p>
                    <p n="102">et par des cheveux noirs.</p>
                    <p n="103"><hi rend="i">Vous,</hi> qui écrivez (auteurs),</p>
                    <p n="104">choisissez un sujet</p>
                    <p n="105">proportionné à vos forces,</p>
                    <p n="106">et pesez (examinez) longtemps</p>
                    <p n="107">ce que <hi rend="i">vos</hi> épaules refusent de porter,</p>
                    <p n="108"><hi rend="i">et</hi> ce qu’elles peuvent <hi rend="i"
                        >porter.</hi></p>
                    <p n="109">Ni l’abondance,</p>
                    <p n="110">ni un ordre lumineux</p>
                    <p n="111">n’abandonnera celui</p>
                    <p n="112">par qui un sujet aura été choisi</p>
                    <p n="113">selon-ses-forces.</p>
                    <p n="114">Le mérite et le charme de l’ordre</p>
                    <p n="115">sera celui-ci, ou je me trompe,</p>
                    <p n="116">que <hi rend="i">l’on</hi> dise maintenant même</p>
                    <p n="117">les choses-qui-doivent</p>
                    <p n="118">être dites maintenant même,</p>
                    <p n="119">que <hi rend="i">l’on</hi> diffère le reste <hi rend="i">des
                            choses,</hi></p>
                    <p n="120">et qu’<hi rend="i">on les</hi> réserve</p>
                    <p n="121">pour le moment favorable.</p>
                    <p n="122">De plus, que l’auteur</p>
                    <p n="123">d’un poëme attendu-du-public,</p>
                    <p n="124">délicat et réservé</p>
                    <p n="125">dans les mots à unir (dans son style),</p>
                    <p n="126">aime telle <hi rend="i">expression,</hi></p>
                    <p n="127"><hi rend="i">et</hi> dédaigne telle <hi rend="i">autre
                            expression.</hi></p>
                    <p n="128">Tu te seras-exprimé</p>
                    <p n="129">d’une-manière-distinguée,</p>
                    <pb n="9" xml:id="p9-fre"/><p n="130">si une alliance
                        ingénieuse</p>
                    <p n="131">aura (a) rendu neuve</p>
                    <p n="132">une expression <hi rend="i">déjà</hi> connue.</p>
                    <p n="133">Si par hasard</p>
                    <p n="134">il est nécessaire de désigner</p>
                    <p n="135">par des termes nouveaux</p>
                    <p n="136">les <hi rend="i">parties</hi> cachées (inconnues</p>
                    <p n="137">des choses (de la nature),</p>
                    <p n="138">il <hi rend="i">t’</hi>arrivera</p>
                    <p n="139">de créer des <hi rend="i">mots</hi> non entendus</p>
                    <p n="140">des Céthégus couverts-du-cinctus ;</p>
                    <p n="141">et <hi rend="i">une telle</hi> liberté,</p>
                    <p n="142">prise avec-discrétion</p>
                    <p n="143"><hi rend="i">te</hi> sera permise ;</p>
                    <p n="144">et les expressions nouvelles</p>
                    <p n="145">et créées récemment</p>
                    <p n="146">obtiendront confiance (faveur),</p>
                    <p n="147">si elles tombent (si elles découlent)</p>
                    <p n="148">d’une source grecque,</p>
                    <p n="149">détournées peu (dérivées sans-effort).</p>
                    <p n="150">Mais quel <hi rend="i">droit</hi> le <hi rend="i">peuple</hi>
                        Romain</p>
                    <p n="151">accordera-t-il à Cécilius et à Plaute,</p>
                    <p n="152"><hi rend="i">droit</hi> enlevé (refusé)</p>
                    <p n="153">à Virgile et à Varius ?</p>
                    <p n="154"><hi rend="i">Et</hi> pourquoi moi,</p>
                    <p n="155">si je puis acquérir (créer)</p>
                    <p n="156">des <hi rend="i">mots</hi> peu-nombreux (quelques mots),</p>
                    <p n="157">suis-je envié (blâmé) :</p>
                    <p n="158">lorsque la langue</p>
                    <p n="159">de Caton et d’Ennius</p>
                    <p n="160">a enrichi le langage</p>
                    <p n="161">de-notre-pays (de-nos-pères),</p>
                    <p n="162">et a mis-en-avant</p>
                    <p n="163">des noms nouveaux de choses ?</p>
                    <p n="164">Il a été permis,</p>
                    <p n="165">et il sera permis toujours</p>
                    <p n="166">(de mettre-en-circulation)</p>
                    <p n="167">un mot marqué</p>
                    <p n="168">d’un cachet présent (actuel).</p>
                    <p n="169">Quand les forêts</p>
                    <p n="170">sont changées (changent) de feuilles,</p>
                    <p n="171">vers le déclin de l’année,</p>
                    <p n="172"><hi rend="i">feuilles venues-les-</hi>premières</p>
                    <p n="173">tombent <hi rend="i">les premières :</hi></p>
                    <p n="174">ainsi périt (disparaît)</p>
                    <p n="175">la génération antique des mots ;</p>
                    <p n="176">et les <hi rend="i">mots</hi> nés récemment</p>
                    <pb n="11" xml:id="p11-fre"/><p n="177">fleurissent et
                        ont-de-la-vigueur,</p>
                    <p n="178">à-la-manière des jeunes-gens.</p>
                    <p n="179">Nous et ce-qui-vient-de-nous,</p>
                    <p n="180">nous sommes dus à la mort.</p>
                    <p n="181">Soit que Neptune (la mer)</p>
                    <p n="182">reçu dans <hi rend="i">l’intérieur de</hi> la terre</p>
                    <p n="183">défende <hi rend="i">nos</hi> flottes</p>
                    <p n="184">des Aquilons :</p>
                    <p n="185">ouvrage d’un roi ;</p>
                    <p n="186">soit qu’un marais, longtemps stérile</p>
                    <p n="187">et propre aux rames (navigable),</p>
                    <p n="188">nourrisse les villes voisines,</p>
                    <p n="189">et sente la charrue pesante ;</p>
                    <p n="190">soit qu’un fleuve (le Tibre),</p>
                    <p n="191">instruit <hi rend="i">à suivre</hi> une voie meilleure,</p>
                    <p n="192">ait changé <hi rend="i">son</hi> cours</p>
                    <p n="193"><hi rend="i">jadis</hi> funeste aux moissons :</p>
                    <p n="194">les ouvrages des-mortels périront,</p>
                    <p n="195">bien-loin-que l’éclat</p>
                    <p n="196">et le charme des mots</p>
                    <p n="197">se maintienne vivacé.</p>
                    <p n="198">Beaucoup de mots,</p>
                    <p n="199">qui sont tombés déjà,</p>
                    <p n="200">renaîtront ;</p>
                    <p n="201">et <hi rend="i">des mots</hi> qui sont</p>
                    <p n="202">en honneur maintenant,</p>
                    <p n="203">tomberont <hi rend="i">un jour,</hi></p>
                    <p n="204">est si l’usage, au-pouvoir duquel est</p>
                    <p n="205">la toute-puissance, et l’autorité,</p>
                    <p n="206">et la règle du parler,</p>
                    <p n="207"><hi rend="i">le</hi> veut <hi rend="i">ainsi.</hi></p>
                    <p n="208">Homère a montré</p>
                    <p n="209">en quel rhythme (en quels vers)</p>
                    <p n="210">les actions (les exploits)</p>
                    <p n="211">et des rois et des chefs,</p>
                    <p n="212">et les guerres funestes,</p>
                    <p n="213">pouvaient (peuvent) être écrites.</p>
                    <p n="214">La plainte d’abord,</p>
                    <p n="215"><hi rend="i">et</hi> plus-tard aussi</p>
                    <p n="216">la pensée au-comble de <hi rend="i">son</hi> vœu</p>
                    <p n="217">fut enfermée <hi rend="i">en</hi> des vers</p>
                    <p n="218">joints inégalement.</p>
                    <p n="219">Les grammairiens cependant</p>
                    <p n="220">se disputent (ne-sont-pas-d’accord</p>
                    <p n="221"><hi rend="i">pour dire</hi> quel auteur</p>
                    <p n="222">a mis-au-jour les petites élégies,</p>
                    <p n="223">et le procès est encore sous le juge (à juger).</p>
                    <pb n="13" xml:id="p13-fre"/><p n="224">La rage (la soif de la
                        vengeance)</p>
                    <p n="225">arma Archiloque</p>
                    <p n="226">de l’iambe <hi rend="i">qui lui est</hi> propre :</p>
                    <p n="227">les brodequins (la comédie)</p>
                    <p n="228">et les cothurnes majestueux (la tragédie)</p>
                    <p n="229">prirent (adoptèrent) ce pied,</p>
                    <p n="230">propre aux discours dialogués,</p>
                    <p n="231">et dominant</p>
                    <p n="232">les tumultes populaires,</p>
                    <p n="233">et ne pour les choses à faire (pour l’action).</p>
                    <p n="234">La Muse a donné aux lyres</p>
                    <p n="235">de rappeler (de chanter) les Dieux,</p>
                    <p n="236">et les enfants des Dieux,</p>
                    <p n="237">et l’athlète-en-pugilat vainqueur,</p>
                    <p n="238">et le cheval premier (victorieux)</p>
                    <p n="239">dans le combat <hi rend="i">de la course,</hi></p>
                    <p n="240">et les soucis des jeunes-gens,</p>
                    <p n="241">et les vins libres (qui rendent libre).</p>
                    <p n="242"><hi rend="i">Mais,</hi> pourquoi moi</p>
                    <p n="243">suis-je (serais-je) salué poëte,</p>
                    <p n="244">si je-ne-puis et ne-sais-pas</p>
                    <p n="245">observer les caractères marqués</p>
                    <p n="246">et les tons <hi rend="i">distincts</hi></p>
                    <p n="247">des ouvrages (des genres différents) ?</p>
                    <p n="248">Pourquoi,</p>
                    <p n="249">ayant-une-honte mauvaise,</p>
                    <p n="250">aimé-je mieux ne-pas-savoir</p>
                    <p n="251">que d’apprendre ?</p>
                    <p n="252">Un sujet comique</p>
                    <p n="253">ne veut pas être exposé</p>
                    <p n="254">en vers tragiques ;</p>
                    <p n="255">de même, le repas de Thyeste</p>
                    <p n="256">s’indigne d’être raconté</p>
                    <p n="257">en vers familiers</p>
                    <p n="258">et presque dignes du brodequin.</p>
                    <p n="259">Que tous <hi rend="i">les sujets,</hi> individuellement,</p>
                    <p n="260">gardent <hi rend="i">leur</hi> place,</p>
                    <p n="261">l’ayant obtenue convenablement.</p>
                    <p n="262">Quelquefois, cependant,</p>
                    <p n="263">même la comédie élève la voix,</p>
                    <p n="264">Chremesque iratus : et Chrémès irrité</p>
                    <p n="265">gourmande <hi rend="i">son fils</hi></p>
                    <p n="266">d’une bouche gonflée-<hi rend="i">par-la-colère ;</hi></p>
                    <p n="267">et bien-souvent <hi rend="i">aussi</hi></p>
                    <p n="268">l’acteur-tragique (la tragédie)</p>
                    <p n="269">se plaint en un langage pédestre (simple) :</p>
                    <p n="270">Télèphe ou Pélée,</p>
                    <pb n="15" xml:id="p15-fre"/><p n="271">lorsque l’un-et-l’autre</p>
                    <p n="272"><hi rend="i">est</hi> pauvre et exilé,</p>
                    <p n="273">rejette les paroles-ampoulées</p>
                    <p n="274">et les mots d’un-pied-et-lemi (l’emphase),</p>
                    <p n="275">s’il tient à émouvoir</p>
                    <p n="276">par <hi rend="i">sa</hi> plainte</p>
                    <p n="277">le cœur du spectateur.</p>
                    <p n="278">Ce n’est pas assez</p>
                    <p n="279">que les poëmes soient beaux ;</p>
                    <p n="280"><hi rend="i">il faut</hi> qu’ils soient touchants,</p>
                    <p n="281">et qu’ils entraînent</p>
                    <p n="282">l’âme de l’auditeur</p>
                    <p n="283">partout-où ils voudront.</p>
                    <p n="284">De même que les visages humains</p>
                    <p n="285">rient à ceux qui rient,</p>
                    <p n="286">de même ils pleurent à ceux qui pleurent.</p>
                    <p n="287">Si tu veux que je pleure,</p>
                    <p n="288">est dolendum une douleur-<hi rend="i"
                        >vraie</hi>-doit-être-exprimée</p>
                    <p n="289">par toi-même, d’abord :</p>
                    <p n="290">alors, Télèphe, ou Pélée,</p>
                    <p n="291">tes infortunes affligeront moi ;</p>
                    <p n="292"><hi rend="i">mais</hi> si tu dis mal</p>
                    <p n="293">les <hi rend="i">choses qui se sont</hi> confiées (ton rôle),</p>
                    <p n="294">au je m’endormirai,</p>
                    <p n="295">ou je rirai <hi rend="i">de toi.</hi></p>
                    <p n="296">Des paroles tristes</p>
                    <p n="297">conviennent à un visage chagrin ;</p>
                    <p n="298"><hi rend="i">des paroles</hi> pleines de menaces,</p>
                    <p n="299">à un <hi rend="i">visage</hi> irrité ;</p>
                    <p n="300">des <hi rend="i">paroles</hi> enjouées, à un <hi rend="i">visage</hi>
                        riant ;</p>
                    <p n="301">des <hi rend="i">choses</hi> sérieuses à dire,</p>
                    <p n="302">à un <hi rend="i">visage</hi> sévère.</p>
                    <p n="303">La nature, en effet,</p>
                    <p n="304">forme nous intérieurement d’abord</p>
                    <p n="305">à toute manière-d’être-extérieure</p>
                    <p n="306">des <hi rend="i">différentes</hi> fortunes :</p>
                    <p n="307">elle <hi rend="i">nous</hi> réjouit,</p>
                    <p n="308">ou elle <hi rend="i">nous</hi> pousse à la colère,</p>
                    <p n="309">ou elle <hi rend="i">nous</hi> abaisse vers la terre</p>
                    <p n="310">par le chagrin pesant,</p>
                    <p n="311">et elle <hi rend="i">nous</hi> tourmente ;</p>
                    <p n="312">ensuite, elle exprime</p>
                    <p n="313">les mouvements de <hi rend="i">notre</hi> âme</p>
                    <p n="314"><hi rend="i">avec</hi> la langue interprète.</p>
                    <p n="315">Si les <hi rend="i">choses</hi> dites</p>
                    <p n="316">sont en-désaccord</p>
                    <p n="317">avec la fortune (la position)</p>
                    <pb n="17" xml:id="p17-fre"/><p n="318">de celui qui <hi rend="i"
                            >les</hi> dit,</p>
                    <p n="319">les chevaliers Romains</p>
                    <p n="320">et les piétons (les plébéiens)</p>
                    <p n="321">pousseront un éclat-de-rire.</p>
                    <p n="322"><hi rend="i">Cela</hi> différera beaucoup</p>
                    <p n="323">si <hi rend="i">c’est</hi> Dave <hi rend="i">qui</hi> parle,</p>
                    <p n="324">ou un héros ;</p>
                    <p n="325">si <hi rend="i">c’est</hi> un vieillard mûri <hi rend="i">par
                            l’âge,</hi></p>
                    <p n="326">ou un <hi rend="i">homme</hi> bouillant</p>
                    <p n="327">d’une jeunesse encore dans-sa-fleur ;</p>
                    <p n="328">si <hi rend="i">c’est</hi> une dame puissante,</p>
                    <p n="329">ou une nourrice attentive (humble)</p>
                    <p n="330">si <hi rend="i">c’est</hi> un marchand courant-le-monde,</p>
                    <p n="331">ou le cultivateur</p>
                    <p n="332">d’un petit-champ verdoyant ;</p>
                    <p n="333">si <hi rend="i">c’est</hi> un habitant-de-la-Colchide,</p>
                    <p n="334">ou un Assyrien ;</p>
                    <p n="335">un <hi rend="i">homme</hi> nourri (élevé) à Thèbes,</p>
                    <p n="336">ou <hi rend="i">un homme nourri</hi> dans Argos.</p>
                    <p n="337">Écrivain,</p>
                    <p n="338">ou suis la renommée (la tradition),</p>
                    <p n="339">ou invente <hi rend="i">des choses</hi></p>
                    <p n="340">qui-soient-d’accord-avec elles-mêmes.</p>
                    <p n="341">Si par hasard tu remets <hi rend="i">en scène</hi></p>
                    <p n="342">Achille vengé ;</p>
                    <p n="343"><hi rend="i">qu’il soit</hi> ardent, colère,</p>
                    <p n="344">inexorable, impétueux ;</p>
                    <p n="345">qu’il nie que les lois</p>
                    <p n="346">soient nées (soient faites) pour lui ;</p>
                    <p n="347">qu’il s’arroge tout par les armes ;</p>
                    <p n="348">Que Médée soit fière</p>
                    <p n="349">et invaincue (inflexible),</p>
                    <p n="350"><hi rend="i">qu’</hi> Ino <hi rend="i">soit</hi> gémissante,</p>
                    <p n="351"><hi rend="i">qu’</hi> Ixion <hi rend="i">soit</hi> perfide,</p>
                    <p n="352"><hi rend="i">qu’</hi>Io <hi rend="i">soit</hi> vagabonde,</p>
                    <p n="353"><hi rend="i">qu’</hi>Oreste <hi rend="i">soit</hi> sombre.</p>
                    <p n="354">Si tu confies à la scène</p>
                    <p n="355">quelque-<hi rend="i">sujet</hi> non-<hi rend="i"
                        >encore</hi>-traité,</p>
                    <p n="356">et <hi rend="i">si</hi> tu oses créer</p>
                    <p n="357">un personnage nouveau :</p>
                    <p n="358">qu’il soit maintenu</p>
                    <p n="359">jusqu’en bas (jusqu’à la fin)</p>
                    <p n="360">tel qu’il se sera avancé (montré)</p>
                    <p n="361">dès le commencement,</p>
                    <p n="362">et qu’il soit-fidèle à lui-même.</p>
                    <p n="363">Il est difficile de traiter (de créer)</p>
                    <p n="364">d’une manière-propre-et-déterminée</p>
                    <pb n="19" xml:id="p19-fre"/><p n="365">les <hi rend="i"
                            >caractères</hi> généraux-et-abstraits ;</p>
                    <p n="366">et toi, tu mets en actes (en tragédie)</p>
                    <p n="367">un poëme tiré-de-l’Iliade</p>
                    <p n="368">avec-plus-de-raison,</p>
                    <p n="369">que si, le premier,</p>
                    <p n="370">tu mettais-en-avant</p>
                    <p n="371">des <hi rend="i">choses</hi> inconnues</p>
                    <p n="372">et non-<hi rend="i">encore</hi>-traitées.</p>
                    <p n="373">Un sujet public</p>
                    <p n="374">sera de <hi rend="i">ton</hi> droit privé (sera tien),</p>
                    <p n="375">si tu ne restes pas</p>
                    <p n="376">dans l’ornière banale</p>
                    <p n="377">et ouverte <hi rend="i">à tout le monde ;</hi></p>
                    <p n="378">et <hi rend="i">si</hi> tu ne t’attaches pas,</p>
                    <p n="379">intorprète <hi rend="i">trop</hi> fidèle,</p>
                    <p n="380">à rendre mot pour mot ;</p>
                    <p n="381">et <hi rend="i">si</hi> tu ne te jettes pas,</p>
                    <p n="382">imitateur <hi rend="i">servile,</hi></p>
                    <p n="383">dans un <hi rend="i">cercle</hi> étroit (une difficulté),</p>
                    <p n="384">d’où la honte,</p>
                    <p n="385">ou la loi de l’ouvrage (le plan du poëme)</p>
                    <p n="386"><hi rend="i">t’</hi>empêche de retirer le pied.</p>
                    <p n="387">Et tu ne commenceras pas ainsi,</p>
                    <p n="388">comme autrefois un poëte cyclique.</p>
                    <p n="389">« Je chanterai (je vais chanter)</p>
                    <p n="390">la fortune (les malheurs) de Priam</p>
                    <p n="391">et <hi rend="i">celle</hi> guerre mémorable… »</p>
                    <p n="392">quelle chose ce prometteur produira-t-il</p>
                    <p n="393"><hi rend="i">qui soit</hi> digne</p>
                    <p n="394">d’une ouverture-de-bouche aussi-grande ?</p>
                    <p n="395">Les montagnes</p>
                    <p n="396">sont-en-travail-d’enfant :</p>
                    <p n="397">un rat ridicule naîtra <hi rend="i">d’elles.</hi></p>
                    <p n="398">Combien mieux <hi rend="i">il agit.</hi></p>
                    <p n="399">ce <hi rend="i">poete</hi> qui n’entreprend rien</p>
                    <p n="400">d’une manière ridicule :</p>
                    <p n="401">« Muse, dis (chante) à moi le héros,</p>
                    <p n="402">qui, après les temps (l’époque)</p>
                    <p n="403">de Troie prise,</p>
                    <p n="404">vit (observa) les mœurs et les villes</p>
                    <p n="405">d’hommes (de peuples) nombreux. »</p>
                    <p n="406">Il ne songe pas, <hi rend="i">lui,</hi></p>
                    <p n="407">à donner la fumée après la lumière,</p>
                    <p n="408">mais la lumière après la fumée,</p>
                    <p n="409">afin d’étaler ensuite</p>
                    <p n="410">des merveilles éclatantes :</p>
                    <p n="411"><hi rend="i">savoir,</hi> Antiphate et Scylla,</p>
                    <pb n="21" xml:id="p21-fre"/><p n="412">et Charybde
                        avec le Cyclope.</p>
                    <p n="413">Et il ne commence pas</p>
                    <p n="414">le retour de Diomède</p>
                    <p n="415">à la mort de Méléagre,</p>
                    <p n="416">ni la guerre de-Troie</p>
                    <p n="417">aux deux œufs <hi rend="i">de Léda.</hi></p>
                    <p n="418">Il se hâte toujours</p>
                    <p n="419">vers l’événement,</p>
                    <p n="420">et il entraîne <hi rend="i">son</hi> auditeur</p>
                    <p n="421">au milieu des faits,</p>
                    <p n="422">non autrement que <hi rend="i">s’ils lui étaient</hi> connus ;</p>
                    <p n="423">et il abandonne (il sacrifie)</p>
                    <p n="424">les <hi rend="i">choses</hi> lesquelles il n’espère-pas</p>
                    <p n="425">pouvoir jeter-de-l’éclat,</p>
                    <p n="426"><hi rend="i">si elles étaient</hi> traitées.</p>
                    <p n="427">Et il ment (il invente) de telle-manière,</p>
                    <p n="428">il mêle les fictions aux <hi rend="i">choses</hi> vraies</p>
                    <p n="429">de-telle-manière,</p>
                    <p n="430">que le milieu n’est-pas-en-désaccord</p>
                    <p n="431">avec le commencement,</p>
                    <p n="432">ni la fin avec le milieu.</p>
                    <p n="433">Toi, apprends (sache)</p>
                    <p n="434">ce-que j’<hi rend="i">exige,</hi> moi,</p>
                    <p n="435">et <hi rend="i">ce que</hi> le peuple exige avec moi.</p>
                    <p n="436">Si tu désires un approbateur</p>
                    <p n="437">qui attende les rideaux (la fin),</p>
                    <p n="438">et qui-doive-rester-assis toujours</p>
                    <p n="439">jusqu’à-ce-que le chanteur dise :</p>
                    <p n="440">« <hi rend="i">Vous, applaudissez !</hi> »</p>
                    <p n="441">les mœurs de chaque âge</p>
                    <p n="442">doivent être observées par toi,</p>
                    <p n="443">et la couleur-propre doit être donnée</p>
                    <p n="444">aux caractères et aux années</p>
                    <p n="445">qui-changent.</p>
                    <p n="446">L’enfant, qui sait déjà</p>
                    <p n="447">prononcer les mots,</p>
                    <p n="448">et <hi rend="i">qui</hi> marque la terre</p>
                    <p n="449">d’un pied assuré,</p>
                    <p n="450">désire-ardemment</p>
                    <p n="451">jouer-avec <hi rend="i">ses</hi> égaux-d’âge,</p>
                    <p n="452">et il prend la colère</p>
                    <p n="453">et il <hi rend="i">la</hi> quitte sans-réflexion,</p>
                    <p n="454">et il est changé (il change)</p>
                    <p n="455">d’heure-en-heure (à chaque instant).</p>
                    <p n="456">Le jeune-homme imberbe,</p>
                    <p n="457">quand son gouverneur a été éloigné</p>
                    <p n="458">enfin,</p>
                    <pb n="23" xml:id="p23-fre"/><p n="459">est charmé par les
                        chevaux,</p>
                    <p n="460">et par les chiens, et par le gazon</p>
                    <p n="461">du Champ-<hi rend="i">de-Mars</hi> exposé-au-soleil ;</p>
                    <p n="462"><hi rend="i">il est</hi> de-cire (flexible comme la cire)</p>
                    <p n="463">à être plié (façonné) au vice,</p>
                    <p n="464">récalcitrant à ceux qui <hi rend="i">l’</hi>avertissent ;</p>
                    <p n="465">pourvoyeur tardif</p>
                    <p n="466">des <hi rend="i">choses</hi> utiles,</p>
                    <p n="467">prodigue d’argent,</p>
                    <p n="468">présomptueux et plein-de-désirs,</p>
                    <p n="469">et prompt à quitter</p>
                    <p n="470">les <hi rend="i">choses qu’il a</hi> aimées.</p>
                    <p n="471"><hi rend="i">Ces</hi> goûts étant changés,</p>
                    <p n="472">l’âge viril et le caractère <hi rend="i">viril</hi></p>
                    <p n="473">recherche le crédit</p>
                    <p n="474">et les amitiés <hi rend="i">utiles,</hi></p>
                    <p n="475">il est-esclave des honneurs,</p>
                    <p n="476"><hi rend="i">et</hi> prend-garde de commettre.</p>
                    <p n="477">une<hi rend="i">chose</hi> que bientôt</p>
                    <p n="478">il aurait-la-peine de changer.</p>
                    <p n="479">Des inconvénients nombreux</p>
                    <p n="480">entourent le vieillard :</p>
                    <p n="481">soit parce qu’il amasse,</p>
                    <p n="482">et <hi rend="i">que,</hi> malheureux,</p>
                    <p n="483">il s’abstienne des <hi rend="i">choses</hi> amassées,</p>
                    <p n="484">et craint d’<hi rend="i">en</hi> user (d’en jouir) ;</p>
                    <p n="485">soit parce qu’il administre</p>
                    <p n="486">toutes les affaires</p>
                    <p n="487">timidement et d’une-manière-glacée,</p>
                    <p n="488">temporiseur,</p>
                    <p n="489">lent dans l’espérance (espérant peu),</p>
                    <p n="490">sans-énergie (irrésolu),</p>
                    <p n="491">et ayant-peur de l’avenir,</p>
                    <p n="492">difficile, se-plaignant-<hi rend="i">toujours,</hi></p>
                    <p n="493">louangeur du temps passé</p>
                    <p n="494"><hi rend="i">quand</hi> lui-même <hi rend="i">était</hi> enfant,</p>
                    <p n="495">censeur et grondeur</p>
                    <p n="496">des <hi rend="i">personnes</hi> plus jeunes.</p>
                    <p n="497">Les années <hi rend="i">en</hi> venant</p>
                    <p n="498"><hi rend="i">nous</hi> apportent avec elles</p>
                    <p n="499">des avantages nombreux ;</p>
                    <p n="500"><hi rend="i">et en</hi> s’en retournant (en déclinant),</p>
                    <p n="501">elles <hi rend="i">nous en</hi> ôtent beaucoup <hi rend="i"
                            >aussi.</hi></p>
                    <p n="502">Pour qu’un rôle de-vieillard</p>
                    <p n="503">ne soit pas confié</p>
                    <p n="504">par hasard à un jeune-homme,</p>
                    <p n="505">ni <hi rend="i">un rôle</hi> d’homme-fait à un enfant,</p>
                    <pb n="25" xml:id="p25-fre"/><p n="506">nous nous tiendrons
                        toujours</p>
                    <p n="507">dans les <hi rend="i">caractères</hi> assortis</p>
                    <p n="508">et propres à <hi rend="i">chaque</hi> âge.</p>
                    <p n="509">Ou une action se passe sur la scène,</p>
                    <p n="510">ou bien, ayant été faite,</p>
                    <p n="511">elle <hi rend="i">y</hi> est racontée.</p>
                    <p n="512"><hi rend="i">Les choses</hi> qu’on-fait-entrer par l’oreille</p>
                    <p n="513">impressionnent l’esprit moins-vivement,</p>
                    <p n="514">que celles-qui sont soumises</p>
                    <p n="515">aux yeux fidèles,</p>
                    <p n="516">et que le spectateur</p>
                    <p n="517">lui-même transmet à soi-même :</p>
                    <p n="518">cependant</p>
                    <p n="519">tu ne mettras pas sur la scène</p>
                    <p n="520">les <hi rend="i">choses</hi> qui doivent être faites au-dedans ;</p>
                    <p n="521">et tu éloigneras des yeux</p>
                    <p n="522">bien <hi rend="i">des choses,</hi> qu’un récit</p>
                    <p n="523">rendant-les-objets-présents</p>
                    <p n="524">racontera bientôt.</p>
                    <p n="525">Que Médée n’égorge pas <hi rend="i">ses</hi> enfants</p>
                    <p n="526">en-présence du peuple ;</p>
                    <p n="527">ou que le criminel Atrée</p>
                    <p n="528"><hi rend="i">ne fasse-pas</hi>-bouillir en-public</p>
                    <p n="529">des entrailles humaines ;</p>
                    <p n="530">ou bien que Procné</p>
                    <p n="531"><hi rend="i">ne</hi> soit <hi rend="i">pas</hi> changée en
                        oiseau,</p>
                    <p n="532"><hi rend="i">ni</hi> Cadmus en serpent :</p>
                    <p n="533">Je hais (je repousse), incrédule,</p>
                    <p n="534">tout ce que tu montres à moi</p>
                    <p n="535">de-cette-manière.</p>
                    <p n="536">Qu’une pièce-de-théâtre,</p>
                    <p n="537">qui veut être redemandée,</p>
                    <p n="538">et, ayant été vue <hi rend="i">déjà,</hi></p>
                    <p n="539">être remise <hi rend="i">à la scène,</hi></p>
                    <p n="540">ne soit ni plus courte</p>
                    <p n="541">ni plus longue</p>
                    <p n="542">que l’acte cinquième (cinq actes).</p>
                    <p n="543">Et qu’un Dieu n’<hi rend="i">y</hi> intervienne pas,</p>
                    <p n="544">à moins qu’un nœud</p>
                    <p n="545">digne d’un <hi rend="i">tel</hi> libérateur</p>
                    <p n="546">ne se soit présenté ;</p>
                    <p n="547">et qu’un quatrième personnage</p>
                    <p n="548">ne s’efforce pas de parler.</p>
                    <p n="549">Que le Chœur défende (remplisse)</p>
                    <p n="550">le rôle et l’office individuel</p>
                    <p n="551">d’un <hi rend="i">seul</hi> acteur ;</p>
                    <p n="552">et qu’il ne chante-pas-entre</p>
                    <pb n="27" xml:id="p27-fre"/><p n="553">le milieu des actes</p>
                    <p n="554">quelque chose qui ne soit-pas-utile</p>
                    <p n="555">et <hi rend="i">ne</hi> se rattache <hi rend="i">pas</hi>
                        étroitement</p>
                    <p n="556">au sujet <hi rend="i">de la pièce.</hi></p>
                    <p n="557">Que lui (le Chœur),</p>
                    <p n="558">et favorise les bons,</p>
                    <p n="559">et <hi rend="i">les</hi> conseille amicalement,</p>
                    <p n="560">et qu’il modère les <hi rend="i">esprits</hi> irrités,</p>
                    <p n="561">et qu’il aime</p>
                    <p n="562">ceux qui craignent de faire-le-mal ;</p>
                    <p n="563">qu’il vante les mets</p>
                    <p n="564">d’une table courte (frugale) ;</p>
                    <p n="565"><hi rend="i">qu’</hi> il <hi rend="i">vante</hi> la justice
                        salutaire,</p>
                    <p n="566">et les lois, et les loisirs <hi rend="i">de la paix</hi></p>
                    <p n="567">aux portes ouvertes ;</p>
                    <p n="568">qu’il cache les <hi rend="i">choses</hi> confiées <hi rend="i">à
                            lui,</hi></p>
                    <p n="569">et qu’il prie et supplie les Dieux</p>
                    <p n="570"><hi rend="i">de faire</hi> que la fortune</p>
                    <p n="571">revienne aux malheureux,</p>
                    <p n="572"><hi rend="i">et</hi> qu’elle s’éloigne des orgueilleux.</p>
                    <p n="573">La flûte, non attachée</p>
                    <p n="574">avec du laiton,</p>
                    <p n="575">et rivale de la trompette,</p>
                    <p n="576">comme maintenant,</p>
                    <p n="577">mais faible et simple</p>
                    <p n="578">par <hi rend="i">ses</hi> trous peu-nombreux,</p>
                    <p n="579">était utile</p>
                    <p n="580">pour donner-le-ton aux chœurs</p>
                    <p n="581">et pour <hi rend="i">les</hi> accompagner,</p>
                    <p n="582">et pour remplir de <hi rend="i">son</hi> souffle</p>
                    <p n="583">les siéges (les gradins)</p>
                    <p n="584">non-encore trop serrés,</p>
                    <p n="585">où se réunissait un peuple</p>
                    <p n="586">qu’on-pouvait-compter certainement</p>
                    <p n="587">attendu qu’<hi rend="i">il était</hi> petit,</p>
                    <p n="588">et sobre (et frugal),</p>
                    <p n="589">et chaste (et vertueux),</p>
                    <p n="590">et plein-de-retenue.</p>
                    <p n="591">Après que <hi rend="i">ce même peuple,</hi> vainqueur,</p>
                    <p n="592">eut commencé à étendre</p>
                    <p n="593"><hi rend="i">ses</hi> champs (son territoire) ;</p>
                    <p n="594">et <hi rend="i">qu’</hi> un mur plus vaste</p>
                    <p n="595"><hi rend="i">eut commencé</hi> à entourer la ville (Rome) ;</p>
                    <p n="596">et <hi rend="i">que</hi> le Génie (le dieu de la joie)</p>
                    <p n="597"><hi rend="i">eut commencé</hi> à être apaisé impunément,</p>
                    <p n="598">les jours de-fête,</p>
                    <p n="599">avec du vin bu-toute-la-journée ?</p>
                    <pb n="29" xml:id="p29-fre"/><p n="600">une licence plus
                        grande s’ajouta</p>
                    <p n="601">et aux nombres (aux vers),</p>
                    <p n="602">et aux mesures (au chant).</p>
                    <p n="603">Quelle chose, en effet, pouvait-goûter</p>
                    <p n="604">le paysan ignorant</p>
                    <p n="605">et libre de <hi rend="i">ses</hi> travaux,</p>
                    <p n="606">mêlé au citadin,</p>
                    <p n="607">l’<hi rend="i">homme</hi> grossier <hi rend="i">mélé</hi> à l’<hi
                            rend="i">homme</hi> poli ?</p>
                    <p n="608">Ainsi le joueur-de-flûte</p>
                    <p n="609">ajouta à <hi rend="i">son</hi> art ancien</p>
                    <p n="610">et le mouvement (la danse),</p>
                    <p n="611">et le luxe <hi rend="i">du costume ;</hi></p>
                    <p n="612">et se-promenant</p>
                    <p n="613">il traîna une <hi rend="i">longue</hi> robe</p>
                    <p n="614">per pulpita. sur les théâtres.</p>
                    <p n="615">Ainsi, encore,</p>
                    <p n="616">les voix (les tons) s’accrurent</p>
                    <p n="617">aux lyres <hi rend="i">jadis</hi> sévères,</p>
                    <p n="618">et l’éloquence rapide</p>
                    <p n="619">prit un langage inaccoutumé ;</p>
                    <p n="620">et la pensée <hi rend="i">du Chœur,</hi></p>
                    <p n="621">pleine-de-sagacité</p>
                    <p n="622">dans les choses (les conseils) utilos,</p>
                    <p n="623">et prophétisant l’avenir,</p>
                    <p n="624">ne différa point (ne différa plus)</p>
                    <p n="625"><hi rend="i">du ton</hi> de Delphes qui-rend-des-oracles.</p>
                    <p n="626">Celui qui combattit</p>
                    <p n="627">en vers tragiques</p>
                    <p n="628">pour un bouc vil,</p>
                    <p n="629">bientôt aussi montra-nus</p>
                    <p n="630">les Satyres champêtres ;</p>
                    <p n="631">et, railleur-caustique,</p>
                    <p n="632">il essaya un genre-plaisant,</p>
                    <p n="633">la gravité <hi rend="i">de la tragédie</hi> étant sauve :</p>
                    <p n="634">par ce <hi rend="i">motif</hi> qu’un spectateur</p>
                    <p n="635">et s’étant acquitté des sacrifices,</p>
                    <p n="636">et ayant <hi rend="i">bien</hi> bu,</p>
                    <p n="637">et <hi rend="i">étant</hi> au-dessus-des lois (sans retenue),</p>
                    <p n="638">devait être intéressé (amusé)</p>
                    <p n="639">par des charmes <hi rend="i">nouveaux</hi></p>
                    <p n="640">et par une nouveauté attrayante.</p>
                    <p n="641">Mais il conviendra</p>
                    <p n="642">de confier <hi rend="i">à la scène</hi></p>
                    <p n="643">les Satyres moqueurs,</p>
                    <p n="644"><hi rend="i">et</hi> diseurs-de-bons-mots,</p>
                    <p n="645">de telle façon, de telle façon… ;</p>
                    <p n="646"><hi rend="i">il conviendra</hi> de tourner</p>
                    <pb n="31" xml:id="p31-fre"/><p n="647">les <hi rend="i">choses</hi>
                        sérieuses à la plaisanterie</p>
                    <p n="648">de telle façon, que,</p>
                    <p n="649">n’importe-quel dieu,</p>
                    <p n="650">n’importe-quel héros</p>
                    <p n="651">sera mis-en-scène,</p>
                    <p n="652">ayant été vu tout-à-l’heure</p>
                    <p n="653">dans l’or des-rois</p>
                    <p n="654">et dans la pourpre,</p>
                    <p n="655"><hi rend="i">il</hi> ne passe point par un langage trivial</p>
                    <p n="656">dans les cabarets enfumés ;</p>
                    <p n="657">ou qu’il <hi rend="i">ne</hi>-cherche-<hi rend="i">pas</hi>-à
                        saisir</p>
                    <p n="658">les nues et les <hi rend="i">espaces</hi> vides,</p>
                    <p n="659">tandis qu’il évite la terre.</p>
                    <p n="660">La tragédie,</p>
                    <p n="661">qui-ne-doit-pas débiter-à-la-légère</p>
                    <p n="662">des vers burlesques,</p>
                    <p n="663">se trouvera-parmi</p>
                    <p n="664">les Satyres impudents</p>
                    <p n="665">un-peu rougissante-de-honte,</p>
                    <p n="666">comme une dame <hi rend="i">romaine</hi></p>
                    <p n="667">obligée de danser</p>
                    <p n="668">aux jours de fête.</p>
                    <p n="669"><hi rend="i">Pour</hi> moi, Pisons,</p>
                    <p n="670">auteur de <hi rend="i">drames</hi>-satyres,</p>
                    <p n="671">je n’aimerai pas exclusivement</p>
                    <p n="672">des mots et des termes</p>
                    <p n="673">dépourvus-d’ornement et vulgaires ;</p>
                    <p n="674">et je ne m’efforcerai pas <hi rend="i">non plus</hi></p>
                    <p n="675">de m’éloigner du ton de-la-tragédie,</p>
                    <p n="676">de telle façon que rien ne diffère,</p>
                    <p n="677">si <hi rend="i">c’est</hi> Dave <hi rend="i">qui</hi> parle,</p>
                    <p n="678">et audax Pythias et l’effrontée Pythias</p>
                    <p n="679">lucrata talentum qui a attrapé un talent</p>
                    <p n="680">au <hi rend="i">vieux</hi> Simon dupé,</p>
                    <p n="681">ou bien <hi rend="i">si c’est</hi> Silène,</p>
                    <p n="682">gardien et serviteur</p>
                    <p n="683">du Dieu (Bacchus) <hi rend="i">son</hi> nourrisson.</p>
                    <p n="684">Je suivrai (je développerai)</p>
                    <p n="685"><hi rend="i">mon</hi> poëme inventé (ma fable),</p>
                    <p n="686">d’après un <hi rend="i">sujet</hi> connu,</p>
                    <p n="687">de manière que le-premier-venu</p>
                    <p n="688">puisse-espérer le même <hi rend="i">succès</hi> pour lui,</p>
                    <p n="689"><hi rend="i">mais</hi> qu’il sue beaucoup</p>
                    <p n="690">et qu’il travaille en-vain,</p>
                    <p n="691">ayant osé <hi rend="i">tenter</hi> la même chose :</p>
                    <p n="692">tant l’enchaînement et l’ensemble</p>
                    <p n="693">ont-de-force (de valeur) !</p>
                    <pb n="33" xml:id="p33-fre"/><p n="694">tant d’honneur
                        (de beauté) s’ajoute</p>
                    <p n="695">aux <hi rend="i">choses</hi> prises du milieu (du commun) !</p>
                    <p n="696">Que les Faunes, tirés de <hi rend="i">leurs</hi> forêts,</p>
                    <p n="697">prennent-<hi rend="i">bien</hi>-garde,</p>
                    <p n="698">moi <hi rend="i">étant</hi> juge (selon mon conseil),</p>
                    <p n="699">que jamais,</p>
                    <p n="700">comme <hi rend="i">s’ils étaient</hi> nés dans les carrefours</p>
                    <p n="701">et presque sur-le-Forum,</p>
                    <p n="702">ou ils ne fassent-les-galants</p>
                    <p n="703">par des vers trop tendres,</p>
                    <p n="704">ou qu’ils ne lâchent-bruyamment</p>
                    <p n="705">des paroles (des plaisanteries)</p>
                    <p n="706">obscènes et indécentes.</p>
                    <p n="707">En effet,</p>
                    <p n="708">ceux qui ont un cheval (les chevaliers),</p>
                    <p n="709">et <hi rend="i">ceux qui ont</hi> un père <hi rend="i"
                        >sénateur,</hi></p>
                    <p n="710">et <hi rend="i">ceux qui ont</hi> de la fortune,</p>
                    <p n="711">sont offensés <hi rend="i">de cela ;</hi></p>
                    <p n="712">et, si</p>
                    <p n="713">l’acheteur de pois frits et de noix</p>
                    <p n="714">approuve une chose,</p>
                    <p n="715">les chevaliers, les fils de sénateurs, etc.</p>
                    <p n="716">ne <hi rend="i">l’</hi>accueillent pas <hi rend="i">pour
                        cela</hi></p>
                    <p n="717">avec des esprits favorables,</p>
                    <p n="718">et <hi rend="i">nela</hi> récompensent <hi rend="i">pas</hi> d’une
                        couronne.</p>
                    <p n="719">Une syllabe longue,</p>
                    <p n="720">mise-après une brève,</p>
                    <p n="721">est appelée iambe,</p>
                    <p n="722">pied rapide :</p>
                    <p n="723">d’où même et à cause de sa rapidité même)</p>
                    <p n="724">l’<hi rend="i">iambe</hi> a fait que le nom de trimètres</p>
                    <p n="725">s’ajoutât aux <hi rend="i">vers</hi> iambiques,</p>
                    <p n="726"><hi rend="i">dans ces vers trimètres,</hi></p>
                    <p n="727">l’<hi rend="i">iambe</hi> rendìt (fìt entendre)</p>
                    <p n="728">six coups (fût répété six fois),</p>
                    <p n="729"><hi rend="i">étant</hi> semblable à lui-même</p>
                    <p n="730">(toujours composé d’iambes)</p>
                    <p n="731"><hi rend="i">depuis</hi> le premier <hi rend="i">pied</hi> jusqu’au
                        dernier.</p>
                    <p n="732"><hi rend="i">Il n’y a</hi> pas très-longtemps,</p>
                    <p n="733"><hi rend="i">le vers iambique</hi></p>
                    <p n="734">arrivât aux oreilles</p>
                    <p n="735">un peu plus lent et plus grave,</p>
                    <p n="736">il a reçu dans <hi rend="i">ses</hi> droits paternels</p>
                    <p n="737">les spondées lourds,</p>
                    <p n="738">complaisant et patient ;</p>
                    <p n="739"><hi rend="i">mais</hi> pas au point de se retirer,</p>
                    <p n="740">en-ami-<hi rend="i">trop</hi>-commode,</p>
                    <pb n="35" xml:id="p35-fre"/><p n="741">de la
                        seconde place, ni de la quatrième.</p>
                    <p n="742">Ce <hi rend="i">vers iambique</hi></p>
                    <p n="743">se montre rare (rarement)</p>
                    <p n="744">dans les trimètres <hi rend="i">si</hi> vantés</p>
                    <p n="745">et d’Accius, et d’Ennius.</p>
                    <p n="746">Un vers jeté sur la scène</p>
                    <p n="747">avec une pesanteur <hi rend="i">trop</hi> grande,</p>
                    <p n="748"><hi rend="i">l’auteur</hi></p>
                    <p n="749">de l’accusation honteuse</p>
                    <p n="750">soit d’un travail trop rapide</p>
                    <p n="751">et qui manque de soin,</p>
                    <p n="752">soit d’ignorance de l’art.</p>
                    <p n="753">N’importe-quel juge (le premier-venu)</p>
                    <p n="754">ne voit pas (ne sent pas)</p>
                    <p n="755">les poëmes mal-cadencés ;</p>
                    <p n="756">et une indulgence non-méritée</p>
                    <p n="757">a été accordée à des poëtes Romains.</p>
                    <p n="758">Est-ce que, pour-cette-raison,</p>
                    <p n="759">je m’écarterai <hi rend="i">des règles,</hi></p>
                    <p n="760">et est-ce que j’écrirai</p>
                    <p n="761">avec <hi rend="i">trop-de</hi>-liberté ?</p>
                    <p n="762">ou penserai-je que tout-le-monde</p>
                    <p n="763">verra mes fautes,</p>
                    <p n="764">tranquille <hi rend="i">cependant</hi> et rassuré</p>
                    <p n="765">dans l’espoir <hi rend="i">que j’ai</hi> du pardon ?</p>
                    <p n="766"><hi rend="i">De cette manière,</hi> en-définitive,</p>
                    <p n="767">j’ai (j’aurai) évité les fautes,</p>
                    <p n="768"><hi rend="i">mais</hi> je n’aurai pas mérité de louange.</p>
                    <p n="769">Vous, feuilletez (étudiez)</p>
                    <p n="770">avec une main travaillant-la-nuit,</p>
                    <p n="771">les modèles grecs,</p>
                    <p n="772">versate feuilletez-<hi rend="i">les</hi> (étudiez-les)</p>
                    <p n="773"><hi rend="i">avec une main</hi> travaillant-le-jour.</p>
                    <p n="774">Mais nos ancêtres</p>
                    <p n="775">ont loué et les vers</p>
                    <p n="776">et les bons-mots de-Plaute,</p>
                    <p n="777">l’une et l’autre <hi rend="i">chose</hi></p>
                    <p n="778">trop complaisamment,</p>
                    <p n="779">pour ne pas dire sottement :</p>
                    <p n="780">pour-peu que vous et moi</p>
                    <p n="781">nous sachions distinguer</p>
                    <p n="782">un <hi rend="i">mot</hi> grossier d’un mot plaisant,</p>
                    <p n="783"><hi rend="i">que</hi> nous sachions <hi rend="i">juger</hi></p>
                    <p n="784">par les doigts et par l’oreille</p>
                    <p n="785">un son légitime (juste).</p>
                    <p n="786">Thespis est dit avoir inventé</p>
                    <p n="787">le genre <hi rend="i">auparavant</hi> inconnu</p>
                    <pb n="37" xml:id="p37-fre"/><p n="788">de la Muse tragique (de
                        la tragédie),</p>
                    <p n="789">et avoir porté sur des chariots</p>
                    <p n="790">des <hi rend="i">acteurs</hi> qui,</p>
                    <p n="791">barbouillés de lie <hi rend="i">quant</hi> à <hi rend="i">leurs</hi>
                        visages,</p>
                    <p n="792">chantaient <hi rend="i">ses</hi> poëmes</p>
                    <p n="793">et <hi rend="i">les</hi> représentaient.</p>
                    <p n="794">Après lui, Eschyle,</p>
                    <p n="795">l’inventeur du masque</p>
                    <p n="796">et de la robe magnifique,</p>
                    <p n="797">non-seulement disposa la scène</p>
                    <p n="798">sur des tréteaux modestes,</p>
                    <p n="799">mais-encore enseigna</p>
                    <p n="800">et à parler noblement,</p>
                    <p n="801">et à marcher <hi rend="i">chaussé</hi> du cothurne.</p>
                    <p n="802">A ces <hi rend="i">deux poëtes</hi></p>
                    <p n="803">succéda la Comédie Antique,</p>
                    <p n="804">non sans une grande gloire ;</p>
                    <p n="805">mais la liberté tomba</p>
                    <p n="806">dans le vice (dans l’abus),</p>
                    <p n="807">et <hi rend="i">dans</hi> une violence</p>
                    <p n="808">qui-mérita d’être modérée par une loi :</p>
                    <p n="809">la loi fut reçue,</p>
                    <p n="810">et le Chœur se tut honteusement,</p>
                    <p n="811">le droit de nuire <hi rend="i">lui</hi> étant enlevé.</p>
                    <p n="812">Nos poëtes n’ont laissé aucun-sujet</p>
                    <p n="813">sans-<hi rend="i">le</hi>-tenter (sans s’y essayer) ;</p>
                    <p n="814">et ils n’ont pas mérité</p>
                    <p n="815"><hi rend="i">leur</hi> moindre gloire (ou : peu de gloire),</p>
                    <p n="816">en-osant abandonner</p>
                    <p n="817">les vestiges des-Grecs,</p>
                    <p n="818">et <hi rend="i">en-osant</hi> célébrer</p>
                    <p n="819">des sujets nationaux,</p>
                    <p n="820">soit ceux qui donnèrent-<hi rend="i">les-premiers</hi></p>
                    <p n="821">des-pièces-jouées-avec-la-prétexte,</p>
                    <p n="822">soit ceux qui <hi rend="i">donnèrent-les-premiers</hi></p>
                    <p n="823">des-pièces-jouées-avec-la-toge.</p>
                    <p n="824">Et le Latium ne serait pas</p>
                    <p n="825">plus puissant par <hi rend="i">sa</hi> valeur</p>
                    <p n="826">ni par <hi rend="i">ses</hi> armes glorieuses</p>
                    <p n="827">que par <hi rend="i">sa</hi> littérature,</p>
                    <p n="828">si le travail de la lime</p>
                    <p n="829">et le temps <hi rend="i">qu’il faut mettre à corriger</hi></p>
                    <p n="830">ne rebutaient pas</p>
                    <p n="831">un-chacun de <hi rend="i">nos</hi> poëtes.</p>
                    <p n="832">O vous,</p>
                    <p n="833"><hi rend="i">qui étes le</hi> sang de <hi rend="i"
                        >Numa</hi>-Pompilius,</p>
                    <p n="834">censurez des vers</p>
                    <pb n="39" xml:id="p39-fre"/><p n="835">que beaucoup de
                        jours</p>
                    <p n="836">et beaucoup de ratures</p>
                    <p n="837">n’ont pas corrigés</p>
                    <p n="838">et n’ont pas châtiés</p>
                    <p n="839">à l’ongle (parfaitement),</p>
                    <p n="840">après qu’ils ont été rognés dix fois.</p>
                    <p n="841">Parce que Démocrite</p>
                    <p n="842">croit (prétend) <hi rend="i">que</hi> le génie</p>
                    <p n="843"><hi rend="i">est</hi> plus heureux (plus fécond)</p>
                    <p n="844">que l’art misérable,</p>
                    <p n="845">et <hi rend="i">parce qu’</hi> il exclut de l’Hélicon</p>
                    <p n="846">les poëtes sains-d’esprit,</p>
                    <p n="847">une bonne partie <hi rend="i">de nos poëtes</hi> a-bien-soin</p>
                    <p n="848">de ne pas quitter (couper) <hi rend="i">ses</hi> ongles,</p>
                    <p n="849">de ne pas <hi rend="i">quitter (couper) sa</hi> barbe ;</p>
                    <p n="850">ils recherchent les endroits écartés ;</p>
                    <p n="851">ils évitent les bains.</p>
                    <p n="852"><hi rend="i">Tel</hi> en effet trouvera</p>
                    <p n="853">la gloire et le nom de poëte,</p>
                    <p n="854">s’il ne confie jamais</p>
                    <p n="855">au barbier Licinus</p>
                    <p n="856"><hi rend="i">sa</hi> tête qui-ne-pourrait-être-guérie</p>
                    <p n="857">par <hi rend="i">l’ellébore</hi> de trois Anticyres.</p>
                    <p n="858">O que <hi rend="i">je suis</hi> maladroit,</p>
                    <p n="859"><hi rend="i">moi</hi> qui me purge de <hi rend="i">ma</hi> bile</p>
                    <p n="860">vers l’époque du temps printanier !</p>
                    <p n="861">Pas un autre ne ferait</p>
                    <p n="862">des poëmes (des vers) meilleurs.</p>
                    <p n="863">Mais <hi rend="i">le nom de poete</hi></p>
                    <p n="864">n’est pas d’un si-grand-prix <hi rend="i">pour moi.</hi></p>
                    <p n="865">Je m’acquitterai donc</p>
                    <p n="866">du rôle d’un queux (pierre à aiguiser),</p>
                    <p n="867">qui a le-pouvoir</p>
                    <p n="868">de rendre le fer coupant,</p>
                    <p n="869"><hi rend="i">quoique</hi> privé lui-même</p>
                    <p n="870"><hi rend="i">du pouvoir</hi> de couper :</p>
                    <p n="871">moi-aussi, <hi rend="i">quoique</hi> n’écrivant rien,</p>
                    <p n="872">j’enseignerai l’art <hi rend="i">d’écrire</hi></p>
                    <p n="873">et le devoir <hi rend="i">d’un écrivain :</hi></p>
                    <p n="874"><hi rend="i">j’enseignerai</hi> à quelles-sources</p>
                    <p n="875">les richesses <hi rend="i">poétiques</hi> se puisent ;</p>
                    <p n="876">ce qui nourrit</p>
                    <p n="877">et forme le poëte ;</p>
                    <p n="878">ce qui convient, <hi rend="i">et</hi> ce qui ne <hi rend="i"
                            >convient</hi> pas ;</p>
                    <p n="879">où l’art conduit, <hi rend="i">et</hi> où l’erreur <hi rend="i"
                            >conduit.</hi></p>
                    <p n="880">Avoir-de-la-raison,</p>
                    <p n="881">est et le principe</p>
                    <pb n="41" xml:id="p41-fre"/><p n="882">et la source du
                        bien écrire.</p>
                    <p n="883">Les papiers (les livres) Socratiques</p>
                    <p n="884">pourront montrer à toi</p>
                    <p n="885">la chose (les idées) ;</p>
                    <p n="886">et les mots suivront (exprimeront)</p>
                    <p n="887">non malgré-eux (sans effort)</p>
                    <p n="888">la chose (l’idée) acquise-d’avance.</p>
                    <p n="889">Celui qui a appris (qui sait)</p>
                    <p n="890">ce qu’il doit à <hi rend="i">sa</hi> patrie,</p>
                    <p n="891">et ce qu’<hi rend="i">il doit</hi> à <hi rend="i">ses</hi> amis ;</p>
                    <p n="892"><hi rend="i">celui qui sait</hi> de quel amour</p>
                    <p n="893">un père doit être aimé,</p>
                    <p n="894">de quel <hi rend="i">amour</hi> un frère</p>
                    <p n="895">et un hôte <hi rend="i">doivent être aimés ;</hi></p>
                    <p n="896"><hi rend="i">celui qui sait</hi> quel est le devoir</p>
                    <p n="897">d’un <hi rend="i">père</hi>-conscrit (d’un sénateur),</p>
                    <p n="898">quel <hi rend="i">est le devoir</hi> d’un juge ;</p>
                    <p n="899">quelles <hi rend="i">sont</hi> les fonctions</p>
                    <p n="900">d’un général envoyé à la guerre :</p>
                    <p n="901">celui-là, sans-aucun-doute,</p>
                    <p n="902">sait rendre (saura prêter)</p>
                    <p n="903">à chacun <hi rend="i">de ses</hi> personnages</p>
                    <p n="904">les choses (les idées) convenables.</p>
                    <p n="905">J’ordonnerai (je conseillerai)</p>
                    <p n="906">au peintre-de-caractères habile</p>
                    <p n="907">d’observer-avec-soin</p>
                    <p n="908">le tableau de la vie et des mœurs,</p>
                    <p n="909">et de tirer de-là</p>
                    <p n="910">des expressions (des images) vives.</p>
                    <p n="911">Quelquefois, une pièce,</p>
                    <p n="912">remarquable par les idées</p>
                    <p n="913">et bien rendue-quant-aux-mœurs,</p>
                    <p n="914"><hi rend="i">mais</hi> n’ayant aucune grâce,</p>
                    <p n="915"><hi rend="i">et écrite</hi> sans poids (sans dignité)</p>
                    <p n="916">et <hi rend="i">sans</hi> art,</p>
                    <p n="917">charme plus le peuple</p>
                    <p n="918">et <hi rend="i">l’</hi>attache mieux,</p>
                    <p n="919"><hi rend="i">ne feraient</hi> des vers</p>
                    <p n="920">pauvres de choses (sans idées),</p>
                    <p n="921">et des riens sonores.</p>
                    <p n="922">La Muse a donné aux Grecs</p>
                    <p n="923">le génie ;</p>
                    <p n="924">elle a donné <hi rend="i">le talent</hi> de parler</p>
                    <p n="925">d’une bouche arrondie (harmonieuse),</p>
                    <p n="926">aux Grecs avides d’aucune <hi rend="i">chose</hi></p>
                    <p n="927">excepté de gloire.</p>
                    <p n="928"><hi rend="i">Mais</hi> les enfants Romains</p>
                    <pb n="43" xml:id="p43-fre"/><p n="929">apprennent par
                        de longs calculs</p>
                    <p n="930">à diviser une livre</p>
                    <p n="931">en cent parties.</p>
                    <p n="932">Que le fils d’Albinus <hi rend="i">me</hi> dise :</p>
                    <p n="933">est « Si une once a été retirée</p>
                    <p n="934">de cinq-onces,</p>
                    <p n="935">que reste-t-il ?</p>
                    <p n="936">pouvais-tu (pourrais-tu)</p>
                    <p n="937">avoir dit (dire) <hi rend="i">cela</hi> ? —</p>
                    <p n="938">Le tiers <hi rend="i">d’une livre</hi> (quatre onces). —</p>
                    <p n="939">Bien ! tu pourras</p>
                    <p n="940">conserver ta fortune.</p>
                    <p n="941"><hi rend="i">Et si</hi> une once est-ajoutée :</p>
                    <p n="942">qu’est-ce que <hi rend="i">cela</hi> devient ? —</p>
                    <p n="943">Une-demi-livre. » —</p>
                    <p n="944">Eh bien, quand une-fois</p>
                    <p n="945">une-telle rouille (avarice)</p>
                    <p n="946">et <hi rend="i">un tel</hi> souci de l’argent</p>
                    <p n="947">auront pénétré les esprits,</p>
                    <p n="948">espérons-nous que des vers,</p>
                    <p n="949">dignes-d’être-frottés</p>
                    <p n="950">avec-de-l’huile-de-cèdre</p>
                    <p n="951">et dignes-d’être-conservés</p>
                    <p n="952">dans le cyprès poli,</p>
                    <p n="953">pourront-être composés ?</p>
                    <p n="954">Les poëtes veulent</p>
                    <p n="955">ou être-utiles, ou charmer ;</p>
                    <p n="956">ou <hi rend="i">ils veulent</hi> dire tout-à-la-fois</p>
                    <p n="957"><hi rend="i">des choses</hi> et agréables</p>
                    <p n="958">et utiles à la vie.</p>
                    <p n="959">Quelque-chose-que tu recommandes,</p>
                    <p n="960">sois court (concis),</p>
                    <p n="961">afin que les esprit dociles</p>
                    <p n="962">perçoivent tout-de-suite <hi rend="i">tes</hi> paroles,</p>
                    <p n="963">et qu’ils <hi rend="i">les</hi> gardent fidèles (fidèlement) :</p>
                    <p n="964">toute <hi rend="i">chose</hi> superflue</p>
                    <p n="965">coule (déborde) du cœur <hi rend="i">trop</hi> rempli.</p>
                    <p n="966">Que <hi rend="i">les choses</hi> inventées pour le plaisir</p>
                    <p n="967">soient très-ressemblantes</p>
                    <p n="968">aux <hi rend="i">choses</hi> vraies ;</p>
                    <p n="969">et qu’une pièce ne prétende pas</p>
                    <p n="970">pour-elle-même</p>
                    <p n="971">que tout ce qu’elle voudra</p>
                    <p n="972">soit cru <hi rend="i">du spectateur</hi> ;</p>
                    <p n="973">et qu’elle ne tire pas,</p>
                    <p n="974">un enfant tout vivant</p>
                    <p n="975">du ventre d’une Lamie repue.</p>
                    <pb n="45" xml:id="p45-fre"/><p n="976">Les centuries des <hi
                            rend="i">Romains</hi> plus âgés</p>
                    <p n="977">poursuivent <hi rend="i">de leur improbation</hi></p>
                    <p n="978">les <hi rend="i">poemes qui sont</hi> dépourvus</p>
                    <p n="979">d’utilité (de leçons sérieuses) ;</p>
                    <p n="980">les Rhamniens (les Chevaliers)</p>
                    <p n="981">altiers (dédaigneux)</p>
                    <p n="982">laissent-de-côté (méprisent)</p>
                    <p n="983">les poëmes austères (trop sérieux).</p>
                    <p n="984"><hi rend="i">Celui-là</hi> a remporté (mérité)</p>
                    <p n="985">tous les points (tous les suffrages),</p>
                    <p n="986">qui a mêlé l’utile à l’agréable,</p>
                    <p n="987">en charmant le lecteur</p>
                    <p n="988">et en <hi rend="i">l’</hi>instruisant tout-à-la-fois.</p>
                    <p n="989">Un tel livre</p>
                    <p n="990">vaut (rapporte) <hi rend="i">beaucoup</hi> d’argent</p>
                    <p n="991">aux Sosies (au libraire),</p>
                    <p n="992">un-tel <hi rend="i">livre</hi> aussi passe la mer,</p>
                    <p n="993">et proroge (assure)</p>
                    <p n="994">une vie longue (l’immortalité)</p>
                    <p n="995">à <hi rend="i">son</hi> auteur célèbre.</p>
                    <p n="996">Il y a cependant des fautes</p>
                    <p n="997">auxquelles nous voudrions</p>
                    <p n="998">avoir pardonné (pardonner) :</p>
                    <p n="999">car ni la corde <hi rend="i">de la lyre</hi></p>
                    <p n="1000">ne rend <hi rend="i">toujours</hi> le son</p>
                    <p n="1001">et mens que la main et l’intention</p>
                    <p n="1002">veulent <hi rend="i">produire,</hi></p>
                    <p n="1003">et elle renvoie bien-souvent</p>
                    <p n="1004">un <hi rend="i">son</hi> aigu</p>
                    <p n="1005">à celui-qui-désire un <hi rend="i">son</hi> grave ;</p>
                    <p n="1006">ni l’arc (ni la flèche) <hi rend="i">non plus</hi></p>
                    <p n="1007">ne frappera pas toujours</p>
                    <p n="1008">tous <hi rend="i">les buts</hi> qu’il menacera (visera).</p>
                    <p n="1009">Mais, du-moment-que</p>
                    <p n="1010">le plus-grand-nombre <hi rend="i">des choses</hi></p>
                    <p n="1011">brillent dans un poëme,</p>
                    <p n="1012">je ne serai pas choqué</p>
                    <p n="1013">de taches peu-nombreuses,</p>
                    <p n="1014">que ou la négligence a répandues</p>
                    <p n="1015">ou <hi rend="i">dont</hi> la nature (la faiblesse) humaine</p>
                    <p n="1016">s’est peu garantie.</p>
                    <p n="1017">Qu’y a-t-il donc (mais quoi) ?</p>
                    <p n="1018">De-même-qu’un écrivain copiste-de-livres,</p>
                    <p n="1019">s’il pèche toujours de la même <hi rend="i">manière,</hi></p>
                    <p n="1020">quoiqu’il ait été averti,</p>
                    <p n="1021">n’obtient-pas de pardon ;</p>
                    <p n="1022">de-même qu’un joueur-de-luth,</p>
                    <pb n="47" xml:id="p47-fre"/><p n="1023">qui se trompe
                        toujours</p>
                    <p n="1024">sur la même corde,</p>
                    <p n="1025">excite-les-risées :</p>
                    <p n="1026">de même,</p>
                    <p n="1027"><hi rend="i">le poëte</hi> qui bronche beaucoup (souvent),</p>
                    <p n="1028">devient pour moi ce Chérile,</p>
                    <p n="1029">que je m’étonne en souriant</p>
                    <p n="1030"><hi rend="i">de trouver</hi> bon deux-fois ou trois-fois ;</p>
                    <p n="1031">et idem et <hi rend="i">moi,</hi> le même (et pourtant),</p>
                    <p n="1032">je m’indigne (je suis vexé)</p>
                    <p n="1033">chaque-fois-que</p>
                    <p n="1034">le divin Homère sommeille ;</p>
                    <p n="1035">cependant il est permis</p>
                    <p n="1036">que le sommeil se glisse</p>
                    <p n="1037">dans un poëme de-longue-haleine.</p>
                    <p n="1038">La poésie <hi rend="i">est</hi> comme la peinture :</p>
                    <p n="1039">il y aura <hi rend="i">tel morceau</hi></p>
                    <p n="1040">qui charmera toi davantage,</p>
                    <p n="1041">si tu te tiens plus près <hi rend="i">de lui</hi> ;</p>
                    <p n="1042">et tel <hi rend="i">autre te charmera plus</hi> ;</p>
                    <p n="1043">si tu t’<hi rend="i">en</hi> éloignes davantage ;</p>
                    <p n="1044">celui-ci aime l’obscurité,</p>
                    <p n="1045">cet <hi rend="i">autre,</hi> qui ne redoute pas</p>
                    <p n="1046">la perspicacité sévère</p>
                    <p n="1047">du juge (de la critique),</p>
                    <p n="1048">voudra être vu</p>
                    <p n="1049">sous la lumière (au grand jour) ;</p>
                    <p n="1050">celui-ci a plus une-fois,</p>
                    <p n="1051">celui-là, redemandé (revu) dix-fois,</p>
                    <p n="1052">plaira <hi rend="i">toujours.</hi></p>
                    <p n="1053">O <hi rend="i">toi,</hi> l’ainé des <hi rend="i">deux</hi> jeunes
                            <hi rend="i">Pisons,</hi></p>
                    <p n="1054">quoique non-seulement</p>
                    <p n="1055">tu sois formé au bien</p>
                    <p n="1056">par la voix de-<hi rend="i">ton</hi>-père,</p>
                    <p n="1057">mais encore que tu aies-du-goût</p>
                    <p n="1058">par toi-<hi rend="i">même</hi> (naturellement),</p>
                    <p n="1059">mets-dans-<hi rend="i">ta</hi>-mémoire</p>
                    <p n="1060">cette <hi rend="i">parole</hi> dite à toi, <hi rend="i"
                        >savoir</hi> :</p>
                    <p n="1061">que le médiocre et le passable</p>
                    <p n="1062">en certaines choses,</p>
                    <p n="1063">sont permis (tolérés) avec-justice.</p>
                    <p n="1064">Un jurisconsulte médiocre,</p>
                    <p n="1065">et un avocat <hi rend="i">médiocre,</hi></p>
                    <p n="1066">est-loin du mérite</p>
                    <p n="1067">de l’éloquent Messala,</p>
                    <p n="1068">et il ne sait pas autant <hi rend="i">de droit</hi></p>
                    <p n="1069">que Cascellius Aulus ;</p>
                    <pb n="49" xml:id="p49-fre"/><p n="1070">sed tamen est in pretio. et pourtant il
                        est en <hi rend="i">quelque</hi> estime.</p>
                    <p n="1071"><hi rend="i">Mais</hi> ni les hommes, ni les Dieux,</p>
                    <p n="1072">ni les colonnes <hi rend="i">des portiques</hi></p>
                    <p n="1073">
                        <hi rend="i">où s’exposaient les livres en vente,</hi></p>
                    <p n="1074">n’ont permis aux poëtes</p>
                    <p n="1075">d’être médiocres.</p>
                    <p n="1076">De même-que,</p>
                    <p n="1077">au milieu d’un festin agréable,</p>
                    <p n="1078">une symphonie discordante,</p>
                    <p n="1079">et un parfum rance,</p>
                    <p n="1080">et le pavot</p>
                    <p n="1081"><hi rend="i">servi</hi> avec du miel de-Sardaigne,</p>
                    <p n="1082">blessent <hi rend="i">les convives,</hi></p>
                    <p n="1083">parce que le repas pouvait être terminé</p>
                    <p n="1084">sans ces <hi rend="i">hors-d’œuvre :</hi></p>
                    <p n="1085">ainsi, la poésie,</p>
                    <p n="1086">née et inventée</p>
                    <p n="1087">pour charmer les esprits,</p>
                    <p n="1088">si peu qu’elle ait dévié</p>
                    <p n="1089">du premier <hi rend="i">rang,</hi></p>
                    <p n="1090">elle tombe au dernier.</p>
                    <p n="1091">Celui qui-ne-sait-pas jouer (s’escrimer),</p>
                    <p n="1092">s’abstient <hi rend="i">de manier</hi></p>
                    <p n="1093">les armes du-Champ-de-Mars,</p>
                    <p n="1094">et celui-qui-n’entend-rien à la paume,</p>
                    <p n="1095">ou au disque, ou au cerceau,</p>
                    <p n="1096">se-tient-en-repos,</p>
                    <p n="1097">de peur que les cercles <hi rend="i">de spectateurs</hi></p>
                    <p n="1098">épais</p>
                    <p n="1099">ne poussent un éclat-de-rire</p>
                    <p n="1100">impunément (à ses dépens) ;</p>
                    <p n="1101"><hi rend="i">et</hi> celui qui ne sait pas <hi rend="i">faire des
                            vers,</hi></p>
                    <p n="1102">ose cependant</p>
                    <p n="1103">faire (composer) des vers ! —</p>
                    <p n="1104">« Pourquoi <hi rend="i">donc</hi> pas ?</p>
                    <p n="1105"><hi rend="i">je suis</hi> libre (<hi rend="i">dira-t-il</hi>),</p>
                    <p n="1106">et né-de-parents-libres,</p>
                    <p n="1107">surtout <hi rend="i">je suis</hi> porté-au-livre-du-cens,</p>
                    <p n="1108">pour la somme de sesterces</p>
                    <p n="1109">exigée-des-chevaliers,</p>
                    <p n="1110">et <hi rend="i">je suis</hi> éloigné (exempt)</p>
                    <p n="1111">de tout vice (de toute infamie). » —</p>
                    <p n="1112"><hi rend="i">Mais</hi> toi, tu ne diras ou ne feras rien</p>
                    <p n="1113">en-dépit-de Minerve ;</p>
                    <p n="1114">un jugement tel, un esprit tel,</p>
                    <p n="1115">sont à toi.</p>
                    <p n="1116">Si cependant tu écrivais</p>
                    <pb n="51" xml:id="p51-fre"/><p n="1117">quid olim, quelque-chose un-jour,</p>
                    <p n="1118">que <hi rend="i">ton ouvrage</hi> descende (pénètre)</p>
                    <p n="1119">dans les oreilles du juge Métius,</p>
                    <p n="1120">et <hi rend="i">dans celles</hi> de <hi rend="i">ton</hi> père,</p>
                    <p n="1121">et <hi rend="i">dans</hi> les nôtres (dans les miennes),</p>
                    <p n="1122">et qu’il soit mis-de-côté</p>
                    <p n="1123">jusqu’à la neuvième année.</p>
                    <p n="1124">Les parchemins étant placés</p>
                    <p n="1125">dans <hi rend="i">ton portefeuille,</hi></p>
                    <p n="1126">il <hi rend="i">te</hi> sera permis d’effacer</p>
                    <p n="1127">ce que tu n’auras-pas-fait-paraître :</p>
                    <p n="1128"><hi rend="i">mais</hi> le mot publié</p>
                    <p n="1129">ne sait (ne peut) <hi rend="i">plus</hi> revenir.</p>
                    <p n="1130"><hi rend="i">poëte</hi> sacré</p>
                    <p n="1131">et interprète des Dieux,</p>
                    <p n="1132">détourna des meurtres</p>
                    <p n="1133">et d’une nourriture affreuse</p>
                    <p n="1134">les hommes qui-vivaient-dans-les-bois :</p>
                    <p n="1135"><hi rend="i">il est</hi> dit, à cause de cela,</p>
                    <p n="1136"><hi rend="i">avoir</hi> amolli les tigres</p>
                    <p n="1137">et les lions cruels ;</p>
                    <p n="1138">et Amphion,</p>
                    <p n="1139">le fondateur de la citadelle de-Thèbes,</p>
                    <p n="1140"><hi rend="i">est</hi> dit <hi rend="i">avoir fait</hi>-mouvoir les
                        rochers,</p>
                    <p n="1141">par le son de <hi rend="i">sa</hi> lyre,</p>
                    <p n="1142">et <hi rend="i">les avoir</hi> conduits où il voulait</p>
                    <p n="1143">par <hi rend="i">ses</hi> prières mélodieuses.</p>
                    <p n="1144">La sagesse autrefois</p>
                    <p n="1145">fut telle (consista en ceci) :</p>
                    <p n="1146">distinguer les <hi rend="i">intérêts</hi> généraux</p>
                    <p n="1147">des <hi rend="i">intérêts</hi> particuliers,</p>
                    <p n="1148">les <hi rend="i">choses</hi> sacrées des <hi rend="i">choses</hi>
                        profanes ;</p>
                    <p n="1149">détourner <hi rend="i">les hommes</hi></p>
                    <p n="1150">de <hi rend="i">leurs</hi> unions vagabondes ;</p>
                    <p n="1151">tracer des droits-et-des-devoirs</p>
                    <p n="1152">aux gens-mariés ;</p>
                    <p n="1153">construire des villes ;</p>
                    <p n="1154">graver des lois sur le bois.</p>
                    <p n="1155"><hi rend="i">C’est</hi> ainsi <hi rend="i">que</hi> l’honneur et la
                        gloire</p>
                    <p n="1156">vinrent aux poëtes inspirés-des-dieux</p>
                    <p n="1157">et à <hi rend="i">leurs</hi> vers.</p>
                    <p n="1158">Après ces <hi rend="i">premiers poëtes,</hi></p>
                    <p n="1159">Homère <hi rend="i">s’est</hi> signalé,</p>
                    <p n="1160">et Tyrtée anima par <hi rend="i">ses</hi> vers</p>
                    <p n="1161">les mâles courages</p>
                    <p n="1162">aux combats de-Mars.</p>
                    <p n="1163">Les oracles <hi rend="i">furent</hi> rendus en vers,</p>
                    <pb n="53" xml:id="p53-fre"/><p n="1164">et via vitæ et la route de la vie (la
                        morale)</p>
                    <p n="1165">fut enseignée <hi rend="i">en vers ;</hi></p>
                    <p n="1166">et la faveur des rois <hi rend="i">fut</hi> briguée</p>
                    <p n="1167">par les accords des-Piérides (des Muses) ;</p>
                    <p n="1168">et les jeux <hi rend="i">scéniques</hi></p>
                    <p n="1169"><hi rend="i">par eux,</hi> sa fin (le délassement)</p>
                    <p n="1170">des longs travaux</p>
                    <p n="1171"><hi rend="i">furent</hi> inventés :</p>
                    <p n="1172">que la Muse</p>
                    <p n="1173">habile-à-toucher la lyre,</p>
                    <p n="1174">et que le chantre Apollon</p>
                    <p n="1175">ne soient donc pas à honte à toi.</p>
                    <p n="1176">On a discuté</p>
                    <p n="1177"><hi rend="i">si</hi> un poëme louable (un bon poëme)</p>
                    <p n="1178">était fait par la nature, ou par l’art.</p>
                    <p n="1179"><hi rend="i">Pour</hi> moi, je <hi rend="i">ne</hi> vois</p>
                    <p n="1180">ni ce que l’étude (l’art) peut <hi rend="i">produire</hi></p>
                    <p n="1181">sans la veine riche (sans l’inspiration) ;</p>
                    <p n="1182"><hi rend="i">ce que peut produire</hi></p>
                    <p n="1183">le génie grossier (sans l’art) :</p>
                    <p n="1184">tellement l’une <hi rend="i">de ces deux</hi> choses</p>
                    <p n="1185">exige le secours de l’autre,</p>
                    <p n="1186">et conspire (concourt) <hi rend="i">avec elle</hi></p>
                    <p n="1187">d’une-manière-amie.</p>
                    <p n="1188">Celui qui désire atteindre</p>
                    <p n="1189">la borne désirée</p>
                    <p n="1190">au-combat-de-la-course,</p>
                    <p n="1191">a supporté et a fait beaucoup <hi rend="i">de choses</hi></p>
                    <p n="1192"><hi rend="i">quand il était</hi> jeune ;</p>
                    <p n="1193">il a sué et il a-eu-froid ;</p>
                    <p n="1194">il s’est abstenu de l’amour et du vin.</p>
                    <p n="1195">Le joueur-de-flûte,</p>
                    <p n="1196">qui chante <hi rend="i">dans</hi>-les-jeux-Pythiens,</p>
                    <p n="1197">a pris-des-leçons auparavant,</p>
                    <p n="1198">et a redouté un maître.</p>
                    <p n="1199">Et il ne suffit pas, <hi rend="i">pour être poëte,</hi></p>
                    <p n="1200">d’avoir dit (de dire) :</p>
                    <p n="1201">« Moi, je compose des vers admirables :</p>
                    <p n="1202">que la gale s’empare</p>
                    <p n="1203">du dernier (malheur au dernier) !</p>
                    <p n="1204">c’est <hi rend="i">chose</hi> honteuse pour moi</p>
                    <p n="1205">d’être laissé-en-arrière,</p>
                    <p n="1206">et d’avouer raisonnablement</p>
                    <p n="1207">que-je-ne-sais-pas</p>
                    <p n="1208">ce-que je n’ai pas appris. »</p>
                    <p n="1209">Semblable au crieur-public,</p>
                    <p n="1210">qui rassemble la foule</p>
                    <pb n="55" xml:id="p55-fre"/><p n="1211">ad merces emendas : devant des
                        marchandises à acheter :</p>
                    <p n="1212">un poëte riche en terres,</p>
                    <p n="1213"><hi rend="i">et</hi> riche en écus</p>
                    <p n="1214">placés à <hi rend="i">bel</hi>-intérêt,</p>
                    <p n="1215">ordonne <hi rend="i">presque</hi> aux flatteurs</p>
                    <p n="1216">d’aller (de courir) au gain.</p>
                    <p n="1217">Mais si <hi rend="i">ce poëte</hi> est <hi rend="i">homme</hi> à
                        pouvoir</p>
                    <p n="1218">servir comme-il-faut</p>
                    <p n="1219">un <hi rend="i">festin</hi> somptueux,</p>
                    <p n="1220">et à donner-caution</p>
                    <p n="1221">pour le pauvre sans-crédit,</p>
                    <p n="1222">et à tirer-d’affaire</p>
                    <p n="1223">celui qui est engagé</p>
                    <p n="1224">dans des procès étroits (gênants) :</p>
                    <p n="1225">je serai-<hi rend="i">bien</hi>-surpris,</p>
                    <p n="1226">s’il <hi rend="i">est assez</hi> heureux <hi rend="i">pour</hi>
                        savoir</p>
                    <p n="1227">trouver-la-différence-entre</p>
                    <p n="1228">un ami menteur,</p>
                    <p n="1229">et un <hi rend="i">ami</hi> véritable.</p>
                    <p n="1230">Toi, soit que tu aies donné,</p>
                    <p n="1231">soit que tu veuilles donner</p>
                    <p n="1232">quelque-chose à quelqu’un,</p>
                    <p n="1233">garde-toi de <hi rend="i">le</hi> conduire</p>
                    <p n="1234">plein de joie</p>
                    <p n="1235">devant des vers faits par toi :</p>
                    <p n="1236">il s’écriera, en-effet :</p>
                    <p n="1237">« superbe ! bien ! parfait ! »</p>
                    <p n="1238">il pâlira sur ces <hi rend="i">vers ;</hi></p>
                    <p n="1239">même il distillera une rosée <hi rend="i">de larmes</hi></p>
                    <p n="1240">de <hi rend="i">ses</hi> yeux complaisants ;</p>
                    <p n="1241">il bondira, il frappera la terre du pied.</p>
                    <p n="1242">De-même-que,</p>
                    <p n="1243">ceux qui pleurent à un convoi-funèbre,</p>
                    <p n="1244">étant payés <hi rend="i">pour cela,</hi></p>
                    <p n="1245"><hi rend="i">en</hi> disent et <hi rend="i">en</hi> font plus,</p>
                    <p n="1246">prope, pour-ainsi-dire,</p>
                    <p n="1247">que-ceux-qui-sont-affligés</p>
                    <p n="1248">du fond de <hi rend="i">leur</hi> cœur :</p>
                    <p n="1249">de même, <hi rend="i">l’homme</hi> qui-se-moque</p>
                    <p n="1250">est plus démonstratif</p>
                    <p n="1251">qu’un approbateur sincère.</p>
                    <p n="1252">Les rois (les grands, les riches)</p>
                    <p n="1253">sont dits presser (éprouver)</p>
                    <p n="1254">par beaucoup de coupes-pleines,</p>
                    <p n="1255">et torturer par le vin</p>
                    <p n="1256">l’homme-qu’ils sont-en-peine</p>
                    <p n="1257">d’avoir examiné (de savoir)</p>
                    <pb n="57" xml:id="p57-fre"/><p n="1258">an sit dignus amicitia. s’il est digne
                        de <hi rend="i">leur</hi> amitié.</p>
                    <p n="1259">Si tu fais (quand tu feras) des vers,</p>
                    <p n="1260">les esprits (les flatteurs)</p>
                    <p n="1261">qui-se-cachent sous <hi rend="i">la peau du</hi> renard</p>
                    <p n="1262">ne trompent jamais toi.</p>
                    <p n="1263">Lorsque vous lisiez</p>
                    <p n="1264">quelque-chose à Quintilius,</p>
                    <p n="1265">il disait :</p>
                    <p n="1266">« Corrigez-<hi rend="i">moi</hi> ceci et cela,</p>
                    <p n="1267">« s’il-vous_plaît. »</p>
                    <p n="1268"><hi rend="i">Si</hi> vous disiez ne-pouvoir-pas <hi rend="i"
                            >faire</hi> mieux,</p>
                    <p n="1269"><hi rend="i">l’</hi>ayant essayé inutilement</p>
                    <p n="1270">deux-fois et trois-fois :</p>
                    <p n="1271">il ordonnait d’effacer,</p>
                    <p n="1272">et de rendre à l’enclume</p>
                    <p n="1273">les vers mal forgés.</p>
                    <p n="1274">Si vous aimiez-mieux</p>
                    <p n="1275">défendre une faute</p>
                    <p n="1276">que de <hi rend="i">la</hi> corriger,</p>
                    <p n="1277">il ne dépensait pas</p>
                    <p n="1278">une-seule parole en-plus,</p>
                    <p n="1279">et <hi rend="i">il ne prenait</hi> pas <hi rend="i">une</hi> peine
                        inutile,</p>
                    <p n="1280">pour que vous n’aimassiez pas</p>
                    <p n="1281">teque et tua, et vous-même et vos <hi rend="i">vers,</hi></p>
                    <p n="1282">seul <hi rend="i">et</hi> sans rival.</p>
                    <p n="1283">L’homme bon et instruit</p>
                    <p n="1284">reprendra les vers plats ;</p>
                    <p n="1285">il blâmera les <hi rend="i">vers</hi> durs ;</p>
                    <p n="1286">il tracera une marque noire</p>
                    <p n="1287">de son style (de sa plume) renversé</p>
                    <p n="1288">sur <hi rend="i">les vers</hi> sans-élégance ;</p>
                    <p n="1289">il retranchera</p>
                    <p n="1290">les ornements prétentieux ;</p>
                    <p n="1291">il forcera de donner de la clarté</p>
                    <p n="1292">aux <hi rend="i">vers</hi> peu clairs ;</p>
                    <p n="1293">il critiquera <hi rend="i">ce qui sera</hi> dit</p>
                    <p n="1294">d’une-manière-équivoque ;</p>
                    <p n="1295">il indiquera-par-une-marque</p>
                    <p n="1296">les <hi rend="i">passages</hi> à-changer :</p>
                    <p n="1297">il se fera Aristarque.</p>
                    <p n="1298"><hi rend="i">Et</hi> il ne dira point :</p>
                    <p n="1299">« Pourquoi, moi, offenserais-je</p>
                    <p n="1300">« un ami dans des bagatelles ? »</p>
                    <p n="1301"><hi rend="i">C’est que</hi> ces bagatelles</p>
                    <p n="1302">entraîneront dans des maux sérieux</p>
                    <p n="1303"><hi rend="i">l’homme</hi> raillé une-fois</p>
                    <p n="1304">et reçu d’une-manière-défavorable.</p>
                    <pb n="59" xml:id="p59-fre"/><p n="1305">Qui sapiunt, Ceux qui
                        ont-du-bon-sens,</p>
                    <p n="1306">craignent d’avoir touché (de toucher)</p>
                    <p n="1307">un poëte insensé (maniaque),</p>
                    <p n="1308">et ils <hi rend="i">le</hi> fuient</p>
                    <p n="1309">comme <hi rend="i">ils fuiraient</hi></p>
                    <p n="1310">celui que la gale mauvaise,</p>
                    <p n="1311">ou la maladie royale (la jaunisse),</p>
                    <p n="1312">ou un délire frénétique,</p>
                    <p n="1313">et (ou) Diane en-courroux</p>
                    <p n="1314">poursuit (possède) ;</p>
                    <p n="1315">les enfants</p>
                    <p n="1316">harcèlent <hi rend="i">ce poete insensé,</hi></p>
                    <p n="1317">et <hi rend="i">le</hi> poursuivent</p>
                    <p n="1318">étourdis (étourdiment).</p>
                    <p n="1319">Tandis que ce <hi rend="i">fou,</hi></p>
                    <p n="1320">la-tête-haute,</p>
                    <p n="1321">hurle <hi rend="i">ses</hi> vers et marche-au-hasard,</p>
                    <p n="1322">s’il tombe dans un puits</p>
                    <p n="1323">ou <hi rend="i">dans</hi> un fossé,</p>
                    <p n="1324">comme un oiseleur</p>
                    <p n="1325">guettant des merles,</p>
                    <p n="1326">il aurait-beau crier longtemps :</p>
                    <p n="1327">« Holà ! citoyens ! au secours ! »</p>
                    <p n="1328">qu’il n’y ait personne</p>
                    <p n="1329">qui songe à <hi rend="i">le</hi> retirer.</p>
                    <p n="1330">Si quelqu’un songeait</p>
                    <p n="1331">à <hi rend="i">lui</hi> porter secours</p>
                    <p n="1332">et à <hi rend="i">lui</hi> descendre une corde,</p>
                    <p n="1333">je dirais <hi rend="i">à cet homme :</hi></p>
                    <p n="1334">« Comment sais-tu</p>
                    <p n="1335">« s’il <hi rend="i">ne</hi> s’est <hi rend="i">pas</hi> jeté là-<hi
                            rend="i">dedans</hi></p>
                    <p n="1336">« avec-intention,</p>
                    <p n="1337">« et s’il ne-veut-pas <hi rend="i">ne pas</hi> être sauvé ? »</p>
                    <p n="1338">et <hi rend="i">puis</hi> je raconterai</p>
                    <p n="1339">la mort du poëte Sicilien.</p>
                    <p n="1340">Tandis qu’Empédocle désire</p>
                    <p n="1341">passer-pour un dieu immortel,</p>
                    <p n="1342">il s’élança (il s’élance)</p>
                    <p n="1343">froid (de sang-froid)</p>
                    <p n="1344"><hi rend="i">dans</hi> l’Etna embrasé.</p>
                    <p n="1345">Que le droit soit aux poëtes</p>
                    <p n="1346">et qu’il <hi rend="i">leur</hi> soit permis de mourir :</p>
                    <p n="1347">celui qui <hi rend="i">en</hi> sauve <hi rend="i">un</hi>
                        malgré-lui,</p>
                    <p n="1348">fait la même <hi rend="i">chose</hi></p>
                    <p n="1349">que celui qui <hi rend="i">le</hi> tue (qui le tuerait).</p>
                    <p n="1350">Et il n’a pas fait cela <hi rend="i">qu’</hi>une-fois ;</p>
                    <p n="1351">et, si, <hi rend="i">par hasard,</hi></p>
                    <pb n="61" xml:id="p61-fre"/><p n="1352">erit retractus, il est tiré <hi
                            rend="i">de ce danger,</hi></p>
                    <p n="1353">il ne deviendra pas pour-cela</p>
                    <p n="1354">un homme <hi rend="i">raisonnable,</hi></p>
                    <p n="1355">et il <hi rend="i">n’</hi>abdiquera <hi rend="i">point</hi></p>
                    <p n="1356">amorem mortis famosæ. l’amour <hi rend="i">qu’il</hi> a d’un trépas
                        fameux.</p>
                    <p n="1357">Et l’on ne voit pas assez (clairement)</p>
                    <p n="1358">pourquoi il fait-toujours des vers</p>
                    <p n="1359"><hi rend="i">est-ce parce qu’</hi> il a uriné</p>
                    <p n="1360">sur les cendres de-ses-pères,</p>
                    <p n="1361">ou <hi rend="i">parce que,</hi> sacrilége,</p>
                    <p n="1362">il a remué (profané)</p>
                    <p n="1363">un lieu-funeste frappé-par-la-foudre :</p>
                    <p n="1364">quoi-qu’il-en-soit, il-est-fou</p>
                    <p n="1365">et semblable à un ours,</p>
                    <p n="1366">quand il est-venu-à-bout</p>
                    <p n="1367">de briser les barreaux opposés</p>
                    <p n="1368">de <hi rend="i">sa</hi> cage,</p>
                    <p n="1369">lecteur impitoyable,</p>
                    <p n="1370">il met-en-fuite</p>
                    <p n="1371">ignorants et savants.</p>
                    <p n="1372">Mais celui qu’il a attrapé,</p>
                    <p n="1373">il <hi rend="i">le</hi> tient-ferme,</p>
                    <p n="1374">et il <hi rend="i">l’</hi>assassine en <hi rend="i">lui</hi> lisant
                            <hi rend="i">ses vers :</hi></p>
                    <p n="1375"><hi rend="i">véritable</hi> sangsue</p>
                    <p n="1376">qui ne lâchera point la peau,</p>
                    <p n="1377">si-ce-n’est gorgée de sang.</p>
                </div2>
            </div1>
            <div1>
                <head><hi rend="uc">Notes</hi>.</head>
                <p><pb n="n.p."/><ref target="#p2-lat">Page 2</ref>. — <ref target="#p2-lat_1" xml:id="p2-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Ars poetica.</hi> Ce sont les premiers
                    éditeurs qui ont imaginé cette dénomination assez pompeuse d’<hi rend="i">Art
                        poétique,</hi> et l’usage a prévalu. Horace n’avait donné à son œuvre que ce
                    titre bien plus modeste et plus vrai : <hi rend="i">Epistola ad Pisones.</hi> En
                    effet, le poëte s’exprime souvent avec une familiarité et un abandon que la
                    gravité du poëme didactique lui aurait interdits.</p>
                <p>L’<hi rend="i">Épitre aux Pisons</hi> fut composée vers l’an 745 de Rome : Horace
                    avait alors cinquante-six ans ; mais il est à peu près certain qu’elle ne fut
                    publiée qu’après la mort du poëte, survenue en 746.</p>
                <p>— <ref target="#p2-lat_2" xml:id="p2-lat_2_note">2</ref>. Lucius Pison, vainqueur des Thraces, pacificateur de la Macédoine, puis
                    préfet de Rome, <hi rend="i">diligentissimus atque idem lenissimus securitatis
                        urbanœ custos,</hi> au dire de Velléius Paterculus, était l’ami intime
                    d’Horace. Il avait deux fils qui partageaient son goût prononcé pour les
                    belles-lettres, et qui, comme lui, faisaient des vers. On croit même que l’aîné
                    avait composé une tragédie. — C’est à ces trois personnages qu’est adressée
                    cette épître.</p>
                <p>Il faut dire, au reste, que cette vigilance, si vantée par Velléius, s’accorde
                    mal avec certain témoignage assez bizarre que Sénèque a rendu de ce même Lucius
                    Pison, en disant « qu’il ne s’enivra qu’une fois dans sa vie, parce que sa vie
                    ne fut qu’une longue ivresse, <hi rend="i">Ebrius, ex quo semel factus est,
                        fuit.</hi> »</p>
                <p>— <ref target="#p2-lat_3" xml:id="p2-lat_3_note">3</ref>. <hi rend="i">Mulier formosa superne. Superne</hi> ne veut pas dire
                    exactement <hi rend="i">le buste,</hi> mais seulement <hi rend="i">la tête.</hi>
                    En adoptant la première de ces deux expressions, nous avons voulu éviter
                    l’interminable périphrase qu’il eût fallu employer pour nous rendre
                    intelligible.</p>
                <p>— <ref target="#p2-lat_4" xml:id="p-lat_4_note">4</ref>. <hi rend="i">Species, — imagines,</hi> en grec εἴδη, idées.</p>
                <p><ref target="#p4-lat">Page 4</ref>. — <ref target="#p4-lat_1" xml:id="p4-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Qui pingitur.</hi> C’était un usage chez les anciens.
                    Les malheureux qui avaient fait naufrage, sollicitaient la pitié des passants en
                    portant, suspendu sur la poitrine, un tableau qui représentait leur infortune.
                    On se rappelle ce vers de Perse :</p>
                <quote><l>Quum fracta te in trabe pictum</l>
                    <l>Ex humero portes….</l>
                    <bibl>(Sat. I, v. 86 et 87.)</bibl></quote>
                <p><ref target="#p6-lat">Page 6</ref>. — <ref target="#p6-lat_1" xml:id="p6-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Potenter, κατὰ δύναμιν.</hi></p>
                <p>— <ref target="#p6-lat_2" xml:id="p6-lat_2_note">2</ref>. <hi rend="i">Et prœsens in tempus omillat.</hi> Nous expliquons, dans la
                    note suivante, les raisons qui nous ont fait adopter ce changement. Mais, pour
                    ceux qui tiendraient absolument à la leçon vulgaire, nous rétablissons dans la
                    même note le texte de l’édition de Quicherat. On <pb n="63" xml:id="p63"/>lira
                    comme lui, si l’on n’est pas convaincu que la leçon de Bentley est
                    préférable.</p>
                <p>— <ref target="#p6-lat_3" xml:id="p6-lat_3_note">3</ref>. Au lieu de la leçon ordinaire, qui dit :</p>
                <quote><l>Hoc amet, hoc spernat promissi carminis auctor.</l>
                    <l>In verbis etiam tenuis cautusque serendis,</l>
                    <l>Dixeris egregie, notuni si callida verbum</l>
                    <l>Reddiderti junctura novum….,</l></quote>
                <p>adoptant la transposition à la fois si ingénieuse et si naturelle de Bentley,
                    nous disons avec lui :</p>
                <quote><l>In verbis etiam temus cautusque serendis,</l>
                    <l>Hoc amet, hoc spernat promissi carminis auctor….,</l></quote>
                <p>et le reste comme ci-dessus.</p>
                <p>Il nous semble en effet que, de cette manière, l’obscurité disparaît entièrement.
                    « Délicat et châtié dans l’emploi de ses mots (<hi rend="i">in verbis
                        serendis</hi>), l’auteur d’un poëme <hi rend="i">attendu du public</hi>
                    devra aimer telle expression, et dédaigner telle autre. » Quant au sens de <hi
                        rend="i">promissi carminis,</hi> que l’on a traduit quelquefois : <hi
                        rend="i">un poëme d’une certaine étendue, un poeme de longue haleine,</hi>
                    il semble évident que <hi rend="i">promissi</hi> signifie bien <hi rend="i">un
                        poeme attendu du public.</hi> Car enfin,</p>
                <quote><p>S’il est un heureux choix de mots harmonieux,</p></quote>
                <p>comme dit Boileau : <hi rend="i">ce choix</hi> est de rigueur partout, et quelle
                    que soit l’<hi rend="i">étandue</hi> du poëme. N’importe le genre où l’on
                    s’exerce, le goût, ce goût sévère, qui sait <hi rend="i">en prendre et en
                        laisser</hi> (<hi rend="i">hoc amet, hoc sernat</hi>), le goût est la
                    première loi de l’écrivain :</p>
                <quote><p>Le style le moins noble a pourtant sa noblesse.</p></quote>
                <p>On peut encore remarquer, avec Bentley, que, dans ces deux vers, tels que la
                    leçon ordinaire les voudrait, le rapprochement de <hi rend="i">verbis</hi>et de
                        <hi rend="i">verbum,</hi> à si peu de distance l’un de l’autre, ne serait
                    rien moins qu’élégant. <hi rend="i">Verbis et verbum,</hi> dit-il; <hi rend="i"
                        >tam propinqua repetitione meram scabiem et sordes prœ se ferunt.</hi></p>
                <p>Mais le vrai motif de notre préférence est celui que nous avons exposé en premier
                    lieu.</p>
                <p><ref target="#p8-lat">Page 8</ref>. — <ref target="#p8-lat_1" xml:id="p8-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Catonis.</hi> C’est de Caton l’Ancien qu’il est
                    question ici, celui-là même qui conduisit de Tarente à Rome le vieux poëte
                    Ennius. On a remarqué déjà, et c’est en effet une observation assez curieuse,
                    que les trois plus anciens poëtes latins, Livius Andronicus, Quintus Ennius, et
                    Pacuvius, son neveu, sont tous les trois originaires de la grande Grèce : le
                    premier était né à Tarente, le second à Rudies, près de Tarente, et le troisième
                    à Brindes.</p>
                <p><ref target="#p10-lat">Page 10</ref>. — <ref target="#p10-lat_1" xml:id="p10-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Debemur morti, nos nostraque.</hi> Considérés en
                    eux-mêmes, ces vers me paraissent fort beaux, mais il ne me semble pas retrouver
                    ici cette délicatesse de flatterie, si habituelle chez Horace ; et je ne sais
                    pas jusqu’à quel point Auguste aurait dû être charmé de <pb n="64" xml:id="p64"
                    />voir condamnés d’avance à une mort certaine ces travaux gigantesques, si
                    noblement célébrés par Virgile. Ce passage fournirait, s’il en était besoin, une
                    nouvelle preuve du caractère intime et presque confidentiel de l’<hi rend="i"
                        >Épitre aux Pisons.</hi></p>
                <p>— <ref target="#p10-lat_2" xml:id="p10-lat_2_note">2</ref>. <hi rend="i">Sterilisve diu palus, aptaque remis,</hi> etc. Il y a ici une
                    faute de quantité véritable : la dernière syllabe de <hi rend="i">palus</hi>
                    étant invariablement longue, comme dans <hi rend="i">virtus, tellus,</hi> etc.
                    On corrige quelquefois de cette manière :</p>
                <quote><p>Sterilisve palus dudum, etc.</p></quote>
                <p>Mais cette correction ne se trouve dans aucun manuscrit. Bentley fait une longue
                    dissertation pour justifier la leçon qu’il propose :</p>
                <quote><p>Sterilisve palus prius, etc.</p></quote>
                <p>Malheureusement le vers d’Horace, tel qu’il est dans toutes les éditions jusqu’à
                    Bentley, et dans tous les manuscrits, avait été cité par Servius, Béda et
                    Priscien. Toute l’argumentation de Bentley doit tomber devant un tel témoignage.
                    Et pourquoi se scandaliser, d’ailleurs, qu’il ait échappé à Horace une de ces
                    fautes si bien excusées dans ces vers dont nous invoquerons pour lui le
                    bénéfice ?</p>
                <quote><l rend="right">Non ego paucis</l>
                    <l>Offendar maculis, quas aut incuria fudit,</l>
                    <l>Aut humana parum cavit natura….</l></quote>
                <p><ref target="#p12-lat">Page 12</ref>. — <ref target="#p12-lat_1" xml:id="p12-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Chremes,</hi> dans la pièce de Térence, intitulée
                    l’Héautontimoruménos.</p>
                <p>— <ref target="#p12-lat_2" xml:id="p12-lat_2_note">2</ref>. Au lieu de la leçon ordinaire :</p>
                <quote><l>Et tragicus plerumque dolet sermone pedestri :</l>
                    <l>Telephus et Peleus, etc.</l></quote>
                <p>on lit quelquefois :</p>
                <quote><l>Et tragicus plerumque dolet sermone pedestri</l>
                    <l>Telephus aut Peleus, etc.</l></quote>
                <p>en supprimant les deux points après le mot <hi rend="i">pedestri,</hi> et en
                    remplaçant la copulative <hi rend="i">et</hi> par la disjonctive <hi rend="i"
                        >aut.</hi> — Cette leçon nous avait souri d’abord ; mais un examen plus
                    sérieux nous fait revenir à la première, en maintenant néanmoins le changement
                    de <hi rend="i">et</hi> en <hi rend="i">aut.</hi> Le passage ainsi modifié nous
                    paraît avoir le triple avantage de la symétrie, d’une clarté plus grande, et
                    d’une relation toute naturelle avec les vers qui viennent plus bas :</p>
                <quote><l rend="right">Tua me infortunia lædent,</l>
                    <l>Telephe, <hi rend="i">vel</hi> Peleu, etc.</l></quote>
                <p><ref target="#p14-lat">Page 14.</ref> — <ref target="#p14-lat_1" xml:id="p14-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Si vis me flere, dolendum est, primum ipsi tibi.</hi>
                    On connaît la traduction de Boileau :</p>
                <quote><p>Pour me tirer des pleurs, il faut que vous pleuriez.</p></quote>
                <p><pb n="65" xml:id="p65"/>Outre qu’elle n’est pas élégante, nous ne la croyons pas
                    exacte non plus. <hi rend="i">Dolere</hi> ne signifie <hi rend="i">pleurer</hi>
                    que par métonymie, et en prenant la cause pour l’effet ; réellement il
                    signifie : avoir de la douleur. <hi rend="i">Ayez une douleur véritable,</hi>
                    dit Horace. <hi rend="i">Pleurez</hi> ne serait pas juste ; car enfin il y a de
                    fausses larmes, et celles-là doivent nous trouver insensibles ; il y a les
                    larmes comiques, et celles-là nous font rire.</p>
                <p><ref target="#p16-lat">Page 16</ref>. — <ref target="#p16-lat_1" xml:id="p16-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Honoratum si forte reponis Achillem….</hi> Par <hi
                        rend="i">honoratum</hi> les uns entendent <hi rend="i">célèbre, fameux</hi>
                    ou <hi rend="i">illustre ;</hi> mais nous ne croyons pas que l’on trouve dans
                    toute la latinité du siècle d’Auguste un seul exemple du mot <hi rend="i"
                        >honoratum</hi> pris dans ce sens-là. Or, il ne signifie pas ici <hi
                        rend="i">comblé d’honneurs,</hi> comme dans le vers 107 de l’épître I<hi
                        rend="sup">re</hi> du livre I<hi rend="sup">er</hi> :</p>
                <quote><p>Liber, <hi rend="i">honoratus,</hi> pulcher, rex denique
                    regum ;</p></quote>
                <p>car cette idée serait parfaitement ridicule, puisque là il s’agit <hi rend="i"
                        >des dignités, des honneurs accordés par le peuple.</hi> Nous croyons donc
                    que, par ce mot <hi rend="i">honoratum,</hi> qui rappelle exactement le
                    τετιμημένον d’Homère, le poëte latin fait à l’Iliade une allusion d’autant plus
                    heureuse, peut être, qu’elle rappelle, à l’aide d’un seul mot formant
                    hellénisme, le sujet réel et connu de ce poëme fameux.</p>
                <p>— <ref target="#p16-lat_2" xml:id="p16-lat_2_note">2</ref>. <hi rend="i">Difficile est proprie communia dicere….</hi> Pour bien
                    comprendre le sens longtemps controversé de ces paroles, il faut les rapprocher
                    de ce qui précède et de ce qui suit. Voici la paraphrase pleine de justesse que
                    Du Marsais a faite de ce passage : « Si vous osez mettre sur la scène un sujet
                    nouveau, un caractère qui n’ait pas encore été traité, <hi rend="i">si quid
                        inexpertum,</hi> etc., et que, pour peindre ce caractère, vous inventiez un
                    personnage jusqu’alors inconnu au théâtre, <hi rend="i">personam novam :</hi>
                    que ce personnage conserve toujours son caractère ; qu’il ne se démente point,
                    et que, jusqu’à la fin de la pièce, il soit tel qu’il aura paru au commencement.
                    Mais prenez-y garde, mesurez vos forces : il est bien difficile d’imaginer et de
                    soutenir ce personnage, de le créer, pour ainsi dire, tel qu’il doit être, <hi
                        rend="i">proprie.</hi> Pour peindre quelqu’un de ces caractères dont on n’a
                    encore qu’une idée générale, <hi rend="i">communia,</hi> et qui n’existent <hi
                        rend="i">qu’à l’état d’abstraction,</hi> on n’a aucun modèle devant soi,
                    point d’auteur qui ait traité le même sujet : on n’a pour guide que la
                    nature. »</p>
                <p>Exemple :</p>
                <p>Molière, en prenant l’<hi rend="i">avare</hi> pour sujet d’une de ses comédies,
                    nous a peint un caractère général, <hi rend="i">communia ;</hi> et, par la
                    conduite de sa pièce, par tout ce qu’il fait dire et faire à son Harpagon, <hi
                        rend="i">personnage nouveau,</hi> il a traité ce sujet <hi rend="i"
                        >proprie :</hi> il a appliqué à ce personnage nouveau le caractère général
                    d’avare : Harpagon est l’avare personnifié. Concluons avec Du Marsais que, <hi
                        rend="i">dicere communia proprie,</hi> c’est adapter si bien un caractère
                        <hi rend="i">général</hi> à un personnage <hi rend="i">particulier,</hi> que
                    toutes les actions, toutes les paroles qu’on prête à ce personnage, répondent
                    exactement à l’idée abstraite et générale qu’on a du caractère.</p>
                <p><ref target="#p18-lat">Page 18</ref>. — <ref target="#p18-lat_1" xml:id="p18-lat_1_note">1</ref>. C’est le début de l’Odyssée dans Homère. — Horace dit seulement <hi
                        rend="i">vidit :</hi> nous avons reproduit toute la pensée d’Homère, en
                    ajoutant l’idée du verbe ἔγνω :</p>
                <quote><p>Πολλῷν δ’ἀνθρώπων ἴὸευ ἄστεα καὶ νόον ἔγνω.</p></quote>
                <p><ref target="#p20-lat">Page 20</ref>. — <ref target="#p-lat_1" xml:id="p20-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Aulœa.</hi> On appelait ainsi la toile qui servait à
                    masquer la scène, avant la représentation et dans les entr’actes. Il ne faut pas
                    oublier que chez les anciens la toile, au lieu descendre du plafond, comme chez
                    nous, à la fin d’une pièce, s’élevait au contraire de bas en haut. La machine
                    qui la faisait descendre au commencement et remonter à la fin des pièces,
                    s’appelait <hi rend="i">exostra.</hi></p>
                <p>— <ref target="#p20-lat_2" xml:id="p20-lat_2_note">2</ref>. <hi rend="i">Reddere qui voces jam scit puer,</hi> etc. Ce passage a été
                    imité par notre vieux poëte Régnier, voyez la satire V ; par Boileau, voyez
                        l’<hi rend="i">Art poétique,</hi> liv. <hi rend="sc">iii</hi>, vers 373 et
                    suiv. ; et par Delille, poëme de l’<hi rend="i">Imagination,</hi> chant <hi
                        rend="sc">vi</hi>, vers 24 et suiv. Tout le monde connaît, dans le <hi
                        rend="i">Panégyrique de saint Bernard,</hi> par Bossuet, ce magnifique
                    portrait de la jeunesse : « Vous dirai-je ce que c’est qu’un jeune homme de
                    vingt-deux ans ?… »</p>
                <p>Horace lui-même a imité Aristote dans cette peinture si rapide, et pourtant si
                    philosophique, des quatre âges de la vie.</p>
                <p><ref target="#p22-lat">Page 22</ref>. — <ref target="#p22-lat_1" xml:id="p22-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Dilator, spe lentus, iners, pavidusque futuri.</hi>
                    Nous n’hésitons pas à lire ainsi, au lien de <hi rend="i">longus</hi> et <hi
                        rend="i">avidusque futuri. Spe lentus</hi> est le δύσελπις d’Aristote. En
                    effet, le vieillard est bien plus enclin au désespoir qu’aux longues
                    espérances ; et puis, entre ces deux mots <hi rend="i">iners</hi> et <hi
                        rend="i">avidus,</hi> il semble qu’il y aurait opposition ; enfin, le
                    passage d’Aristote, que le poëte avait certainement en vue, repousse
                    complétement l’idée de <hi rend="i">avidus</hi> : δειοὶ καὶ πάντα προφοϐητικοί,
                    dit Aristote, <hi rend="i">meticulosi et de omnibus futuris paventes.</hi></p>
                <p><ref target="#p24-lat">Page 24</ref>. — <ref target="#p24-lat_1" xml:id="p24-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Intus digna geri.</hi> La scène représentait toujours
                    une place publique, ou un endroit frequenté ; par conséquent, ce qui se faisait
                        <hi rend="i">intus,</hi> c’est-à-dire dans l’intérieur d’une maison, ne
                    pouvait se voir sur le théâtre. En pareil cas, nous disons qu’un fait se passe
                        <hi rend="i">dans la coulisse.</hi></p>
                <p>— <ref target="#p24-lat_2" xml:id="p24-lat_2_note">2</ref>. <hi rend="i">Facundia prœsens.</hi> L’expression serait assez vague, si les
                    détails qui précèdent ne la rendaient parfaitement claire. <hi rend="i">Facundia
                        prœsens</hi> signifie le récit épisodique ou final, dans lequel une
                    péripétie quelconque, ou la catastrophe de la tragédie était, ou devait être
                    racontée par un personnage qui en avait été le témoin, <hi rend="i"
                        >prœsens.</hi> La tragédie antique finit presque toujours ainsi ; voyez <hi
                        rend="i">OEdipe, Hécube,</hi> etc.</p>
                <p>— <ref target="#p24-lat_3" xml:id="p24-lat_3_note">3</ref>. <hi rend="i">Quodcumque ostendis mihi sic, incredulus odi.</hi> Ce vers ne
                    s’applique pas à Médée immolant ses enfants, mais seulement à la métamorphose de
                    Procné et de Cadmus. « Un prodige opéré par le ciel même ne révoltera point, dit
                    Voltaire ; mais un prodige opéré par un sorcier, malgré le ciel, ne plaira
                    jamais qu’à la populace. »</p>
                <p><ref target="#p26-lat">Page 26</ref>. — <ref target="#p26-lat_1" xml:id="p26-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Sortilegis non discrepuit sententia Delphis.</hi> Ce
                        <pb n="67" xml:id="p67"/>passage, assez obscur pour qui voudrait ne
                    l’expliquer que mot à mot, indique très-clairement, ce nous semble, cette
                    tendance du Chœur à parler un langage mystérieux et quelquefois mystique. On
                    peut même supposer qu’il y a une idée satirique dans ce vers : Horace ne se
                    piquait pas d’être bien fervent en fait de croyances religieuses.</p>
                <p><ref target="#p34-lat">Page 34</ref>. — <ref target="#p34-lat_1" xml:id="p34-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Hic et in Acci nobilibus trimetris. Hic</hi> désigne
                    le vers iambique, <hi rend="i">tel qu’il doit être.</hi> Horace veut dire, et il
                    dit en effet, que rarement Accius et Ennius observent les règles qu’il vient de
                    rappeler brièvement. Accius, ou Attius, est un poëte tragique postérieur à
                    Ennius : il est mort trente et un ans après lui, l’an 139 avant J. C.</p>
                <p>— <ref target="#p34-lat_2" xml:id="p34-lat_2_note">2</ref>. <hi rend="i">At nostri proavi.</hi> Quelques éditions portent <hi rend="i"
                        >At vestri proavi,</hi> sous prétexte que le fils d’un affranchi n’eût
                    jamais osé dire <hi rend="i">nos ancétres.</hi> Nous sommes convaincu que
                    personne, à Rome, n’aurait fait une pareille observation à l’ami de Mécène, au
                    poëte qui était en si grande faveur auprès d’Auguste. <hi rend="i">Nostri
                        proavi</hi> signifie donc, tout simplement, <hi rend="i">les gens
                        d’autrefois,</hi> les anciens Romains, nos devanciers.</p>
                <p>— <ref target="#p34-lat_3" xml:id="p34-lat_3_note">3</ref>. <hi rend="i">Ne dicam stulte</hi>… La postérité a cassé le jugement trop
                    sévère porté par Horace sur un poëte comique, auquel nous devons l’idée de
                    plusieurs comédies excellentes de Molière. Plaute a certainement un bon nombre
                    de plaisanteries grossières et inconvenantes ; mais on remarquera qu’il les
                    prête toujours à des esclaves. Comment les beaux esprits du temps d’Horace, et
                    Horace lui-même, pouvaient-ils donc se montrer si sévères pour les saillies de
                    Plaute, quand on les voit prendre tant de plaisir aux sottises grossières et
                    fort peu spirituelles, <hi rend="i">ne dicam stulte</hi> (ce serait bien le cas
                    de le dire), que s’adressent l’un à l’autre Sarmentus et Cicirrus ? Pourtant,
                    cet assaut d’injures de mauvais goût entre un bouffon et un parasite, eut le
                    singulier privilége de réjouir et de charmer, <hi rend="i">pendant tout un
                        repas,</hi> Héliodore le rhéteur, Mécène, Plotius, Varius, Virgile et Horace
                    enfin, qui, après nous avoir raconté cette querelle grotesque, ajoute, et il
                    faut l’en croire :</p>
                <quote><p>Prorsus jucunde scenam produximus….</p></quote>
                <p>Voyez la satire V du liv. <hi rend="sc">i</hi><hi rend="sup">er</hi>, où se
                    trouve la description du voyage à Brindes.</p>
                <p><ref target="#p36-lat">Page 36</ref>. — <ref target="#p36-lat_1" xml:id="p36-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Successit Vetus his Comœdia.</hi> Les grammairiens
                    d’Alexandrie ont reconnu, comme on le sait, trois sortes de comédies :
                    l’ancienne, la moyenne et la nouvelle. La première avait des chœurs chantants,
                    comme la tragédie, c’est la comédie d’Aristophane :</p>
                <quote><p>Eupolis, atque Cratinus, Aristophanesque poetæ.</p></quote>
                <p>Les deux autres n’en avaient pas ; mais ce qui les distingue surtout de la
                    première, c’est la modération satirique à laquelle la loi les contraignit. Voyez
                    Horace, <hi rend="i">Art poétique,</hi> vers 283 et 284, et épître I, livre II,
                    vers 152 et suivants :</p>
                <quote><l rend="right"><pb n="68" xml:id="p68"/>Quin etiam lex</l>
                    <l>Pænaque lata, malo quæ nollet carmine quemquam</l>
                    <l>Describi. Vertere modum, formidine fustis</l>
                    <l>Ad bene dicendum delectandumque redacti.</l></quote>
                <p>— <ref target="#p36-lat_2" xml:id="p36-lat_2_note">2</ref>. <hi rend="i">Vel qui Prœtextas, vel qui docuere Togatas. Prœtextas,</hi> la
                    tragédie, parce que les acteurs portaient la robe <hi rend="i">prétexte,</hi>
                    qui n’appartenait qu’aux nobles ; <hi rend="i">Togatas,</hi> la comédie, parce
                    que les acteurs portaient la toge, vêtement ordinaire des gens du peuple.</p>
                <p>— <ref target="#p36-lat_3" xml:id="p36-lat_3_note">3</ref>. <hi rend="i">Pompilius sanguis.</hi> Horace appelle les jeunes Pisons <hi
                        rend="i">sang de Pompilius</hi> : Acron et Porphyrion disent que Numa
                    Pompilius eut un fils nommé Calphus, ou Calpur, de qui les <hi rend="i"
                        >Calphurnii</hi> ou <hi rend="i">Calpurnii Pisones</hi> prétendaient tirer
                    leur origine.</p>
                <p><ref target="#p38-lat">Page 38</ref>. — <ref target="#p38-lat_1" xml:id="p38-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Tribus Anticyris.</hi> Il y avait, en effet, trois
                    endroits de ce nom : la ville d’<hi rend="i">Anticyre,</hi> en Phthiotide, était
                    située au nord de l’embouchure du Sperchius, dans le golfe Maliaque, où se
                    trouvait une île, également nommée <hi rend="i">Anticyre</hi> ; une troisième
                    Anticyre se trouvait en Phocide, dans le pays des Locriens Ozoles, au sud-ouest
                    de Delphes, près de la côte du golfe de Corinthe : et, par une coïncidence
                    singulière, mais suffisamment constatée, le territoire de toutes les trois
                    produisait l’ellébore, dont on se servait particulièrement pour la guérison de
                    la folie. Strabon mentionne ces trois Anticyres. (Voir <hi rend="i">Essai de
                        Géographie historique ancienne,</hi> par F. Ansart ; Grèce septentrionale, §
                    737, page 238, 3<hi rend="sup">e</hi> édition.)</p>
                <p>Malgré ce renseignement positif, j’ai préféré dans la traduction l’idée d’une
                    seule Anticyre : elle a l’avantage de présenter un trait comique, dont
                    l’exagération maligne va bien mieux aux habitudes satiriques du poëte.</p>
                <p>— <ref target="#p38-lat_2" xml:id="p38-lat_2_note">2</ref>. <hi rend="i">Tonsori Licino.</hi> Licinus, barbier enrichi, que César avait
                    fait sénateur, et qui fut, à ce que l’on pense, exclu du sénat par Auguste.</p>
                <p><ref target="#p42-lat">Page 42</ref>. — <ref target="#p42-lat_1" xml:id="p42-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Poteras dixisse</hi> ? — <hi rend="i">Triens</hi>…
                    C’est le tiers d’une livre ou d’un as. La livre avait douze parties égales,
                    appelées onces ; ses subdivisions étaient : 1° <hi rend="i">uncia,</hi> l’once ;
                    2° <hi rend="i">sextans,</hi> deux onces, ou le sixième de la livre ; 3° <hi
                        rend="i">quadrans,</hi> trois onces, ou le quart de la livre ; 4° <hi
                        rend="i">triens,</hi> quatre onces, ou le tiers de la livre ; 5° <hi
                        rend="i">quincunx,</hi> cinq onces ; 6° <hi rend="i">semis</hi> (pour <hi
                        rend="i">semissis</hi>), une demi-livre, ou six onces ; 7° <hi rend="i"
                        >septunx,</hi> sept onces ; 8° <hi rend="i">bes,</hi> huit onces, ou les
                    deux tiers de la livre ; 9° <hi rend="i">dodrans,</hi> neuf onces, ou les trois
                    quarts ; 10° <hi rend="i">dextans,</hi> dix onces ; 11° <hi rend="i">deunx,</hi>
                    les onze douzièmes de la livre ; 12°, enfin, <hi rend="i">as,</hi> la livre, ou
                    l’as, réunion des douze onces.</p>
                <p>— <ref target="#p-lat_2" xml:id="p-lat_2_note">2</ref>. <hi rend="i">Pransœ Lamiœ.</hi> Les Lamies, espèce de Gargantuas ou de
                    Croquemitaines femelles, étaient des monstres fabuleux, ayant une tête et une
                    poitrine de femme, terminée par le corps d’un serpent.</p>
                <p><ref target="#p44-lat">Page 44</ref>. — <ref target="#p44-lat_1" xml:id="p44-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Celsi Rhamnes.</hi> Les Chevaliers dédaigneux,
                    hautains. <hi rend="i">Rhamnes</hi> était le nom d’un des trois corps de
                    chevaliers institués par Romulus.</p>
                <p><ref target="#p46-lat">Page 46</ref>. — <ref target="#p46-lat_1" xml:id="p46-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Qui mullum cessat, fit Chœrilus ille</hi>…. <pb n="69"
                        xml:id="p69"/>Chérile-mauvais poëte qu’Alexandre récompensa largement pour
                    des vers médiocres, composés à sa louange. Voyez l’épître I<hi rend="sup"
                        >re</hi> du livre II, vers 232 et suiv. :</p>
                <quote><l>Gratus Alexandro regi Magno fuit ille</l>
                    <l>Chœrilus, incultis qui versibus et male natis</l>
                    <l>Rettulit acceptos, regale nomisma, Philippos.</l></quote>
                <p>J.-B. Rousseau a fait allusion à ce passage, dans les vers suivants :</p>
                <quote><l>C’est ainsi qu’au milieu des palmes les plus belles,</l>
                    <l>Le vainqueur généreux du Granique et d’Arbelles</l>
                    <l>Cultivait les talents, honorait le savoir,</l>
                    <l>Et, de Chérile même excusant la manie,</l>
                    <l rend="center">Au défaut du génie,</l>
                    <l>Récompensait en lui le désir d’en avoir.</l>
                    <bibl>(Livre XVIII, ode <hi rend="sc">ii</hi>, au prince Eugène.)</bibl></quote>
                <p><ref target="#p48-lat">Page 48</ref>. — <ref target="#p48-lat_1" xml:id="p48-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Sardo cum melle papaver.</hi> On mêlait avec du miel
                    la graine de pavot blanc rôtie : mais le miel de Sardaigne était extrêmement
                    amer. La même plante qui lui donnait cette amertume désagréable, produisait sur
                    les lèvres une contraction nerveuse qui se manifestait par un sourire convulsif.
                    C’est de là qu’est venue l’expression proverbiale de <hi rend="i">rire
                        sardonique.</hi></p>
                <p>— <ref target="#p48-lat_2" xml:id="p48-lat_2_note">2</ref>. <hi rend="i">Census equestrem summam nummorum.</hi> Pour être admissible
                    dans l’ordre des Chevaliers, au temps d’Horace, il fallait posséder quatre cent
                    mille sesterces (79,500 fr.). Voyer l’épître <hi rend="sc">i</hi><hi rend="sup"
                        >er</hi> du liv. <hi rend="sc">i</hi><hi rend="sup">er</hi>, vers 57 :</p>
                <quote><l>Si quadringentis sex, septem millia desunt.</l>
                    <l>Plebs eris….</l></quote>
                <p><ref target="#p50-lat">Page 50</ref>. — <ref target="#p50-lat_1" xml:id="p50-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">In Metii descendat judicis aures….</hi> Métius Tarpa,
                    ami d’Horace, excellent juge en poésie, est le même dont il est question au vers
                    38 de la satire X du livre 1<hi rend="sup">er</hi> :</p>
                <quote><l rend="right">Hæc ego ludo,</l>
                    <l>Quæ nec in æde sonent certantia, judice Tarpa,</l>
                    <l>Nec redeant iterum atque iterum spectanda theatris.</l></quote>
                <p>— <ref target="#p50-lat_2" xml:id="p50-lat_2_note">2</ref>. <hi rend="i">Nonumque prematur in annum…</hi> Ce conseil, dirons-nous avec
                    M. Walckenaër, de garder <hi rend="i">pendant neuf ans</hi> toute composition
                    littéraire, quelle qu’elle soit, n’a pas été compris par les commentateurs. — On
                    l’a considéré comme un précepte général, tandis qu’au contraire ce n’est qu’un
                    conseil donné au jeune Pison, alors âgé de dix-sept ou dix-huit ans, tout au
                    plus. Nous croyons donc qu’Horace a voulu dire simplement qu’on ne devait pas se
                    produire en public, comme auteur, avant vingt-quatre ou vingt-cinq ans, et qu’on
                    devait garder ce qu’on avait composé avant cet âge, comme des fruits précoces
                    dont on attend la maturité. Horace avait d’ailleurs suivi lui-même ce précepte,
                    en ne laissant rien paraître, avant cet âge, des vers grecs qu’il dit avoir
                    composés dans sa première jeunesse, concurremment, sans doute, avec quelques
                    odes latines.</p>
                <p><pb n="70" xml:id="p70"/><ref target="#p52-lat">Page 52</ref>. — <ref target="#p52-lat_1" xml:id="p52-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Nunc satis est dixisse.</hi>
                    Au lieu de <hi rend="i">nunc,</hi> quelques éditions disent <hi rend="i"
                        >nec.</hi> Des deux manières, l’intention satirique est parfaitement
                    sensible. <hi rend="i">Nunc</hi> est dans les meilleurs manuscrits.</p>
                <p><ref target="#p54-lat">Page 54</ref>. — <ref target="#p54-lat_1" xml:id="p54-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Ut, qui conducti plorant in funere.</hi> Allusion à
                    cet usage antique, bien connu, d’avoir aux funérailles des pleureurs à gages
                        (<hi rend="i">conducti</hi>). Cet usage a disparu en France, mais il s’y
                    était maintenu jusque dans les dernières années.</p>
                <p><ref target="#p56-lat">Page 56</ref> — <ref target="#p56-lat_1" xml:id="p56-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Quintilio si quid recitares.</hi> Quintilius Varus,
                    poëte distingué, en l’honneur de qui a été composée l’ode XX du livre 1<hi
                        rend="sup">er</hi> :</p>
                <quote><l>Quis desiderio sit pudor aut modus</l>
                    <l>Tam cari capitis ?</l></quote>
                <p>ode adressée à Virgile.</p>
                <p>— <ref target="#p56-lat_2" xml:id="p56-lat_2_note">2</ref>. <hi rend="i">Et male formatos incudi reddere versus.</hi> Sidoine
                    Apollinaire, au <hi rend="sc">v</hi><hi rend="sup">e</hi> siècle, a lu <hi
                        rend="i">formatos,</hi> et non pas <hi rend="i">tornatos</hi> : « <hi
                        rend="i">Horatiana</hi> incude « formatos <hi rend="i">asclepiadeos,</hi> »
                    dit-il, épit. IX, 13. Ainsi ont lu évidemment, Acron et Porphyrion, les plus
                    anciens commentateurs d’Horace : « <hi rend="i">Ferramentum male ductum</hi>
                    redditur incudi, <hi rend="i">et bene ibi</hi> formatur. » (<hi rend="sc"
                        >Acron</hi>.) — « <hi rend="i">Ferramentum</hi> male formatum redditur
                    « incudi, <hi rend="i">ut ibi</hi> formetur. » (<hi rend="sc"
                    >Porphyrion</hi>.)</p>
                <p>On le voit donc, le mot <hi rend="i">formare</hi> est l’expression technique et
                    usuelle pour dire <hi rend="i">forger le fer sur l’enclume.</hi> Bien que la
                    leçon <hi rend="i">formatos</hi> ne soit pas donnée par les manuscrits, nous
                    l’avons préférée à <hi rend="i">tornatos,</hi> qui en diffère bien peu
                    matériellement, et qui nous semble un peu barbare. Nous ajouterons que dix-sept
                    éditeurs ou critiques ont adopté cette leçon nouvelle, entre autres, Guyet,
                    Cuningham, Sanadon, Poinsinet de Sivry, Ménage et Daru.</p>
                <p>— <ref target="#p-lat_3" xml:id="p-lat_3_note">3</ref>. <hi rend="i">Vir bonus et prudens,</hi> etc. On fera bien de comparer ce
                    portrait d’<hi rend="i">un ami prudent et éclairé</hi> à celui <hi rend="i">du
                        critique impartial</hi> tracé par le poëte dans l’Epître à Florus (la
                    seconde du livre II), vers 109 à 125. Nous rapprocherons surtout les traits
                    suivants :</p>
                <quote><l>Audebit, quæcumque parum splendoris habebunt,</l>
                    <l>Et sine pondere erunt, et honore indigna ferentur,</l>
                    <l>Verba movere loco, quamvis invita recedant…</l>
                    <l>Luxuriantia compescet ; nimis aspera sano</l>
                    <l>Lævabit cultu ; virtute carentia tollet….</l></quote>
                <p>On sait que Boileau a réuni en un seul tableau ces deux portraits si habilement
                    indiqués par Horace. C’est peut-être le cas d’exposer ici l’opinion, encore peu
                    débattue, et partant assez neuve, que les deux premières Epîtres du second livre
                    forment, avec l’<hi rend="i">Épître aux Pisons,</hi> un <hi rend="i">Art
                        poétique</hi> assez complet dans l’ensemble, quoique composé de trois
                    éléments bien distincts. L’analyse succincte de ces deux épîtres adressées, la
                    première, à Auguste, et la seconde, à Jules Florus, prouvera ce que nous
                    avançons. Dans l’Epître à Auguste, laquelle peut, relativement à la question qui
                    nous occupe, se diviser en trois parties, le poëte établit d’abord une
                    comparaison entre les auteurs anciens et les modernes ; — ensuite, il montre que
                    la <pb n="71" xml:id="p71"/>nouveauté est mère des beaux-arts, des
                    belles-lettres, et surtout de la poésie ; — enfin, dans la troisième partie, il
                    traite de la poésie dramatique et de la difficulté de réussir au théâtre. Il y a
                    une quatrième partie, mais qui s’adresse particulièrement à Auguste : — il est
                    de l’intérêt d’un prince d’exciter l’émulation des poëtes, car la poésie
                    contribue, aussi sûrement que le bronze lui-même, à éterniser la gloire des
                    grands hommes :</p>
                <quote><l>Nec magis expressi vultus per ahenea signa,</l>
                    <l>Quam per vatis opus, mores animique virorum</l>
                    <l>Clarorum apparent.</l>
                    <l rend="right">(Vers 248 et suivants.)</l></quote>
                <p>Dans l’Épître à Florus, beaucoup plus familière, et entremêlée d’historiettes
                    racontées comme raconte Horace, le poëte nous déclare, en vers charmants, qu’il
                    ne veut plus faire de vers, et qu’il est fatigué du métier de poëte, à cause de
                    la vanité, des intrigues mesquines et de l’incapacité de ses confrères. A cette
                    boutade satirique et mordante, qui rappelle assez les derniers vers de l’<hi
                        rend="i">Art poétique,</hi> Horace ajoute, en passant, et sans avoir l’air
                    d’y toucher, comme nous dirions, quelques préceptes d’une haute raison. Cette
                    question qu’il a traitée plus d’une fois, la difficulte de bien écrire, lui a
                    inspiré les vers que nous citons plus haut, et qui ont, avec le passage de l’<hi
                        rend="i">Art poétique,</hi> objet de cette note, une analogie frappante,
                    incontestable.</p>
                <p>On sait, d’ailleurs, que l’<hi rend="i">Épître aux Pisons</hi> est postérieure
                    aux deux précédentes. Ainsi, il est naturel, il est permis, au moins, de penser
                    que le poëte, en composant cette fameuse épître, la plus longue de celles qu’il
                    a laissées, songeait à réunir et à compléter ce qu’il avait déjà dit
                    antérieurement sur l’<hi rend="i">Art d’écrire.</hi> On remarquera facilement
                    que, dans aucune de ces trois pièces, Horace n’a voulu astreindre à un plan
                    systématique sa muse vagabonde, son style familier, son allure pleine de liberté
                    et de caprice. Mais, dans toutes les trois aussi, nous retrouvons, avec M.
                    Walckenaër, la même idée élevée du vrai poëte, la même sentiment de la haute
                    utilité et de la noble mission de la poésie : tout cela, exposé sans prétention
                    par un homme de goût qui cause avec entraînement, avec verve, mais qui n’a garde
                    de se donner l’attitude imposante d’un professeur qui enseigne, ou d’un
                    législateur qui régente.</p>
                <p>Concluons. — Si l’<hi rend="i">Épître aux Pisons,</hi> considérée des son
                    apparition comme une œuvre à part, et citée deux fois déjà par Quintilien sous
                    le nom d’<hi rend="i">Art poétique,</hi> est un morceau plus sérieux, plus
                    spécial, plus didactique, en un mot, que l’Epître à Auguste, et, surtout, que
                    l’Epître à Florus ; si, contre la manière habituelle d’Horace, elle renferme
                    plus de principes de l’art considéré en lui-même que de maximes de moralité ;
                    si, enfin, parmi tant d’allusions malignes dirigées contre les anciens, et tant
                    de traits satiriques à l’adresse des poëtes ridicules de son temps, il n’a pas
                    dit un seul mot sur sa personne, sur ses antécédents, sur sa jeunesse, comme il
                    le fait avec <pb n="72" xml:id="p72"/>tant de grâce dans l’Epître à Florus : il
                    n’en demeure pas moins établi que ces trois épîtres sont intimement liées entre
                    elles, d’abord par l’identité du sujet, par la ressemblance souvent frappante
                    des détails ; et, ensuite, qu’elles concourent au même but, qu’elles se
                    commentent, s’éclairent et se complètent l’une par l’autre.</p>
                <p>Cette <hi rend="i">préméditation</hi> de la part d’Horace, si fortement préoccupé
                    (dit M. Walckenaër) des mêmes pensées, qu’il éprouvait le vif besoin de les
                    exprimer, cette préméditation nous semble donc suffisamment démontrée. Nous
                    aurions pu exposer cette opinion dans les notes des deux épîtres <hi rend="i">à
                        Auguste</hi> et <hi rend="i">à Florus ;</hi> mais nous avons préféré la
                    traiter ici complétement, à propos de l’<hi rend="i">Épître aux Pisons,</hi>
                    dont les deux précédentes ne sont en réalité que des parties accessoires, bien
                    qu’elles soient, l’une et l’autre, d’une date antérieure.</p>
                <p>L’Epître à <hi rend="i">Florus</hi> est de 743, l’Epître à <hi rend="i"
                        >Auguste</hi> de 744, enfin, l’<hi rend="i">Épître aux Pisons,</hi> de 745.
                    Ainsi que nous l’avons dit, Horace avait cinquante-quatre ans, quand il écrivait
                    la première ; cinquante-cinq ans, lors de la seconde, et cinquante-six ans à
                    l’époque de la troisième. Peut-être même celle-ci ne fut-elle pas achevée par le
                    poëte : du moins, on croit généralement qu’elle ne fut publiée qu’après sa
                    mort.</p>
                <p><ref target="#p58-lat">Page 58</ref>. — <ref target="#p58-lat_1" xml:id="p58-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">Morbus regius.</hi> Ce n’est pas l’épilepsie, mais la
                    jaunisse. On l’appelait <hi rend="i">morbus regius,</hi> d’après Celse, parce
                    qu’on ordonnait au malade de ne s’occuper que de choses agréables, de se livrer
                    à toute sorte de distractions, de voyager ou de voir beaucoup de monde.</p>
                <p>— <ref target="#p58-lat_2" xml:id="p58-lat_2_note">2</ref>. <hi rend="i">Hic dum, sublimis, versus ructatur.</hi> J’aime mieux lire <hi
                        rend="i">sublimis</hi> se rapportant au poëte, que <hi rend="i"
                        >sublimes</hi> se rapportant à <hi rend="i">versus ;</hi> l’image est bien
                    plus vive, et rappelle plus naturellement l’idée qui suit : <hi rend="i">si
                        veluti merulis intentus decidit auceps.</hi></p>
                <p>— <ref target="#p58-lat_3" xml:id="p58-lat_3_note">3</ref>. <hi rend="i">Qui scis an prudens huc se projecerit ?</hi> Il est évident
                    qu’il y a ici une négation sous-entendue : c’est la négation incluse dans le
                    verbe <hi rend="i">nolit</hi> du vers suivant (<hi rend="i">atque servari
                        nolit</hi>), qui réagit sur la première partie de la proposition.</p>
                <p><ref target="#p60-lat">Page 60</ref>. — <ref target="#p60-lat_1" xml:id="p60-lat_1_note">1</ref>. <hi rend="i">An triste bidental moverit incestus. Bindental</hi>
                    est la place même où la foudre était tombée : on y élevait un petit autel
                    expiatoire, sur lequel on immolait des brebis <hi rend="i">(bidentes),</hi> d’où
                    le mot <hi rend="i">bidental.</hi></p>
            </div1>
        </body>
    </text>
</TEI>